Laura Zerty a dit:
Après faut voir ce qu'il en est vis à vis de la croyance hehe.
Qu'entends-tu par croyance?
Laura Zerty a dit:
Mais encore une fois, avec une demi dose tu ne fais qu'entrapercevoir ce que je viens de présenter. Pour rentrer dans le Trip, faut une dose assez conséquente pour que ça soit l'effet du produit qui décide de ce qui va se passer dans ton esprit, et pas l'inverse.
A haute dose l'esprit perche et décroche, et c'est là qu'il faut se laisser aller pour pas créer de "blocages psychiques".
A petite dose l'esprit hésite sans percher, et c'est là qu'il faut se laisser aller pour rechercher les effets désirés.
Pour le dosage, je vais m'en tenir aux conseils d'Hoffman, un ug par kilos, ça me semble rationnel pour une première.
J'ai hâte en fait mais faut que je bloque les heures et que j'éloigne ça de mes pratiques sportives.
Laura Zerty a dit:
De mon côté je m'en suis tenu à cette distinction :
Si le réel est ce qui nous est inaccessible, alors la réalité se définirait comme l’ensemble des perceptions et interprétations constituant le monde subjectif d'un individu, à partir de ses sensations objectives. La réalité propre à chaque esprit dépend donc de la qualité de ses sens, de sa sensibilité, des représentations qu’il se fait de l'aspect des choses, de ce qu'il perçoit du réel, et de sa capacité à comprendre la vie comme une énigme, comme un problème de la connaissance.
En fait c'est une excellente porte que tu ouvres pour aborder les liens entre réalité, constructions théoriques, imagination et sens. Du coup je repars de là^^ .
Après si c'est HS ou autre, je vire ça de là sans souci^^.
La réalité : une construction de la raison et de l’imagination ?
Dans son livre le Nouvel esprit scientifique (1934), Bachelard livre une critique sévère de l'inductivisme et de l'empirisme. Il met en relief la nécessité de rompre avec le réel, les sens trompeurs pour aborder les noumênes et l’ensemble des mécanismes derrière les apparences. Daltoniens, achromates ou voyants classiques, les couleurs sont un bon exemple, elles qui ne sont jamais ce qu’elles nous apparaissent être. Selon cette démarche, le fait scientifique serait construit à la lumière d'une problématique théorique, on peut d’ailleurs parler de constructivisme dans la mesure où la science se construit contre l'évidence, contre les illusions de la connaissance et des données immédiates. C'est en ce sens que Bachelard parle d'une «philosophie du non ».
L'accès à la connaissance comme l'histoire des sciences sont donc marquées par une « coupure épistémologique », qui opère une séparation avec la pensée affective, en prise immédiate avec les croyances dérivées de ce que nous voyons et les questionnements construits visant à accéder aux principes du tout (par exemple). Prenons l’exemple du concept d’inconscient : ce dernier est connu en tant que phénomène depuis les premiers chamans de Sibérie, pourtant il faut attendre 1775 et la première vague de psychologie dynamique pour voir le phénomène commencer à se construire en tant que concept clinique ; puis la seconde vague initiée par Freud au début du XXe pour le voir agir comme agent thérapeutique.
Ainsi, produire des connaissances nouvelles, revient à franchir des « obstacles épistémologiques », selon l'expression de Bachelard qui parle aussi de rupture épistémologique. Ainsi, toute connaissance est une connaissance approchée : « Si l'on pose maintenant le problème de la nouveauté scientifique sur le plan plus proprement psychologique, on ne peut manquer de voir que cette allure révolutionnaire de la science contemporaine doit réagir profondément sur la structure de l'esprit. L'esprit a une structure variable dès l'instant où la connaissance a une histoire. En effet, l'histoire humaine peut bien, dans ses passions, dans ses préjugés, dans tout ce qui relève des impulsions immédiates, être un éternel recommencement ; mais il y a des pensées qui ne recommencent pas ; ce sont les pensées qui ont été rectifiées, élargies, complétées. Elles ne retournent pas à leur aire restreinte ou chancelante. Or l'esprit scientifique est essentiellement une rectification du savoir, un élargissement des cadres de la connaissance. Il juge son passé historique en le condamnant. Sa structure est la conscience de ses fautes historiques. Scientifiquement, on pense le vrai comme rectification historique d'une longue erreur, on pense l'expérience comme rectification de l'illusion commune et première. » (Le nouvel esprit scientifique, PUF, p. 173.)
La science se construit donc à l’inverse de la réalité et du sens commun, en contradiction avec la philosophie empiriste telle que la conçoit Locke puis plus tardivement Hume. Ainsi, à propos d'une seule notion telle que la masse, Bachelard en partant de la position philosophique du réalisme, montre une filiation de doctrines philosophiques conduisant du réalisme au surrationalisme. Un seul concept peut suffire pour disperser les philosophies, pour montrer que les philosophies partielles se posaient sur un seul aspect, n'éclairaient qu'une face du concept. Il établit ainsi une échelle polémique suffisante pour localiser les divers débats de la philosophie scientifique afin de répondre aux interrogations suivantes : Croyez-vous vraiment qu'en toutes ses pensées le savant soit réaliste ? Est-il réaliste quand il suppose, est-il réaliste quand il résume, est-il réaliste quand il schématise, est-il réaliste quand il se trompe ? Est-il nécessairement réaliste quand il affirme ? Ces questionnements nous renvoient aux notions de croyances et d’imagination dans la mesure où ces dernières, pour être dépassées, font office de crise scientifique. En effet, si les images poétiques et tout ce qui relève de l’imagination n’est pas dépassé, nous restons au niveau de notions préscientifiques. On peut ainsi considérer que Bachelard initie le programme épistémologique de Thomas Kuhn qui publie son livres Les structures des révolutions scientifique en 1962. En effet, il développe sa pensée discontinuiste en mettant l’accent sur les ruptures épistémologiques marquées par la psychologie du chercheur, ses croyances et son imagination.
« L'esprit scientifique ne peut se constituer qu'en détruisant l'esprit non scientifique. Trop souvent le savant se confie à une pédagogie fractionnée alors que l'esprit scientifique devrait viser à une réforme subjective totale. Tout réel progrès dans la pensée scientifique nécessite une conversion. » (La philosophie du non, 1940)
L’épistémologie de Bachelard nous renvoie au constructivisme, concept selon lequel la connaissance repose sur l'idée suivante : notre image de la réalité, ou les notions structurant cette image, sont le produit de l'esprit humain en interaction avec cette réalité, et non le reflet exact de la réalité elle-même :
« Pour que nous ayons quelque garantie d'être du même avis, sur une idée particulière, il faut, pour le moins, que nous n'ayons pas été du même avis. Deux hommes, s'ils veulent s'entendre vraiment, ont dû d'abord se contredire. La vérité est fille de la discussion, non pas fille de la sympathie. » (la philosophie du non, 1940)
Teresa Castelao, dans son livre « Gaston Bachelard et les études critiques de la science », développe la théorie bachelardienne de la phénoménotechnique. Ce concept, dans lequel on retrouve les concepts de phénomènes qui nous ramènent à la nature et de technique qui nous renvoie à la culture, fait ressortir la dépendance des sciences à ce qui est rationnellement construit et réifié par la technique. Le concept est élaboré en 1931. Dès 1828-1829, dans son Essai sur la connaissance approchée, Bachelard met en relief la subordination de la science envers le processus de rectification qui permet de coordonner l’ordre du donné et la méthode descriptive. C’est d’ailleurs dans ce mouvement de rectification que la science prend ses distances par rapport à la construction scientifique. Dans l’évolution d’un problème de physique et dans la valeur inductive de la relativité, Bachelard développe déjà l’interdépendance de la formation des concepts scientifiques à la contingence des cultures scientifiques. Il se situe d’emblée dans un contextualisme scientifique. En effet, faire la psychanalyse du savant c’est aussi explorer la psychologie d’une époque. Prenons l’exemple de la physique mathématique dans La valeur inductive de la relativité : les math sont l’instrument rationnel des théories de la relativité dans la mesure où la relativité invente l’expérience. La physique einstenienne provoque un renversement de la causalité ainsi qu’une rupture épistémologique avec la physique classique. En effet, la physique quantique qui accompagne au XXe siècle la relativité, s'applique à l'infiniment petit dont elle modélise les phénomènes. Modèle révolutionnaire, elle est essentiellement fondée sur des ensembles d’équations mathématiques qui impliquent la notion de probabilités, d’indéterminisme, de non-localisation, de non-contradiction nous privant, du coup, de toute possibilité de représentations concrètes. Ce champ de la physique échappe à l'entendement ; ne traite pas de notre univers quotidien, et est avant tout une construction rationnelle sans relation directement visible avec la réalité.
Bachelard glisse de la phénoménotechnique à la phénoménologie mathématique : ainsi on peut dire que la mathématique incarne l’objectivité dans le même sens que l’incarne la technologie. Les sensations, le sens commun sont mis à l’écart par la forme mathématique. L’observateur est éliminé de la physique moderne au profit des constructions mathématiques qui dans le fond résultent de l’abstraction et du recul de l’entendement face au réel. C’est d’ailleurs ceci qui explique que les paradoxes soient tout à fait acceptables en physique :
Exemple de la théorie des cordes : elle repose sur deux hypothèses :
• Les briques fondamentales de l’Univers ne seraient pas des particules ponctuelles mais des sortes de cordelettes vibrantes possédant une tension, à la manière d’un élastique. Ce que nous percevons comme des particules, ne seraient que des cordes, vibrant différemment. Les différents types de cordes, vibrant à des fréquences différentes, seraient ainsi à l’origine de toutes les particules élémentaires de notre Univers qui contiendrait plus de trois dimensions. Certaines d’entre-elles, repliées sur elles-mêmes, passant inaperçues à nos échelles (par une procédure appelée réduction dimensionnelle).
Or cette théorie « ne peut même pas être fausse » dans la mesure où sa flexibilité rend très difficile de faire des prédictions de phénomènes physiques pouvant la tester et la valider. De plus, on ne sait pas s’il sera possible d’effectuer des expérimentations sur les dimensions supplémentaires de l’Univers.
- Si la théorie des cordes est difficilement réfutable, elle est cependant mathématiquement soutenue et complétée par la théorie des multivers depuis peu.
Les paradoxes ne sont rationnels (bien que totalement contre intuitifs) que parce qu’ils sont fondés sur les mathématiques. Cette démarche implique un fort consensus scientifique. Quand apparait pour la première fois, en 1931, le terme phénoménotechnique ; il illustre les implications de la pensée mathématique dans la microphysique. Méthode, plutôt que langage, elle provoque les conditions instrumentales qui permettent la systématisation du réel. Ainsi la connaissance de la physique dépend des conditions instrumentales de la communauté, conduisant ainsi à un réalisme de type construit. Dans Noumènes et microphysique, Bachelard explique la construction du réel de la façon suivante :
« La physique mathématique devient la nouménologie par laquelle les phénomènes nouveaux sont, non simplement pas trouvés, mais inventés, mais construits de toutes pièces. » (Noumènes et microphysique, 1931, pp 18-19)
Bachelard est l’un des seuls philosophes des sciences à admettre le fait que la relativité implique une redéfinition du sens de l’objectivité scientifique de Comte (le positivisme). A l’occasion de son intérêt pour la physique quantique et la théorie de la relativité, Bachelard réalise que la rupture avec le sens commun qu’impliquent ces disciplines peut être étendue à des entités comme le spin du proton ou l’électron. Ainsi, l’activité scientifique est une activité créatrice qui comprend l’invention et la fabrication de phénomènes sur lesquels les connaissances sont fondées. La physique et la chimie n’étudient pas la nature mais des produits de la technique conçus en laboratoire.
Ainsi, les mathématiques ne sont plus seulement un langage mais une technique, un outil de production direct de connaissance dépendant de l’épistémè de son époque. Ainsi établi, le réalisme technique permet d’affirmer que l’utilisation de la technique en science est la pierre de touche de l’objectivité. L’objectivation technique est en rapport avec les conditions de précision de plus en plus parfaites en instrumentation, de même qu’avec la tentative de différencier l’univers du sujet comme observateur de celui du scientifique comme constructeur. Affirmer que les sciences élaborent leurs propres objets, et que ces derniers perdent leur signification à moins qu’ils ne prennent place dans un système théorique, révèle une réflexion sur les caractéristiques de l’expérimentation, et sur les relations entre les théories et la technique scientifique.
Avec la phénoménotechnique, Bachelard énonce un principe (déjà présent dans les textes antérieurs, comme nous avons pu le voir plus haut) qui rende pleinement compte des propriétés constructivistes de la science. En effet, dans une perspective constructiviste (même si utiliser ce terme est un anachronisme), Bachelard met en relief le fait que, malgré un rationalisme croissant, la science en construisant ses objets, travaille parfois sur des entités ( comme les micro-particules) « créés par l’homme et qui n’ont pas plus de réalité que l’Enéide ou la Divine comédie » (1951). Ainsi, il substitue au terme d’objectivité, celui d’intersubjectivité qui semble mettre en avant une caractéristique purement sociale de la science (du type de celle que développera Kuhn). Les objets scientifiques existent-ils en dehors des sujets qui les étudient (physique quantique) ? Même en admettant, avec Bachelard, l’existence d’un consensus scientifique, un tel accord n’implique pas que les choses à partir desquelles il se forme, existent effectivement. On peut dire que l’incorporation de la phénoménotechnique au cœur des débats est cruciale pour le développement de modèles de la science qui mettent en valeur les connexions dialectiques entre les théories scientifiques et l’expérimentation.