Fauve
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Pour commencer, bonjour à vous tous!
Je vous retrouve aujourd'hui car voilà, je me lance dans mon premier TR. J'essayerai de narrer les faits et de reconstituer mes souvenirs au plus proche de la réalité, bien que l'expérience que j'ai vécu soit assez indescriptible. Je compte donc sur votre indulgence pour cette fois! Maintenant, passons aux choses sérieuses :Paris, le 10 novembre 2013
Quai de la rapée
6h du matin
Et voilà, nous y sommes. Après avoir bravé le vent, le froid, la pluie pendant 3 heures pour trouver un taxi dans Paris, nous sommes enfin devant la Concrete. Il fait encore nuit, nous sommes dimanche et il est 6h du matin. Je ne peux m'empêcher de penser à tous ces gens, encore bien ancrés dans leur sommeil. Je n'ai pas dormi. Nous nous aventurons vers la longue file d'attente. Notre groupe se compose d'une petite dizaine de personne que je connais, pour la plupart, depuis quelques heures :
M. est la plus importante d'entre eux, nous vivons une amitié fusionnelle/passionnelle depuis un an. Je me suis découvert des sentiments pour elle cet été, mais étant donné que je vis à Lille et elle à Paris nous ne nous voyons pas souvent. Nos rapports sont plus qu'ambigus. Je l'ai embrassé, souvent. J'ai couché avec elle, une fois. Elle est le moteur de ma vie, et ce soir là, elle rythme ma soirée.
B. est le meilleur ami de M. Ils se sont rencontrés au lycée, et sont devenus inséparables. J'ai passé la journée avec lui, on est allés pécho de l'herbe ensemble. Je ne lui avais que très peu parlé, mais étrangement, ce jour là on avait énormément de choses à se dire. On a partagé un spliff et des fous rires, marché ensemble, complètement éclatés dans les rues de Paris. Je me sens en confiance avec lui !
T. est une véritable tornade, une malade mentale! Sortant d'une école de commerce, c'est une amie de M. et B. Elle a un caractère bien trempé, une joie de vivre et une tchatche à toute épreuve. Elle hurle dans les couloirs du métro, éclate de rire aux merdes qu'elle raconte. C'est une habituée de la Concrete, et je pense sincèrement qu'en arrivant devant la file, elle est déjà éméchée.
R. est également un habitué de la Concrete. C'est un ami de M. ils se connaissent depuis peu mais ils sont déjà proches. Etant donné qu'ils sont dans la même classe, ils se voient tous les jours. Ce mec est une crème, je l'aime déjà beaucoup mais ça vous le comprendrez plus tard.
A. n'est pas d'une grande importance dans ce TR. C'est un mec chez qui on a vite fait squatté avant d'y aller.
Je lui ai demandé un sèche-cheveux et ça s'arrête là.
P. par contre l'est déjà plus, dans le sens ou elle va influencer mon trip. C'est une fille de 18 ans, réservée, fan de cheval, blondinette.. J'ai pas besoin de vous dresser un portrait, je suppose que vous voyez déjà le genre de nana auquel je fais allusion.
6H : Tout le monde est là, nous avançons dans la file. Je fouille dans mon sac où je tente en vain de trouver mon petit pochon de weed. On est à 10 mètres de la Concrete, si je ne le retrouve pas maintenant je peux lui dire adieu. Par chance, je la retrouve à deux pas de l'entrée. Hop! Dans le soutif, ni vu ni connu. Je passe. Je prends un ticket, un CD, et un poster. On s'attend tous en haut des escaliers, on se pose autour d'une table. Et la journée commence. A peine arrivés dans ce vaisseau de fer, tout le monde se dirige vers le sound system pour trouver des paras. Tout le monde, sauf moi. J'attends, je tapote du pied sur le sol, les regarde s'engouffrer dans la foule et disparaitre. Je commence à me demander pourquoi je suis là, en fait. Est-ce que je suis bien à ma place ici ? Comment va se dérouler la journée ? Comment les gens vont-ils réagir ? Au bout d'une demi-heure, B. et M. reviennent à la table. Ils ont réussi à trouver des paras et commencent leur montée ensemble.
8H : Tout le monde est défoncé. Je parle avec les quelques personnes restantes autour de la table, ils ont tous réussi à pécho. A. me demande si j'ai réussi à chopper de la d. Je lui montre mes pupilles, il comprend que non. Ca y est, je m'emmerde. Les gens sont inintéressants. J'ai envie de soit me trouver un para et d'entrer dans leur délire, soit me barrer d'ici. Je me sens mise à l'écart, ça me gonfle.
10H : Je vois le soleil se lever à travers les fenêtres de la péniche, et je prends l'initiative d'aller danser quand même. Je déambule dans cet immense hall métallique tout en longueur, éclairé de lumières bleues et mauves. Des ballons de baudruche explosent, la musique tape dans mon corps. En me rapprochant, je vois des gens faire des danses étranges, presque ancestrales. Je les trouve pathétique mais je ne sais pas encore ce qu'il vivent, je ne peux pas le savoir. J'aperçois B. qui danse devant un énorme ventilateur. Il se balance doucement dans le vent, fais des mouvements amples, les yeux clos. L'air tellement détendu et excité à la fois. Il est dans son monde, laissons-le. A quelques mètres, je vois M. et R. qui dansent côte à côte. Je les rejoins et nous dansons tous les trois. M. a gobé un para, un ecsta, et elle carbure à la bière. R. est sous LSD, et moi je suis on ne peut plus clean. Nous formons un cercle avec nos mains, R. nous serre dans ses bras et nous dit : "On est bien, là, tous les trois". Je n'ai rien pris, mais effectivement je ressens ce bien être. Je regarde leurs mouvements, leurs visages et je comprends. Je comprends qu'ils sont tous très loin. Tout le monde ici est complètement ailleurs.
11H : M. et moi sortons fumer une clope à l'extérieur. Les nuages sont encore bien présents, le temps se résume à une grisaille nonchalante. On allume notre clope et nous retrouvons le groupe assis sur une énorme bouée noire. En m'approchant, je remarque quelque chose de louche : P. tremble de tout son corps, jette un regard à droite, puis à gauche. Ses yeux sont exorbités, et ses pupilles deux balles noires. "Maman?" "Quoi qu'est-ce que tu dis papa?" "Parle-moi" "Pourquoi tout le monde me dit que je suis mignonne ?". Elle délire! On dirait un animal, perdu, esseulé, et complètement apeuré. Elle se penche au dessus des balustrades et vomis dans la Seine. Les vigiles arrivent, tentent de la rassurer et la prennent sous leur aile. On l'emmène au poste de secours. Cet événement a marqué ma mémoire, j'ai cette scène ancrée dans les yeux.
12H : Un rayon de soleil vient transcender les nuages. Nous sommes tous assis sur la terrasse de la Concrete. Je parle à des gens rencontrés lors d'une pause clope, d'une danse, ou d'un échange au bar. A. me fixe et me répète pour la troisième fois depuis notre arrivée que "T'as des putains de yeux de oufs, je te jure qu'ils sont magiques, j'en ai jamais vu des comme ça. Il sont verts et gris avec du doré à l'intérieur.. Eh regarde (mec au hasard), franchement tu trouves pas que ses yeux sont dinguissimes ?" R. est à moitié allongé à côté de moi. Sanguin, dit à A. "Tais-toi et pousse toi, là je suis défoncé, il n'y a que de belles choses autour de moi, et toi t'es moche. Je veux pas voir de choses moches." Ok, ce type est vraiment sanglant. Je me sens gênée et mal à l'aise pour A. Il demande aux gens qui passent de se pousser, parce qu'ils stagnent devant le rayon de soleil et ça le dérange. T. va d'un coin à l'autre de la terrasse et parle à tout le monde, roule des pelles à un mec. Il est 14H, la péniche se remplit de parisiens bobos/drogués, je lance à M. : "Je veux pécho, là, maintenant"
14H : Je danse près de notre table, tout le monde est là lorsque T. vient vers moi et me dit qu'elle va pécho pour nous. Parfait! Je lui tends un billet de 10 et continue de danser. Un quart d'heure plus tard, elle revient, se colle à moi et me dit à l'oreille : "Vas-y, fais moi un énorme câlin genre tu m'aimes trop et tends-moi ta main". Je m'empresse de faire ce qu'elle me demande et sa main glisse dans la mienne un petit bonbon blanc et enroulé de papier. M. veut redrop avec moi, nous allons au toilette et elle me dit : "Il faudra que tu sois très discrète, les vigiles sont au taquets si ils entendent le bruit de la feuille, ils vont te cramer!". Elle rentre dans les toilettes et referme la porte derrière elle, tandis qu'une autre s'ouvre juste à côté. Ca y est, c'est mon tour, j'y vais. Les mains tremblantes, je sors le para de ma poche et le gobe sans me donner le temps de réfléchir. Je sors, je me regarde vite fait dans le miroir, et me jette sur l'évier pour boire. En arrivant à la table, je retrouve les autres et je sens déjà la chaleur qui monte.
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17H : Je me retrouve à nouveau devant le ventilateur, qui souffle dans mon dos. Mes cheveux s'envolent, mes vêtements se soulèvent. Je me sens légère, j'ai l'impression d'être Pocahontas. Puis brutalement, la musique devient plus grave. Le son grince, l'air du ventilo devient froid. Mon trip prend une toute autre tournure, j'aime pas ça. Je me rends compte que mon corps est en effervescence.. Je brûle, je suis trempée de transpiration. Il me faut de l'eau tout de suite. Je retourne à notre table, M. et B. parlent ensemble. Je ne les sens pas dans le même délire que moi, j'ai l'impression que le dernier para ne leur à rien fait. Mais soit! Je décide de ne pas y prêter attention et réquisitionne toutes les bouteilles d'eau (fraîches, amen!) de la table. Je n'en peux plus, si je ne bois pas je vais mourir. Mon corps est un volcan en pleine éruption là, il faut que je m'hydrate. Je bois doucement et par petites gorgées en essayant de me calmer, mais mes pieds ne peuvent pas s'arrêter de danser. Je ne les contrôle plus. Dans ma tête, c'est très simple : Si je m'arrête de danser, je vais m'assoir et partir très loin. Je me verse donc l'équivalent de 2 petites bouteilles d'eau sur la gueule tout en continuant de gesticuler sur place lol. M. et B. sortent fumer une clope, je ne les suis pas et je sens mon corps se durcir et se refroidir comme de la pierre. Je m'assois à côté de P. qui s'est doucement remise de ses émotions. Je me souviens lui avoir parlé, je lui demandais comment elle se sentait, et combien de para elle avait prit pour faire une telle surdose. Et j'ai entendu sa voix comme si elle me parlait sous l'eau. A ce moment, le souvenir de son bad-trip me revient en tête. Je me souviens qu'elle parlait à des gens qui n'étaient même pas présents en fait. Et si c'était le cas pour moi aussi ? Et si j'hallucinais ? Je n'ai plus confiance en personne. Peut-être que tous ces gens autour de moi ne sont que des illusions, finalement. Je me tais. Je me tais et je les regarde. Ils me parlent, je me contente de hocher la tête pour leur répondre. Je vois R. au loin qui me fais des signes, je décide de l'ignorer. Je regarde autour de moi, tout le monde est démonté.
18H : "Fauve, prends tes affaires on y va!"
M. et B. rassemblent leurs sacs, leurs vêtements. Comment ça ? On part déjà ? A peine ai-je le temps de réfléchir que je suis déjà dehors. Le paysage prend des couleurs chaudes, orangées, dorées, automnales. Les feuilles se détachent des arbres mordorés, et un soleil de fin d'été baigne l'horizon et se reflète sur la Seine. Nous marchons avec M., B., et P. mais personne ne parle. Au loin, j'aperçois la tour du 13ème. Je dévore le tableau merveilleux qui s'offre à moi.. Nous marchons tous les trois vers le métro, complètement perchés, silencieux, et émerveillés.
Conclusion : Je vous épargne les détails de ma descente (qui m'a beaucoup plu, soit-dit en passant. Aurais-je un côté maso ?). Des couloirs de métro qui semblent juste être des dédales interminables quand on est sous d. Des boom boom qui résonnent encore dans la tête 2H après être partis. Des petites remontées après une clope fumée le lendemain. De cette sensation de vide intense, de larmes de fatigue, de légèreté malsaine, de ne plus sentir mes pieds et de me trainer plus qu'autre chose. J'ai également appris par la suite que la d qui avait tourné ce jour là, à la Concrete, était particulièrement forte. Et qu'au lieu de connecter les gens entre eux, elle "enfermait" chacun dans son propre trip. Je l'avais déjà ressenti comme ça, je remarquais que les gens dansaient souvent seuls. M. et B. m'ont ensuite avoué que c'était la même chose pour eux. Beaucoup de monde est parti en bad, même les habitués de ce genre de drogue. Donc pour conclure, je dirais qu'au final mon trip m'a bien plu et que dans l'ensemble je m'en suis plutôt pas mal tiré. Ensuite, cette expérience m'a beaucoup appris sur moi-même. Je réalise que depuis, j'accorde beaucoup plus d'importance au lâcher prise. Je me sens plus légère, mieux dans ma peau. Et je sens en moi que j'ai comme ce côté sauvage qui ne demande qu'à se libérer. Il y a quelque chose qui doit sortir. Je me suis également remise à écrire quelques textes, et j'ai sorti des combles ma guitare toute poussiéreuse.
J'ai trouvé mon trip plutôt agréable, très personnel, et très en rapport avec la nature.
Mais la prochaine fois, j'aimerai me sentir en plus grande osmose avec les autre.