Laura Revenudelaba
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Petite réflexion sur ce qu'est la morale et l'éthique, pour servir de bases et trouver des solutions pour lutter contre le nihilisme.
Pshhiiiii, le camion s’arrête :
- Nou velle étape dans ce voyage intérieur, sur les sinueux sentiers de la morale .
- Tout à fait la Petite Voix, dit Jamy depuis le camion, mais on n’est pas encore arrivé pour autant, on ne déconstruit pas comme ça - bruit de claquement de doigt - le nihilisme en soi.
- On en sait déjà plus qu’au départ , ajouta Freud, mais Nietzsche, qui est en fait très réservé dans son extravagance , m’en a dit plus. Appréhender sa pensée en totalité demande une certaine gymnastique d’esprit, par-delà bien et mal, mais le potentiel est immense. Infini. Pour le meilleur et le pire…
- Oui oui on sait, les nazis, toussa toussa, dis-nous en plus à propos du nihilisme, Freud !
- Justement ! Sa philosophie propose de dépasser cet état moribond. Dans une analyse spectrale de la société occidentale moderne, Nietzsche a diagnostiqué les symptômes du nihilisme sous deux formes. Passive et active. Le nihiliste passif végète dans des valeurs morales que Nietzsche juge comme étant « faibles ». C’est tout ce qui amène l’esprit à se replier sur lui-même face au monde menaçant, ou qui pousse à la flemmardise, à la couardise, à préférer l’ignorance plutôt que le savoir, le déni face à la vérité. Un peu comme ce qui se fait de pire en terme d’individualisme. Pour lui c’est synonyme de fatigue morale, autant physiquement que mentalement.
- Heu Freud, c’est quoi la fatigue morale, physique et mentale ? demanda Jamy.
- C’est le signe du nihilisme. Attends, j’explique. La morale c'est ce que tu exiges de toi, d'après ta conception du bien et du mal, selon ce que tu juges admissible ou inadmissible. C’est toutes les règles et devoirs que tu t'imposes, même lorsque personne n'est là pour te voir ou te surveiller. Tu peux l’identifier en toi comme la petite voix dans ta tête qui te fait sentir coupable, ou au contraire vertueux. Qui te dit vas-y ou arrête-toi.
- Coucou, c’est en partie moi, dit la Petite Voix d’un air joyeux. J’interviens lorsque tu te demandes que faire face à un problème avec quelqu’un, ou que tu hésites entre plusieurs choix qui pourraient avoir différentes conséquences.
- Tout à fait la Petite Voix. Tu représent es en nous la conscience morale, dans un dialogue intériorisé entre ça, moi et surmoi. Entre son soi enfant et son soi adulte, à équilibrer moralement, ajouta Freud, l’air sévère mais juste. Mais je te laisse te présenter.
La Petit Voix reprit, gaiement : « Je suis dans ton esprit l’ incarn ation psychique de tes valeurs morales, qui t'orientent dans ta vie, en te faisant peser consciemment les pour et les contre. Nietzsche explique qu e les valeurs morales façonnent notre personnalité, nos postures et nos attitudes, nos pensées et nos comportements. Pour lui, nos valeurs morales ont une origine physiologique. Elles proviennent du corps, de sa vitalité, de sa force d’esprit qui dépend de l’état de son organisme. Plus ton bain biologique se porte bien, plus t’as le moral et plus t u te sens fort en te tenant droit , en étant emplit de volonté de puissance, de hauteur d’esprit, d’un sentiment valorisé de toi-même . Il y a une part d’orgueil, d’amour-propre là dedans, mais dans son aspect essentiel pour garantir une bonne estime de soi. C’est-à-dire ni trop ni pas assez, dans une évaluation juste de soi, sans surestimation ni mésestimation .
- Hey oui, dit Jamy en joignant ses mains, on comprend que la morale et avoir le moral sont une manière de saisir une prolongation entre le corps et l’esprit. D’une part on a un potentiel d’énergie selon sa vitalité propre, c’est-à-dire comment on se sent en soi, vis-à-vis de soi , d’autre part il y a la façon dont on va gérer cette énergie, ce potentiel innée et acquit de part nos expériences , au sein même de soi, mais aussi par rapport à l’extérieur, à autrui . On ne peut pas faire n’importe quoi, parce que nous vivons en collectivité, avec des règles à respecter, pour le bien de tous !
- Exactement Jamy, poursuivit Freud, la morale c’est ce que chacun envisage comme universel, quand on préconise de ne pas faire à autrui ce qu’on n’aimerait pas qu’il nous fasse. Les valeurs morales nous déterminent et nous construisent en influençant autant notre corps que notre esprit. Selon son éducation on a telles valeurs morales, qui font que l’on s’autorise ou s’interdit à faire ceci ou à penser cela. Tout dépend donc de sa conception morale du monde, de sa culture qu’on partage à l’échelle de sa famille, de ses cercles d’amis, de communautés, d’une nation, d’une société, d’une civilisation…
- Tout ça signifie que culture et nature sont liées alors ? questionna naïvement la Petite Voix.
- Tu as tout comprit, valida Jamy. La culture façonne les corps et les esprits, d’où le fait qu’en occident l’on pense et agisse de telles manières d’après nos structures morales - constituées de telles idéologies et tels dogmes - alors qu’ailleurs on interprétera le monde différemment en se comportant autrement.
La Petite Voix enchaîna : « D’où l’intérêt d’aller voir au-delà de son pré-carré, sans piétiner celui d’autrui. Un autre intérêt serait, c omme déjà dit, de se pencher sur no s philosophies, sur les valeurs de nos morales, afin de décortiquer no s idéologies, qui en occident ont mené l’humanité dans une situation très délicate. Les neurosciences et la sociologie, en liens avec la philosophie et la psychanalyse, commence nt à travailler ensemble pour, dans une approche interdisciplinaire, comprendre ce qu’est devenu homo œconomicus à l’aube du 21ème siècle. Il s’agit d’ enfin oser dépasser notre ethnocentrisme, en nous décentrant scientifiquement . Plus facile à dire qu’à faire dans une société pro-narcissique, imbus d’elle-même, où l’on est en compétition pour s’accaparer des ressources vitales à notre survie et développement . Il nous faut détricoter no s structuration s psychophysiologique s , d’un effet réflexif questionner no s comportements, habitudes et autres automatismes, pour saisir nos fonctionnements internes et externes , dans un monde gouverné par d es publicités ciblés et des algorithmes qui « pensent » bien plus rapidement que nou s, en orientant nos choix . Tout e n nous faisant croire que nous maîtrisons nos destins… « Deviens qui tu es. » S i Nietzsche savait ce qu’on fait de cette petite phrase qu’il chérissait tant… Ou de l’illusion du libre arbitre pour alimenter un individualisme consumériste et conservateur, dans un nihilisme à tendance méritocratique, p atriarcal et patrimonial. A qui sera le plus méritant dans sa bêtise… Bourdieu aurait adoré vivre en macronie…
- Bien vue la Petite Voix, poursuivit Freud, il nous faut comprendre la nature stressante de nos symptômes individuels et collectifs. Ces compulsions de répétition qui nous aliène nt sous le joug addictif de la dopamine, de la sérotonine et de la noradrénaline. On en veut plus, toujours plus, mais il va nous falloir réapprendre le moins. Parce que moins par moins peut faire plus ! De toute façon on n’aura pas vraiment le choix vu les trajectoires climatiques qui s’ impos ent à nous. Dans l’ère des pénuries et des restrictions, il va nous falloir apprendre à différer nos satisfactions, à limiter nos envies et besoins, des plus éphémères aux plus essentiels. Et pour cela il va falloir les conscientiser. S e les représenter à un niveau pré-conscient, en se figurant ce que l’on ne parvient pas à formuler, à verbaliser, pour ensuite pouvoir travailler dessus. Savoir comment agir, sans plus réagir impulsivement par frustration ou autre. Le symptôme n’advient que lorsque la répétition pose problème, moralement.
- Hey oui, surenchérit Jamy, m aintenant qu’on a comprit que nos morales passées nous ont amené au bord de l’abîme, et qu’en y regardant on a vu qu’il allait falloir apprendre à se serrer la ceinture dans les décennies à venir, économisons nos énergies pour dépass er notre nihilisme en surmontant notre remord. Les années 60 ont été en occident un âge d’or inespéré de croissance économique et technologique - et on en est encore tout euphorique de ce very good trip - mais c’est du passé. Un passé avec lequel on doit composer , dont la nostalgie pousse au nationalisme et au repli nihiliste, façon aigri . Aujourd’hui il nous faut planifier comment nous allons nous limiter ici et là dans nos consommations, p our éviter des effondrement s partiels risquant de devenir global. Il nous faut nous définir des ligne s éthique s , dans un idéal ascétique collectif, qui nous permettra de nous engager dans des actions individuelles et citoyennes, en tant qu’acteur s et actrices d’un changement positif des choses. Et ce dans toutes les institutions !
- Une ligne éthique dans un idéal ascétique ? s’interrogea la Petite Voix ?
- Un idéal ascétique c'est une vision idéale des choses, en terme de comportements, de manière d'être, à laquelle on cherche à correspondre pour être cohérent entre ce qu’ on pense, ce qu’ on dit et ce qu’ on fait . C'est à dire en renonçant à certaines attitudes, à certains agissements contraires à no s valeurs morales, clairement définies . Le contraire du nihiliste qui, s ouvent voit le meilleur mais fait le pire, en contradiction avec lu i-même. Ce qui génère des conflits intérieurs, reflets des conflits extérieurs qui gangrènent nos sociétés . Question de compensation/décompensation. Aussi pratiquer un idéal ascétique tend à réduire nos contradictions et conflits intérieurs/ extérieurs . Q uestion d'éthique de vie.
- Mais alors il y a un lien entre éthique et morale ?
- Tout à fait. L’éthique c ’est l’expression de pratiques normées, de comportements en adéquation avec nos morale s, innées ou acquises . Pour faire simple, la morale énonce ce qu’on devrait faire, quand l’éthique s’intéresse davantage à ce qu’on pourrait faire. Pour le dire encore plus simplement, la morale est théorique alors que l’éthique se veut pratique.
- No s pratiques éthiques reposent sur no s morales théori qu es, précisa l a Petite Voix .
- En résumé c’est ça . L’éthique se préoccupe de nos actes dans le réel, quand la morale se soucie des normes dans le monde des idées, des règles qui feront que le réel nous sera agréable, éthiquement. A partir de là on peut dire que l’éthique est liée à la compréhension, quand la morale est relative à l’injonction, à la permission ou à l’interdiction. La morale sert à diriger les foules qui fonctionnent souvent à la carotte et au bâton, par peur, ignorance et/ou indifférence maintenue/or chestrée , alors que l’éthique s’adresse aux individus qui composent les foules, quand il s’agit d’examiner les faits avant d’en donner un jugement moral. Si la morale juge de manière universelle ce qui est bien et mal, l’éthique s’intéresse plus personnellement à ce qui nous revient comme étant bon ou mauvais. Une chose jugée mal peut être bonne ou mauvaise à untel ou untel selon les conditions, et inversement.
- Il faudrait alors toujours se demander si agir comme-ci ou comme ça nous est bon ?
- Oui, même si c’est plus compliqué que ça… Tout dépend du fonctionnement propre de nos désirs et passions, qu’il faut s’apprendre à réguler en composant intelligemment avec, sagement, pour vivre en harmonie avec soi-même et autrui. Dans une dimension éthique la plus adéquate qui soit. Donc l a morale régule nos comportements selon des idées théoriques. Et l’éthique est l’expression comportementale de nos idées morales, quand on passe de la théorie à la pratique.
- D’où l’intérêt d’être raccord avec soi-même pour ne pas faire le contraire de ce qu’on dit, en prônant de belles valeurs morales mais tout en étant mauvais dans nos comportements. Si « nul n’est méchant volontairement », il y a bien assez de violence comme ça ici-bas.
- Tu as raison la Petite Voix, pour construire le monde de demain au travers d’ actions qui auront des chances de réussir, il faut nécessairement s’inscrire dans une dynamique positive. M iser sur nos aptitude à construire avec le réel, quitte à fai re quelques concessions parfois , plutôt que de tout démolir et voir ensuite, ce qui est voué à l’échec. Même si les revendications initiales étaient justifiées. Il faut donc une stratégie bien précise pour progressivement renverser l es tendances nihilistes actuel les , et ensuite s’assurer de pérennis er d es règles qui assureront que nous continueront d’évoluer vers ce qui nous sera préférable collectivement . Démocratiquement.
- Reste plus qu’à s’entendre… soupira Jamy en pensant aux actualités .
- Ne perdons pas espoir, dit Freud en se redressant. Avant de rentrer dans des considérations à des échelles institutionnelles, individuellement on peut commencer par l imiter ses réactions à des stimulus extérieurs. Stimulations qui orientent nos tendances selon les vouloirs de manipula teurs usant de connaissances scientifiques en neurosciences comportementales .
- Oui, que ça soit par rapport aux publicités ou aux idées toutes markettées des politiques, des capitaines d’industrie, des lobbys ou des éditorialistes experts en langue de bois , o n voit bien qu’il y a une continuité dans toutes leurs rhétoriques. Ils cherchent à imprégner dans nos esprits des images d’Épinal, plus ou moins martelés dans des propagandes marchandes et politiques. C’est ainsi que se produit l'intériorisation du modèle économique sur le plan anthropologique.
- En dér égul ant no s désirs, les industries du divertissement et du politique nous poussent à agir impulsivement et donc à consommer bêtement. Ou à préserver des intérêts patrimoniaux personnels, au détriment du collectif. Comme faire croire que l’actuelle inflation est due à la guerre en Ukraine, alors qu e l’augmentation des coûts a démarré bien avant en 2021, suite à l’austérité organisée lors de la pandémie par la Banque Centrale Européenne en prêtant de l’argent aux États de l’UE, qu’aujourd’hui les citoyens remboursent. En résumé , de génération en génération nous avons intériorisé le modèle économique capitaliste sur le plan anthropologique, via des idéologies néolibérales qui nous façonnent sans plus que l’on raisonne avec sagesse . Et nos institutions en pâtissent. Tout comme le corps social.
- Nou velle étape dans ce voyage intérieur, sur les sinueux sentiers de la morale .
- Tout à fait la Petite Voix, dit Jamy depuis le camion, mais on n’est pas encore arrivé pour autant, on ne déconstruit pas comme ça - bruit de claquement de doigt - le nihilisme en soi.
- On en sait déjà plus qu’au départ , ajouta Freud, mais Nietzsche, qui est en fait très réservé dans son extravagance , m’en a dit plus. Appréhender sa pensée en totalité demande une certaine gymnastique d’esprit, par-delà bien et mal, mais le potentiel est immense. Infini. Pour le meilleur et le pire…
- Oui oui on sait, les nazis, toussa toussa, dis-nous en plus à propos du nihilisme, Freud !
- Justement ! Sa philosophie propose de dépasser cet état moribond. Dans une analyse spectrale de la société occidentale moderne, Nietzsche a diagnostiqué les symptômes du nihilisme sous deux formes. Passive et active. Le nihiliste passif végète dans des valeurs morales que Nietzsche juge comme étant « faibles ». C’est tout ce qui amène l’esprit à se replier sur lui-même face au monde menaçant, ou qui pousse à la flemmardise, à la couardise, à préférer l’ignorance plutôt que le savoir, le déni face à la vérité. Un peu comme ce qui se fait de pire en terme d’individualisme. Pour lui c’est synonyme de fatigue morale, autant physiquement que mentalement.
- Heu Freud, c’est quoi la fatigue morale, physique et mentale ? demanda Jamy.
- C’est le signe du nihilisme. Attends, j’explique. La morale c'est ce que tu exiges de toi, d'après ta conception du bien et du mal, selon ce que tu juges admissible ou inadmissible. C’est toutes les règles et devoirs que tu t'imposes, même lorsque personne n'est là pour te voir ou te surveiller. Tu peux l’identifier en toi comme la petite voix dans ta tête qui te fait sentir coupable, ou au contraire vertueux. Qui te dit vas-y ou arrête-toi.
- Coucou, c’est en partie moi, dit la Petite Voix d’un air joyeux. J’interviens lorsque tu te demandes que faire face à un problème avec quelqu’un, ou que tu hésites entre plusieurs choix qui pourraient avoir différentes conséquences.
- Tout à fait la Petite Voix. Tu représent es en nous la conscience morale, dans un dialogue intériorisé entre ça, moi et surmoi. Entre son soi enfant et son soi adulte, à équilibrer moralement, ajouta Freud, l’air sévère mais juste. Mais je te laisse te présenter.
La Petit Voix reprit, gaiement : « Je suis dans ton esprit l’ incarn ation psychique de tes valeurs morales, qui t'orientent dans ta vie, en te faisant peser consciemment les pour et les contre. Nietzsche explique qu e les valeurs morales façonnent notre personnalité, nos postures et nos attitudes, nos pensées et nos comportements. Pour lui, nos valeurs morales ont une origine physiologique. Elles proviennent du corps, de sa vitalité, de sa force d’esprit qui dépend de l’état de son organisme. Plus ton bain biologique se porte bien, plus t’as le moral et plus t u te sens fort en te tenant droit , en étant emplit de volonté de puissance, de hauteur d’esprit, d’un sentiment valorisé de toi-même . Il y a une part d’orgueil, d’amour-propre là dedans, mais dans son aspect essentiel pour garantir une bonne estime de soi. C’est-à-dire ni trop ni pas assez, dans une évaluation juste de soi, sans surestimation ni mésestimation .
- Hey oui, dit Jamy en joignant ses mains, on comprend que la morale et avoir le moral sont une manière de saisir une prolongation entre le corps et l’esprit. D’une part on a un potentiel d’énergie selon sa vitalité propre, c’est-à-dire comment on se sent en soi, vis-à-vis de soi , d’autre part il y a la façon dont on va gérer cette énergie, ce potentiel innée et acquit de part nos expériences , au sein même de soi, mais aussi par rapport à l’extérieur, à autrui . On ne peut pas faire n’importe quoi, parce que nous vivons en collectivité, avec des règles à respecter, pour le bien de tous !
- Exactement Jamy, poursuivit Freud, la morale c’est ce que chacun envisage comme universel, quand on préconise de ne pas faire à autrui ce qu’on n’aimerait pas qu’il nous fasse. Les valeurs morales nous déterminent et nous construisent en influençant autant notre corps que notre esprit. Selon son éducation on a telles valeurs morales, qui font que l’on s’autorise ou s’interdit à faire ceci ou à penser cela. Tout dépend donc de sa conception morale du monde, de sa culture qu’on partage à l’échelle de sa famille, de ses cercles d’amis, de communautés, d’une nation, d’une société, d’une civilisation…
- Tout ça signifie que culture et nature sont liées alors ? questionna naïvement la Petite Voix.
- Tu as tout comprit, valida Jamy. La culture façonne les corps et les esprits, d’où le fait qu’en occident l’on pense et agisse de telles manières d’après nos structures morales - constituées de telles idéologies et tels dogmes - alors qu’ailleurs on interprétera le monde différemment en se comportant autrement.
La Petite Voix enchaîna : « D’où l’intérêt d’aller voir au-delà de son pré-carré, sans piétiner celui d’autrui. Un autre intérêt serait, c omme déjà dit, de se pencher sur no s philosophies, sur les valeurs de nos morales, afin de décortiquer no s idéologies, qui en occident ont mené l’humanité dans une situation très délicate. Les neurosciences et la sociologie, en liens avec la philosophie et la psychanalyse, commence nt à travailler ensemble pour, dans une approche interdisciplinaire, comprendre ce qu’est devenu homo œconomicus à l’aube du 21ème siècle. Il s’agit d’ enfin oser dépasser notre ethnocentrisme, en nous décentrant scientifiquement . Plus facile à dire qu’à faire dans une société pro-narcissique, imbus d’elle-même, où l’on est en compétition pour s’accaparer des ressources vitales à notre survie et développement . Il nous faut détricoter no s structuration s psychophysiologique s , d’un effet réflexif questionner no s comportements, habitudes et autres automatismes, pour saisir nos fonctionnements internes et externes , dans un monde gouverné par d es publicités ciblés et des algorithmes qui « pensent » bien plus rapidement que nou s, en orientant nos choix . Tout e n nous faisant croire que nous maîtrisons nos destins… « Deviens qui tu es. » S i Nietzsche savait ce qu’on fait de cette petite phrase qu’il chérissait tant… Ou de l’illusion du libre arbitre pour alimenter un individualisme consumériste et conservateur, dans un nihilisme à tendance méritocratique, p atriarcal et patrimonial. A qui sera le plus méritant dans sa bêtise… Bourdieu aurait adoré vivre en macronie…
- Bien vue la Petite Voix, poursuivit Freud, il nous faut comprendre la nature stressante de nos symptômes individuels et collectifs. Ces compulsions de répétition qui nous aliène nt sous le joug addictif de la dopamine, de la sérotonine et de la noradrénaline. On en veut plus, toujours plus, mais il va nous falloir réapprendre le moins. Parce que moins par moins peut faire plus ! De toute façon on n’aura pas vraiment le choix vu les trajectoires climatiques qui s’ impos ent à nous. Dans l’ère des pénuries et des restrictions, il va nous falloir apprendre à différer nos satisfactions, à limiter nos envies et besoins, des plus éphémères aux plus essentiels. Et pour cela il va falloir les conscientiser. S e les représenter à un niveau pré-conscient, en se figurant ce que l’on ne parvient pas à formuler, à verbaliser, pour ensuite pouvoir travailler dessus. Savoir comment agir, sans plus réagir impulsivement par frustration ou autre. Le symptôme n’advient que lorsque la répétition pose problème, moralement.
- Hey oui, surenchérit Jamy, m aintenant qu’on a comprit que nos morales passées nous ont amené au bord de l’abîme, et qu’en y regardant on a vu qu’il allait falloir apprendre à se serrer la ceinture dans les décennies à venir, économisons nos énergies pour dépass er notre nihilisme en surmontant notre remord. Les années 60 ont été en occident un âge d’or inespéré de croissance économique et technologique - et on en est encore tout euphorique de ce very good trip - mais c’est du passé. Un passé avec lequel on doit composer , dont la nostalgie pousse au nationalisme et au repli nihiliste, façon aigri . Aujourd’hui il nous faut planifier comment nous allons nous limiter ici et là dans nos consommations, p our éviter des effondrement s partiels risquant de devenir global. Il nous faut nous définir des ligne s éthique s , dans un idéal ascétique collectif, qui nous permettra de nous engager dans des actions individuelles et citoyennes, en tant qu’acteur s et actrices d’un changement positif des choses. Et ce dans toutes les institutions !
- Une ligne éthique dans un idéal ascétique ? s’interrogea la Petite Voix ?
- Un idéal ascétique c'est une vision idéale des choses, en terme de comportements, de manière d'être, à laquelle on cherche à correspondre pour être cohérent entre ce qu’ on pense, ce qu’ on dit et ce qu’ on fait . C'est à dire en renonçant à certaines attitudes, à certains agissements contraires à no s valeurs morales, clairement définies . Le contraire du nihiliste qui, s ouvent voit le meilleur mais fait le pire, en contradiction avec lu i-même. Ce qui génère des conflits intérieurs, reflets des conflits extérieurs qui gangrènent nos sociétés . Question de compensation/décompensation. Aussi pratiquer un idéal ascétique tend à réduire nos contradictions et conflits intérieurs/ extérieurs . Q uestion d'éthique de vie.
- Mais alors il y a un lien entre éthique et morale ?
- Tout à fait. L’éthique c ’est l’expression de pratiques normées, de comportements en adéquation avec nos morale s, innées ou acquises . Pour faire simple, la morale énonce ce qu’on devrait faire, quand l’éthique s’intéresse davantage à ce qu’on pourrait faire. Pour le dire encore plus simplement, la morale est théorique alors que l’éthique se veut pratique.
- No s pratiques éthiques reposent sur no s morales théori qu es, précisa l a Petite Voix .
- En résumé c’est ça . L’éthique se préoccupe de nos actes dans le réel, quand la morale se soucie des normes dans le monde des idées, des règles qui feront que le réel nous sera agréable, éthiquement. A partir de là on peut dire que l’éthique est liée à la compréhension, quand la morale est relative à l’injonction, à la permission ou à l’interdiction. La morale sert à diriger les foules qui fonctionnent souvent à la carotte et au bâton, par peur, ignorance et/ou indifférence maintenue/or chestrée , alors que l’éthique s’adresse aux individus qui composent les foules, quand il s’agit d’examiner les faits avant d’en donner un jugement moral. Si la morale juge de manière universelle ce qui est bien et mal, l’éthique s’intéresse plus personnellement à ce qui nous revient comme étant bon ou mauvais. Une chose jugée mal peut être bonne ou mauvaise à untel ou untel selon les conditions, et inversement.
- Il faudrait alors toujours se demander si agir comme-ci ou comme ça nous est bon ?
- Oui, même si c’est plus compliqué que ça… Tout dépend du fonctionnement propre de nos désirs et passions, qu’il faut s’apprendre à réguler en composant intelligemment avec, sagement, pour vivre en harmonie avec soi-même et autrui. Dans une dimension éthique la plus adéquate qui soit. Donc l a morale régule nos comportements selon des idées théoriques. Et l’éthique est l’expression comportementale de nos idées morales, quand on passe de la théorie à la pratique.
- D’où l’intérêt d’être raccord avec soi-même pour ne pas faire le contraire de ce qu’on dit, en prônant de belles valeurs morales mais tout en étant mauvais dans nos comportements. Si « nul n’est méchant volontairement », il y a bien assez de violence comme ça ici-bas.
- Tu as raison la Petite Voix, pour construire le monde de demain au travers d’ actions qui auront des chances de réussir, il faut nécessairement s’inscrire dans une dynamique positive. M iser sur nos aptitude à construire avec le réel, quitte à fai re quelques concessions parfois , plutôt que de tout démolir et voir ensuite, ce qui est voué à l’échec. Même si les revendications initiales étaient justifiées. Il faut donc une stratégie bien précise pour progressivement renverser l es tendances nihilistes actuel les , et ensuite s’assurer de pérennis er d es règles qui assureront que nous continueront d’évoluer vers ce qui nous sera préférable collectivement . Démocratiquement.
- Reste plus qu’à s’entendre… soupira Jamy en pensant aux actualités .
- Ne perdons pas espoir, dit Freud en se redressant. Avant de rentrer dans des considérations à des échelles institutionnelles, individuellement on peut commencer par l imiter ses réactions à des stimulus extérieurs. Stimulations qui orientent nos tendances selon les vouloirs de manipula teurs usant de connaissances scientifiques en neurosciences comportementales .
- Oui, que ça soit par rapport aux publicités ou aux idées toutes markettées des politiques, des capitaines d’industrie, des lobbys ou des éditorialistes experts en langue de bois , o n voit bien qu’il y a une continuité dans toutes leurs rhétoriques. Ils cherchent à imprégner dans nos esprits des images d’Épinal, plus ou moins martelés dans des propagandes marchandes et politiques. C’est ainsi que se produit l'intériorisation du modèle économique sur le plan anthropologique.
- En dér égul ant no s désirs, les industries du divertissement et du politique nous poussent à agir impulsivement et donc à consommer bêtement. Ou à préserver des intérêts patrimoniaux personnels, au détriment du collectif. Comme faire croire que l’actuelle inflation est due à la guerre en Ukraine, alors qu e l’augmentation des coûts a démarré bien avant en 2021, suite à l’austérité organisée lors de la pandémie par la Banque Centrale Européenne en prêtant de l’argent aux États de l’UE, qu’aujourd’hui les citoyens remboursent. En résumé , de génération en génération nous avons intériorisé le modèle économique capitaliste sur le plan anthropologique, via des idéologies néolibérales qui nous façonnent sans plus que l’on raisonne avec sagesse . Et nos institutions en pâtissent. Tout comme le corps social.
Mais on ne veut plus de ça !