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Nihilisme 4 - Une question d'homéostasie, entre conservation et développement

Laura Revenudelaba

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12/7/22
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HOMÉOSTASIE​

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ENTRE CONSERVATION ET DÉVELOPPEMENT DU VIVANT DANS UNE VOLONTÉ DE PUISSANCE INHÉRENTE A LA NATURE


Définition (CNRTL) :

Tendance de l'organisme à maintenir ou à ramener les différentes constantes physiologiques (température, débit sanguin, tension artérielle, etc.) à des degrés qui ne s'écartent pas de la normale.

« L’homéostasie se réfère à l’ensemble fondamental des opérations qui sont au cœur de la vie, depuis son émergence dans la biochimie primitive (depuis longtemps évanouie) jusqu’à nos jours. L’homéostasie est l’impératif puissant, non réfléchi et silencieux qui assure la persistance et la prédominance de tous les organismes vivants, petits ou grands - rien de moins. Le volet de l’homéostasie qui recouvre la « persistance » est tout à fait transparent : il génère la vie. On le tient pour acquis dans l’étude de l’évolution des organismes et des espèces, et il ne fait l’objet d’aucune référence ou révérence particulière. Le volet qui recouvre la « prédominance » est plus subtil et rarement reconnu. Il agit de manière que le cadre de la régulation du vivant dépasse la simple survie ; de manière qu’il soit également propice à l’épanouissement, à la perpétuation de la vie dans l’avenir d’un organisme ou d’une espèce. » - Antonio Damasio

Nous sommes donc tous régit par l’homéostasie, autant individuellement que collectivement, tout comme la faune et la flore dans son ensemble. Nous ne sommes pas un empire dans un empire, mais faisons partie de la nature naturante qu’est le tout du vivant.


ORIGINE GÉNÉTIQUE/CELLULAIRE ET FONCTIONS DE L’HOMÉOSTASIE

« Les gènes ont joué un rôle capital dans la grande marche du vivant, depuis ses formes primitives jusqu’à la vie humaine contemporaine. [...] Les conditions physiques et chimiques du processus vital ont été responsables de la mise en place de l’homéostasie au sens large - et tout a découlé de ce fait, y compris la mécanique génétique. Ce processus est survenu dans les cellules sans noyau (ou procaryotes). Plus tard, l’homéostasie a guidé la sélection des cellules avec noyau (ou eucaryotes). A une période encore plus récente sont apparus les organismes complexes, composés de nombreuses cellules. Ces derniers ont commencé à développer des « systèmes s’étendant au corps entier » - les systèmes circulatoires, endocriniens, immunitaires et nerveux. Ces systèmes ont fait émerger l’esprit, les sentiments, la conscience, toute la mécanique des affects et les mouvements complexes. » - Antonio Damasio

De l’homéostasie, ou maintenir l’ordonnancement du vivant dans le chaos naturel environnant.

« On peut raisonnablement affirmer que l’homéostasie est apparue au niveau cellulaire, le stade le plus primitif du vivant ; les bactéries de tous types en sont le meilleurs exemples. L’homéostasie évoque le remarquable processus qui vient contrer la propension de la nature a sombrer peu à peu dans le désordre ; elle maintient l’ordre, mais à un niveau, rendu possible par un état de stabilité le plus efficace possible. » - Antonio Damasio

Optimiser son propre développement dans la gestion de l’énergie, afin de préserver sa vie - l’homéostasie régule toute valeur biologique en vue de se perpétuer, de se développer dans une évolution adaptative.

« L’homéostasie est avant tout un processus de gestion de l’énergie. Elle se la procure, la répartit entre plusieurs fonctions fondamentales - répartition, défense, croissance - et participe à la création et à l’entretien de la progéniture. »

La gestion et la préservation de la vie est donc le principe fondamental de la valeur biologique homéostatique, à partir desquelles toutes les autres valeurs vont pouvoir émerger.


COMPOSANTES DE L’HOMÉOSTASIE - LES SENTIMENTS, LA SOCIALITÉ, LA CULTURE

« Lorsque les sentiments sont portés à la connaissance du soi au sein de l’organisme qui les possède, ils bonifient et amplifient le processus de gestion de la vie. La machinerie qui se trouve derrière les sentiments permet les corrections biologiques nécessaires à la survie en communiquant des informations explicites quant à l’état des différents composants de l’organisme à chaque moment. les sentiments apposent sur les cartes concernées un timbre sur lequel on peut lire : « indique ça ! » » - Antonio Damasio

« La socialité, cet ensemble de stratégies comportementales sans lesquelles les réponses culturelles ne pourraient exister, est l’un des nombreux outils de l’homéostasie. C’est via l’affect que la socialité pénètre l’esprit humain créateur de culture. » - Antonio Damasio

L’expression de nos sentiments est donc essentielle pour communiquer, pérenniser notre socialité. (on verra dans l’article suivant en quoi l’individualisme est nuisible au collectif dans un défaut de socialisation). De fait, l’homéostasie guide l’évolution biologique et l’évolution culturelle, via la valence sentimentale (évaluation de son état immédiat entre bien-être et mal-être) :

« Lorsque le fonctionnement de l’organisme est amené à sortir de la fourchette du bien-être, il s’enfonce dans la maladie et se rapproche de la mort. Les sentiments sont alors de puissants facteurs de perturbation, qui injectent dans le processus mental une volonté de renouer avec une fourchette homéostatique favorable. Ensuite, outre l’inquiétude qu’ils entraînent et l’injonction à penser et à agir qu’ils nous adressent, les sentiments servent d’arbitre : ils évaluent la qualité de la réponse. En définitive, ce sont eux les juges de notre processus de création culturelle. En grande partie parce que les mérites des inventions culturelles sont classés en fonction de leur efficacité via une interface fondée sur les sentiments. » - Antonio Damasio

Les organismes pré-mentaux ont des comportements pré-culturels quand les organismes post-mentaux ont des comportements pleinement culturels.

« Chez les organismes unicellulaires, comme les bactéries, on constate que les comportements sociaux élaborés traduisent - sans réflexion aucune de la part de l’organisme - une opinion implicite quant aux comportements de leurs congénères, déterminant s’ils sont ou non propices à la survie du groupe ou des individus. Ils se conduisent « comme s’ils formaient des opinions ». C’est là un exemple d’une forme précoce de « culture », réalisée sans « esprit créateur de culture ». Il s’agit d’une manifestation primitive proche des solutions schématiques qu’ont envisagées et utilisées l’esprit et la raison éclairée. » - Antonio Damasio

De part notre faculté humaine extra-mentale à raisonner de manière très réfléchie, nous avons développé de nombreuses formes culturelles, gigantesques et complexes structurations institutionnelles à travers nos sociétés (justice, technologies, arts, universités, sécurité sociale...)


ORIGINE ET FONCTIONNEMENT DES VALEURS BIOLOGIQUES ET MORALES

« Les émotions sont les exécuteurs et les serviteurs zélés du principe de valeur, le produit le plus intelligent à ce jour de la valeur biologique. » - Antonio Damasio

Tout a une valeur biologique très précise, hiérarchisée dans notre organisme. Ces valeurs établies à des niveaux hormonaux et nerveux, traduisent dans nos connexions neurales des orientations, qui vont déterminer nos comportements spécifiques, selon ce qu’on perçoit des choses.

Comment s’effectue l’attribution de valeurs aux contenus iconiques de l’esprit ?

« Toute image traitée par le cerveau est automatiquement appréciée et marquée d’une valeur à la faveur d’un processus fondé sur les dispositions originales du cerveau (son système de valeur biologique), ainsi que sur celles qui sont acquises par apprentissage tout au long de la vie. Cette estampille est ajoutée durant la perception originelle et est enregistrée avec l’image, mais elle est aussi ravivée à chaque remémoration. En résumé, face à certaines séquences d’évènements et à la richesse des connaissances passées qui ont été filtrées et marquées d’une certaine valeur, les dispositifs cérébraux de coordination assistent l’organisation des contenus actuels. » - Antonio Damasio

Ainsi nos valeurs morales - innées de part notre constitution physiologique propre et acquises de part notre éducation (somme d’expériences à visées éthiques) - déterminent nos subjectivités selon les comportements que l’on reproduira par automatisme/habitude, plus ou moins consciemment, selon les situations.

L’importance des émotions sociales :

Les émotions sociales sont impliquées dans un cadre social particulier, comme la compassion, l’embarras, la honte, la culpabilité, le mépris, la jalousie, l’envie, l’orgueil et l’admiration. Ces émotions sont bien déclenchées par des situations sociales et elles jouent assurément un rôle majeur dans la vie des groupes sociaux. Les émotions sociales impliquent un certain nombre de principes moraux qui sont le fondement naturel des systèmes éthiques, dans une régulation homéostatique.


INCONSCIENT GÉNOMIQUE

« Qu’entendre par inconscient génomique ? Tout simplement le nombre colossal d’instructions qui sont contenues dans notre génome et qui commandent la construction de notre organisme en lui indiquant quels sont les traits distinctifs de notre phénotype, dans notre corps proprement dit et le cerveau, pour ensuite l’assister dans ses opérations. La configuration de base des circuits cérébraux est dictée par le génome et elle contient le tout premier répertoire des savoir-faire non conscients qui peuvent régir notre organisme. Ces savoir-faire ont d’abord et surtout à voir avec la régulation de la vie, la question de la vie et de la mort, et celle de la reproduction, mais précisément parce que ces problèmes centraux, cette configuration favorise nombre de comportements qui peuvent paraître relever de décision émanant de la cognition consciente, mais sont en fait inspirés par des dispositions non conscientes. Les préférences spontanées qu’on manifeste tôt dans la vie en ce qui concerne la nourriture, la boisson, les amours et l’habitat sont inspirées en partie par l’inconscient génomique, même si elles peuvent être modulées et modifiées par l’expérience individuelle au cours du développement. La psychologie a depuis longtemps admis l’existence de fondements inconscients du comportement et les a étudiés sous la rubrique de l’instinct, des comportements automatiques, des pulsions et des motivations. Ce qui a changé récemment, c’est qu’on a compris que l’installation précoce de ces dispositions dans le cerveau humain est sous influence génétique et que, nonobstant tout ce que nous formons et remodelons en tant qu’individus conscients, la portée thématique de ces dispositions est très large et leur étendue étonnante. C’est tout particulièrement remarquable en ce qui concerne certaines dispositions sur lesquelles les structures culturelles sont bâties. L’inconscient génétique a son mot à dire dans la formation précoce des arts, de la musique et de la peinture à la poésie. Il a à voir avec la structuration primordiale de l’espace social, y compris ses conventions et ses règles. » - Antonio Damasio


PULSIONS DE MORT DANS LA CULTURE - VALEURS MORALES NIHILISTES

« La « pulsion de mort » dont parlait Freud demeure à ce jour un facteur central dans les échecs de nos sociétés ; je la décrirais toutefois en des termes poétiques, moins mystérieux. J’estime que ce facteur est une composante structurelle de l’esprit humain créateur de culture. En termes neurobiologiques modernes, la « pulsion de mort » de Freud correspond au déclenchement incontrôlé d’un ensemble spécifique d’émotions négatives, à la perturbation de l’homéostasie qui en résulte, et là l’insurmontable chaos dans lequel elles plongent les comportements humains individuels et collectifs. » - Antonio Damasio​


EN CONCLUSION

On comprend que toute civilisation, toute société, tout individu, dépend de son homéostasie, selon des facteurs autant environnementaux que culturels, de valeurs tant biologiques que morales. Après tout est question d'équilibration entre conservation et développement, entre pulsions de vie créatrices et pulsions de mort destructrices, les unes les autres étant naturellement intriquées dans des processus dynamiques de production et reproduction de toutes existences. La vie est une lutte constante contre la mort, qui est en fait inévitablement partie.​
 
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