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On parle généralement en bien de la méditation (moi le premier !) et s’il est vrai que la pratique recèle nombre de bienfaits, certains n’hésitent pas à l’élever au rang de panacée solutionnant tous les maux du 21ème siècle. Je suis partisan d’une vision plus pondérée : à l’instar des psychédéliques, la méditation est un outil qui peut avoir des conséquences néfastes si son usage n’est pas un minimum prudent ou encadré.
A l’appui, ma seule expérience psychonautique que je qualifierais de « bad-trip », et qui s’est produite durant une transe méditative alors que je découvrais la pratique depuis quelques mois. Pour situer, j’avais 17 ans et j’étais plein d’une curiosité avide concernant les états de conscience modifié. Je ne pratiquais pas la méditation de pleine conscience mais une contemplation introspective basée sur la respiration et des visualisations, amenant à une transe assez plaisante avec suffisamment de laisser-aller.
La méditation a commencé comme d’habitude, par des exercices de respiration en vue de me relaxer. Une fois particulièrement ouvert et détendu, vient la visualisation, par la représentation mentale d’une couleur (pour moi, du bleu indigo) et la stabilisation sur cette teinture. Une fois la toile visuelle en place, il suffit d’observer les images et symboles qui viennent parfois s’y dessiner, sans tomber dans la rêverie et la torpeur. Cette fois, la concentration était particulièrement facile, et je me suis laissé profondément embarquer par le processus : les phosphènes amenaient toutes sortes d’ondes et remous, comme des feux follets observés au ralenti dansant sur une eau trouble. Mon champ visuel a commencé à manifester un mouvement descendant, et le faisceau de ma conscience a suivi. La sensation de s’enfoncer était très prenante et paradoxale, parce que plus je m’enfonçais moins je sentais mon corps physique. Ce qui s’embourbait progressivement, c’était le corps représenté, similaire à celui des rêves, accompagné d’une diminution marquée de la connaissance de mon environnement.
J’ai perçu un espace sous le rideau bleuté et m’y suis engouffré, accompagnant le mouvement général. S’en est suivi une succession d’images dont je ne me rappelle plus très bien, à dominante aquatique et souterraine, très sombre, ainsi que tout un flot de sensations légèrement anxiogènes, comme la perte de la maîtrise de mon corps et une oppression étouffante sous l’insistance de l’obscurité ambiante. Je conservais encore une semi-lucidité, mais la curiosité dominait l’angoisse et j’ai poursuivi le cheminement, n’ayant jamais touché un tel niveau de dissociation sans produit.
Il y a eu des moments très vides, où je revenais à une sorte de flottement dans le noir, sans pensées structurées, comme suspendu, puis des images se produisaient à nouveau et subjuguaient ma conscience vers les profondeurs. A m’immerger sans retenue dans le flot de visions, j’ai fini par franchir un cap et j’ai eu le sentiment brutal et subit de ne plus avoir le contrôle. Je prenais corps dans des environnements variés, faisant partie intégrante de tableaux effroyables et vivides pour aussitôt me transposer dans un nouveau décor dont l’horreur le disputait au précédent. Il y eut un paysage de terre sèche et craquelée, constellée d’arbres morts dans une lumière blafarde et sans horizon ; des ruisseaux rouges sombres en reptation hors de rangées de cadavres grossiers ; puis je descendais encore, le long des escaliers circulaire et glissants d’une tour humide, aux pierres couvertes de mousses et d’algues. L’eau était partout, pleine d’éclats virides et marécageux, et à force de descendre je suis tombé sur un corps bleuâtre étendu en travers du chemin spiralé. J’ai un souvenir extrêmement clair et angoissant de ce foutu macchabée qui s’est mis à remuer pour essayer de m’attraper la cheville, ses yeux blancs vrillés à mon regard, et moi de remonter les escaliers en courant avec l’envie d’en finir avec ce « voyage ». J’aurais sûrement pu ouvrir les yeux et retourner à la réalité, mais comme je suis un peu têtu je considérais qu’il fallait aller au bout du processus, parce que tout ça devait bien amener quelque part. Que nenni gamin !
J’ai donc remonté cet escalier, tout à fait paniqué, et la suite est assez floue : parvenu au sommet, j’ai ouvert une porte et me suis retrouvé à la base de la tour, sur un sol instable. J’ai souvenir de beaucoup de confusion et de peur, puis d’une chute interminable alors que tout décor s’estompait. A force de tomber, droit comme un i, le néant se faisait plus prégnant autour de moi et l’absence de tout élément visuel auquel me raccrocher m’a laissé l’impression d’être en lévitation dans un espace interminable. Je suis resté quelques temps suspendu dans ce rien, fasciné par les limbes et la solitude, persuadé d’avoir coulé au plus profond de ma psyché. Je me suis dit que c’étaient là les enfers véritables, et sitôt cette pensée établie qu’une porte minuscule est apparue face à moi. Elle a grandi avec fulgurance, et j’ai compris que je m’en rapprochais à toute vitesse, comme sous une contraction de l’espace. Je me suis senti infime et ridicule face à un lourd portail de bois et de fer clouté, de dimensions gigantesques et inhumaines, encadré par deux torches accrochées au vide. Le tout formait l’image saisissante et naïve de l’entrée vers des royaumes démoniaques, et la détresse a enflé en même temps que j’ai senti quelque chose approcher. La porte a violemment tremblé sur ses gonds et je me suis senti accablé par l’impuissance, tétanisé dans l’obscurité à l’arrivée d’une entité tout droit sortie du neuvième cercle des enfers, incapable de détourner le regard du battant de bois et de métal me séparant de la cause de l’angoisse. Les coups se sont répétés lentement et rythmiquement à la manière d’un bélier et j’ai décidé que je n’étais pas prêt à accueillir ce qui arrivait, que je voulais fuir, malgré la paralysie. La porte a finalement cédé brutalement, défoncée par une bête ignoble et gargantuesque, sans yeux et munie de défenses comme un sanglier, ouvrant déjà la gueule pour m’avaler. La violence symbolique de la situation m’a causé un mouvement panique, à l’instar d’un électrochoc. Je me suis détourné mentalement de la scène, pour apercevoir au-dessus de moi, à droite, un ciel bleuté, que je pouvais rejoindre, volant librement et échappant à la créature. Sorti du néant, je surplombais un plateau de jungle et de cascades fantastiques, en pleine lumière, avant que tout ne se dissipe et que j’ouvre les yeux, passablement secoué.
Conclusion
Cette expérience m’a beaucoup refroidi. J’avais déjà eu des transes visuelles, mais bien plus légères et au contenu bénin, certaines se rapprochant de projections astrales où je me voyais flotter au-dessus du continent, sans que je ne perde mes repères ou sois possédé par l’expérience au point de perdre pied avec la réalité. On pourrait appeler ça un bad trip (même si j’aime pas trop ce terme), parce qu’on y retrouve plusieurs caractéristiques : être submergé par l’intensité de l’expérience, la coloration essentiellement négative du ressenti, la trace ultérieure laissée par la violence psychologique du moment, et aussi et surtout le refus de ce qui se produit. Même si je souris maintenant face à la naïveté de certaines images, il m’a fallu plusieurs mois pour bien digérer, surtout que c’est une expérience difficilement communicable (il y a une certaine incrédulité quand j’explique que tout s’est produit sans drogues, j’ai d’ailleurs pas mal hésité à la publier sur le forum, assumer des délires nés des psychédéliques c’est quand même plus facile huhu). En tout cas ça m’a suffisamment marqué pour que je me souvienne avec beaucoup de détails de certaines scènes, presque 7 ans plus tard. C’était d’ailleurs un certain exercice littéraire et mémoriel d’essayer de retranscrire tout ça d’une manière agréable à lire tout en restant honnête vis à vis de mes souvenirs, j’ai tenté du mieux que j’ai pu. Bref, pratiquez la mindfulness, c’est quand même plus chill ^^
TL;DR : Je médite dans le but de me taper des visions - ça marche, je me tape des visions façon film d’horreur puis je me fais violer symboliquement par Ganondorf - j’arrête la méditation et retourne à la drogue, c’est quand même moins violent.
A l’appui, ma seule expérience psychonautique que je qualifierais de « bad-trip », et qui s’est produite durant une transe méditative alors que je découvrais la pratique depuis quelques mois. Pour situer, j’avais 17 ans et j’étais plein d’une curiosité avide concernant les états de conscience modifié. Je ne pratiquais pas la méditation de pleine conscience mais une contemplation introspective basée sur la respiration et des visualisations, amenant à une transe assez plaisante avec suffisamment de laisser-aller.
La méditation a commencé comme d’habitude, par des exercices de respiration en vue de me relaxer. Une fois particulièrement ouvert et détendu, vient la visualisation, par la représentation mentale d’une couleur (pour moi, du bleu indigo) et la stabilisation sur cette teinture. Une fois la toile visuelle en place, il suffit d’observer les images et symboles qui viennent parfois s’y dessiner, sans tomber dans la rêverie et la torpeur. Cette fois, la concentration était particulièrement facile, et je me suis laissé profondément embarquer par le processus : les phosphènes amenaient toutes sortes d’ondes et remous, comme des feux follets observés au ralenti dansant sur une eau trouble. Mon champ visuel a commencé à manifester un mouvement descendant, et le faisceau de ma conscience a suivi. La sensation de s’enfoncer était très prenante et paradoxale, parce que plus je m’enfonçais moins je sentais mon corps physique. Ce qui s’embourbait progressivement, c’était le corps représenté, similaire à celui des rêves, accompagné d’une diminution marquée de la connaissance de mon environnement.
J’ai perçu un espace sous le rideau bleuté et m’y suis engouffré, accompagnant le mouvement général. S’en est suivi une succession d’images dont je ne me rappelle plus très bien, à dominante aquatique et souterraine, très sombre, ainsi que tout un flot de sensations légèrement anxiogènes, comme la perte de la maîtrise de mon corps et une oppression étouffante sous l’insistance de l’obscurité ambiante. Je conservais encore une semi-lucidité, mais la curiosité dominait l’angoisse et j’ai poursuivi le cheminement, n’ayant jamais touché un tel niveau de dissociation sans produit.
Il y a eu des moments très vides, où je revenais à une sorte de flottement dans le noir, sans pensées structurées, comme suspendu, puis des images se produisaient à nouveau et subjuguaient ma conscience vers les profondeurs. A m’immerger sans retenue dans le flot de visions, j’ai fini par franchir un cap et j’ai eu le sentiment brutal et subit de ne plus avoir le contrôle. Je prenais corps dans des environnements variés, faisant partie intégrante de tableaux effroyables et vivides pour aussitôt me transposer dans un nouveau décor dont l’horreur le disputait au précédent. Il y eut un paysage de terre sèche et craquelée, constellée d’arbres morts dans une lumière blafarde et sans horizon ; des ruisseaux rouges sombres en reptation hors de rangées de cadavres grossiers ; puis je descendais encore, le long des escaliers circulaire et glissants d’une tour humide, aux pierres couvertes de mousses et d’algues. L’eau était partout, pleine d’éclats virides et marécageux, et à force de descendre je suis tombé sur un corps bleuâtre étendu en travers du chemin spiralé. J’ai un souvenir extrêmement clair et angoissant de ce foutu macchabée qui s’est mis à remuer pour essayer de m’attraper la cheville, ses yeux blancs vrillés à mon regard, et moi de remonter les escaliers en courant avec l’envie d’en finir avec ce « voyage ». J’aurais sûrement pu ouvrir les yeux et retourner à la réalité, mais comme je suis un peu têtu je considérais qu’il fallait aller au bout du processus, parce que tout ça devait bien amener quelque part. Que nenni gamin !
J’ai donc remonté cet escalier, tout à fait paniqué, et la suite est assez floue : parvenu au sommet, j’ai ouvert une porte et me suis retrouvé à la base de la tour, sur un sol instable. J’ai souvenir de beaucoup de confusion et de peur, puis d’une chute interminable alors que tout décor s’estompait. A force de tomber, droit comme un i, le néant se faisait plus prégnant autour de moi et l’absence de tout élément visuel auquel me raccrocher m’a laissé l’impression d’être en lévitation dans un espace interminable. Je suis resté quelques temps suspendu dans ce rien, fasciné par les limbes et la solitude, persuadé d’avoir coulé au plus profond de ma psyché. Je me suis dit que c’étaient là les enfers véritables, et sitôt cette pensée établie qu’une porte minuscule est apparue face à moi. Elle a grandi avec fulgurance, et j’ai compris que je m’en rapprochais à toute vitesse, comme sous une contraction de l’espace. Je me suis senti infime et ridicule face à un lourd portail de bois et de fer clouté, de dimensions gigantesques et inhumaines, encadré par deux torches accrochées au vide. Le tout formait l’image saisissante et naïve de l’entrée vers des royaumes démoniaques, et la détresse a enflé en même temps que j’ai senti quelque chose approcher. La porte a violemment tremblé sur ses gonds et je me suis senti accablé par l’impuissance, tétanisé dans l’obscurité à l’arrivée d’une entité tout droit sortie du neuvième cercle des enfers, incapable de détourner le regard du battant de bois et de métal me séparant de la cause de l’angoisse. Les coups se sont répétés lentement et rythmiquement à la manière d’un bélier et j’ai décidé que je n’étais pas prêt à accueillir ce qui arrivait, que je voulais fuir, malgré la paralysie. La porte a finalement cédé brutalement, défoncée par une bête ignoble et gargantuesque, sans yeux et munie de défenses comme un sanglier, ouvrant déjà la gueule pour m’avaler. La violence symbolique de la situation m’a causé un mouvement panique, à l’instar d’un électrochoc. Je me suis détourné mentalement de la scène, pour apercevoir au-dessus de moi, à droite, un ciel bleuté, que je pouvais rejoindre, volant librement et échappant à la créature. Sorti du néant, je surplombais un plateau de jungle et de cascades fantastiques, en pleine lumière, avant que tout ne se dissipe et que j’ouvre les yeux, passablement secoué.
Conclusion
Cette expérience m’a beaucoup refroidi. J’avais déjà eu des transes visuelles, mais bien plus légères et au contenu bénin, certaines se rapprochant de projections astrales où je me voyais flotter au-dessus du continent, sans que je ne perde mes repères ou sois possédé par l’expérience au point de perdre pied avec la réalité. On pourrait appeler ça un bad trip (même si j’aime pas trop ce terme), parce qu’on y retrouve plusieurs caractéristiques : être submergé par l’intensité de l’expérience, la coloration essentiellement négative du ressenti, la trace ultérieure laissée par la violence psychologique du moment, et aussi et surtout le refus de ce qui se produit. Même si je souris maintenant face à la naïveté de certaines images, il m’a fallu plusieurs mois pour bien digérer, surtout que c’est une expérience difficilement communicable (il y a une certaine incrédulité quand j’explique que tout s’est produit sans drogues, j’ai d’ailleurs pas mal hésité à la publier sur le forum, assumer des délires nés des psychédéliques c’est quand même plus facile huhu). En tout cas ça m’a suffisamment marqué pour que je me souvienne avec beaucoup de détails de certaines scènes, presque 7 ans plus tard. C’était d’ailleurs un certain exercice littéraire et mémoriel d’essayer de retranscrire tout ça d’une manière agréable à lire tout en restant honnête vis à vis de mes souvenirs, j’ai tenté du mieux que j’ai pu. Bref, pratiquez la mindfulness, c’est quand même plus chill ^^
TL;DR : Je médite dans le but de me taper des visions - ça marche, je me tape des visions façon film d’horreur puis je me fais violer symboliquement par Ganondorf - j’arrête la méditation et retourne à la drogue, c’est quand même moins violent.