Suicideisfreedom a dit:
y'a t'il une seule personne sur ce forum qui a connu ça ?
Ouais, on fonde le club des suicidaires sauvés par la drogue? :grin:
Je déconne. Je comptais pas partager mon expérience (qui a aucun rapport avec la MDMA, en plus), mais elle a trop de points communs avec la tienne pour que je reste dans mon coin. Et puis si elle peut aider d'autres gens qui passeraient par là à voir que la roue tourne, c'est tout bénef.
Bon, ça va être long.
Je traîne (ou traînais? je sais pas si je peux déjà en parler au passé) une dépression chronique depuis mes 13 ans, en gros, ce qui fait donc déjà dix ans. J'ai jamais vu le suicide comme une solution ou une libération puisque j'ai toujours senti une espèce de connexion avec le monde malgré mes phases de vide et de down, mais je me suis toujours dit que je mourrai comme ça.
Puis l'été dernier, mon mec m'a larguée (plus ou moins par ma faute, ce qui aide pas à se sentir mieux) après presque sept ans dont deux de montagnes russes qui m'ont épuisée psychologiquement et qui ont bien réveillé mon nihilisme latent. J'ai même pas essayé d'encaisser, j'ai directement décidé que j'avais pas envie de passer encore 10/20/50 ans à osciller entre la souffrance et l'ennui (merci Schopenhauer :lol
en sachant qu'il était complètement passé à autre chose. Je savais que j'étais pas obligée de voir les choses comme ça, j'avais conscience que le monde était un champ de possibilités infinies et que tout dépendait que de moi, mais j'étais déjà morte de l'intérieur donc j'en avais strictement rien à foutre. J'avais juste hâte d'en finir.
Sauf que mon mec s'est barré en me laissant notre chat et même dans cet état, je me voyais pas l'abandonner. C'est devenu le seul truc qui me retenait, ou ma prison, comme tu dis Suicideisfreedom. Au final, j'ai arrêté de bosser (j'en étais plus capable, de toute façon) pour consacrer le peu d'énergie qui me restait à réduire mes possessions matérielles au strict minimum et à mimer la joie de vivre devant tout le monde. Je m'étais donné jusqu'à la fin de l'hiver pour trouver une personne de confiance à qui confier mon matou, avant d'avoir un accident tragique. :lol: J'avais réfléchi à tous les détails, planifier ma mort était le seul truc qui me réconfortait un peu.
L'hiver est arrivé : j'alternais entre des phases de journées entières à chialer et des phases de déréalisation/dépersonnalisation pendant lesquelles je m'enfonçais encore plus dans le nihilisme. Autour de cette période, le hasard (ou le destin ^^) m'a menée devant mon premier rail de coke. Le rail s'est vite transformé en soirées entières à sniffer et à boire. J'aimais bien l'euphorie jemenfoutiste et autodestructrice dans laquelle ça me mettait, et surtout les descentes qui me laissent KO pendant tout le lendemain. Je me sentais bien parce que j'étais plus en état de réfléchir, je pouvais juste encaisser le bodyload, m'en remettre, puis recommencer.
Un peu après, je sais plus par quel miracle, je me suis souvenue que des "drogues" beaucoup plus intéressantes que la coke existaient, et que j'avais prévu d'en tester à l'époque où j'envisageais encore un avenir. Je me disais que ça pouvait être sympa de faire un petit trip mystique, histoire d'entrevoir des états de conscience que j'aurais pu connaître avec la méditation si j'avais gardé l'envie de vivre.
J'ai pas fait les choses à moitié, j'ai commencé directement à la salvia. Une putain de claque cosmique. (Suicideisfreedom : tu parles de reset et c'est exactement ça) Elle m'a remis le cerveau à l'endroit en me faisant vivre ce que je savais théoriquement possible, et ça change tout. L'expérience en elle-même était intense, mais l'afterglow l'est encore plus : je me suis sentie renaître, littéralement. J'ai été catapultée dans un état de sérénité ancré dans l'ici et le maintenant, une sorte d'euphorie tranquille, puis j'ai commencé à sentir que j'avais plus du tout envie de mourir. J'ai mis un moment à l'admettre et à le comprendre, je pensais pas que ça allait durer mais j'ai fini par l'accepter.
Ensuite, il y a eu le DXM. Après la claque, le gros câlin cosmique. La "dissociation lucide" m'a aidée à prendre du recul, à faire le deuil de mon ancien moi et à comprendre que c'était pas la mort que j'avais du mal à accepter, mais la vie. J'ai jamais aimé les gens en général. J'ai jamais compris ceux qui avaient des projets, de grands idéaux, qui voulaient faire des gosses, "changer le monde", qui trouvaient un intérêt à l'avenir de l'humanité. Puis j'ai compris que ma réaction face à ma rupture était liée à cette attitude, et qu'elle était pas saine. J'ai encore du travail à faire là-dessus, mais j'ai déjà parcouru un chemin énorme. Je crois que j'ai réussi à me libérer de l'attachement, et c'est une sensation de ouf.
Bref. On est en avril, je suis toujours là, j'ai jamais été aussi heureuse de toute ma vie et je sais que le retour en arrière est plus possible. Tout est drôle, parfait, rien peut m'arriver, je m'ennuie pas une seule seconde. C'est assez déstabilisant parce que j'ai pas changé à 100% non plus : j'aime toujours pas "les gens", tout ce qui est politique/problématiques sociales m'emmerde profondément donc je sais que je deviendrai pas un Gandhi, je suis toujours perplexe devant ceux qui veulent changer le monde, mais je sais et j'accepte que tout ça peut évoluer et que j'aurai peut-être envie de jouer le jeu à un moment où un autre, à ma petite échelle. Ou pas, et c'est cool aussi. Je sais pas où je vais, mais je fonce joyeusement. En attendant, je kiffe chaque seconde de mes journées, je reconstruis une relation saine avec mon chat :lol: et je distribue de la bonne humeur et des câlins à ceux qui en ont besoin autour de moi. ^^
Au final, j'ai l'impression que l'électrochoc compte plus que la substance qui le provoque. Il faut profiter du "breakthrough" pour entamer une réflexion. La MD est pas magique, la salvia, le DXM ou encore le LSD, la kéta ou les anti-dépresseurs non plus. L'important, c'est d'aller à la source du problème et de se poser les bonnes questions pour arriver à être en harmonie avec soi-même. C'est pas facile, mais c'est aussi simple que ça.
Voilà voilà. Tout ça pour dire que Suicideisfreedom, Artisan de Liberté, je crois que je vous comprends.