Quoi de neuf ?

Bienvenue sur Psychonaut.fr !

Le forum des amateurs de drogues et des explorateurs de l'esprit

Les instance psychiques - L'IDEAL DU MOI

  • Auteur de la discussion Auteur de la discussion Deleted-1
  • Date de début Date de début
D

Deleted-1

Guest
Cet article est une composition de copier/coller et réécriture de différents paragraphes issus de différents articles. Je l'ai constitué pour proposer une approche simpliste mais se voulant la plus complète des instances freudiennes, revues par plusieurs générations de psychanalystes jusqu'à aujourd'hui. Les instances psychiques sont des élaborations métaphysiques faisant parties de l'appareil psychique, et offrant un système d'interprétation des mécanismes de l'esprit.


Article introducteur


L'Idéal du Moi est une instance qui accompagne le processus de socialisation, tout au long de la formation de la personnalité. Il est le lieu psychique porteur de l’idéal que le sujet établit en lui, d'après des identifications aux parents, à leurs substituts et aux idéaux collectifs. C'est une instance de la personnalité constituant un modèle auquel le sujet cherche à se conformer, en se comparant à des figures qu'il idéalise, et auquel il mesure son moi actuel. On peut imaginer l'Idéal du Moi comme disant à l'individu "tu devrais faire ceci", ou lui faisant se dire "je voudrais être comme cela".

L’idéal est à comprendre d’abord dans un sens général, en tant que valeur à suivre, c’est-à-dire au niveau intra-psychique et surtout au niveau inconscient en tant qu’inscription ou représentation-phare servant de guide à la pulsion. L'Idéal du Moi se distingue nettement du Moi, en tant que le Moi tient du registre imaginaire et est captation aliénante du sujet, alors que l'Idéal du Moi amène l'identification du sujet à un registre symbolique. L'Idéal du Moi rassemble des images, en proposant au Moi des identifications. L'Idéal du Moi est donc une instance du discours.

Lacan le conçoit comme une instance symbolique, résultant de la convergence du narcissisme (idéalisation du Moi) et comme une issue logique de l'œdipe, dans un dépassement de la structure imaginaire du Moi, qui à l'âge de 5 ans n'existe que dans sa facette unique du Moi Idéal. Aussi il serait, à côté du Moi, la condition du refoulement lorsqu'une pensée ou pulsion ne satisferait pas l'individu quand à ses idéaux.



ORIGINES - Du Moi Idéal à l’Idéal du Moi, via le Surmoi et le narcissisme.

L’Idéal du Moi désigne une formation intrapsychique relativement autonome qui sert de référence au Moi, pour apprécier ses réalisations effectives. Son origine est principalement narcissique : « Ce que l’homme projette devant lui comme son idéal est le substitut du narcissisme perdu de son enfance ; en ce temps-là il était à lui-même son propre idéal ». Cet état de narcissisme, que Freud compare à un véritable délire des grandeurs (voir MOI IDÉAL), est abandonné du fait, notamment, de la critique exercée par les parents à l’égard de l’enfant. On notera que la critique des parents est intériorisée sous la forme d’une instance psychique particulière qu'est le Surmoi, instance de censure et d’auto-observation, distinguée de l’Idéal du Moi en tant que le Surmoi « observe sans cesse le Moi actuel et le mesure à l’idéal », à l'Idéal du Moi donc.

Émergence de l'Idéal du Moi.

En simplifiant on peut dire que le Moi Idéal est présent au départ, c’est le Moi narcissique garant de notre auto-érotisme, et qui dans un état d'omnipotence nous ferait nous dire « je m’aime ». Ensuite, après l'émergence du Surmoi et le dépassement du complexe d’œdipe, le Moi Idéal évolue vers l’Idéal du Moi. A ce stade le Moi a donc acquis ses deux facettes que sont le Moi Idéal (le sujet se prend pour son propre idéal) et l'Idéal du Moi (le sujet prend pour idéal un objet autre que lui-même). Puis au fur et à mesure que l’enfant grandit, il inclut dans le Moi Idéal les objets parentaux idéalisés, les références, les images auxquelles il s'identifie. Ainsi après l’œdipe, chaque enfant se construit un Idéal du Moi qui n’est plus personnifié par tel ou tel adulte.

L’Idéal du Moi apparaît pour Freud comme un substitut du Moi Idéal, le Moi Idéal désignant le Moi réel qui a été l’objet des premières satisfactions narcissiques. Ultérieurement, le sujet tend à retrouver ce Moi Idéal, caractéristique de l’état de toute puissance du narcissisme infantile, du temps où l’enfant était à lui-même son propre idéal. Sous l’influence des critiques parentales et du milieu extérieur, les premières satisfactions narcissiques procurées par le Moi Idéal sont progressivement abandonnées et c’est sous forme de ce nouvel Idéal du Moi que le sujet cherche à les reconquérir.

Idéal du Moi et estime de soi, pour être autonome.

De la fin de la première année jusqu'à sa troisième année, l’enfant décide, dispense son bon-vouloir, dirige son corps. L’estime de soi dépend de l’estime des autres pour soi : si la mère insiste trop sur la socialisation, l’enfant aura l’impression de subir, de ne pas décider pour (et par) lui-même, d’avoir un Moi dévalorisé (sentiment de ne pas être en droit de faire une chose pour soi et/ou de son plein gré). Si la mère insiste surtout sur le plaisir, l’enfant aura l’impression qu’avant de faire quelque chose pour quelqu’un d’autre, il le fait pour lui (favorisant une tendance égoïste). Il décide de sa vie, de son plaisir, affirme son Moi (tendance égocentrique). Son autonomie n’est pas diminuée, si de son propre chef il décide de faire plaisir à la personne qu’il aime. L'équilibre étant alors d'être suffisamment égoïste et égocentrique pour s'affirmer en s'estimant positivement dans son environnement, tout en restant mesuré pour ne pas s'accorder tous les droits.

Éducation - L’estime de soi dépend de l’estime des autres pour soi.

Pour se faire aimer, l’enfant n’a guère d’autre solution que d’être sage, c’est-à-dire obéir, être conforme à ce qu’on attend de lui, ce qui implique qu’il renonce en partie du moins à ses pulsions qui le poussent à vouloir tout tout de suite et sans tenir compte des conséquences. C'est l'objet de l'éducation que d'assurer que l'autonomie de l'enfant ne soit pas diminuée, si de son propre chef il décide de faire plaisir à la personne qu’il aime. Donc l’enfant sacrifie sa pulsion au sentiment d’amour et de sécurité, de même qu’à la restauration de son estime que garantit l’amour parental. L’enfant se reconnait donc en faisant plaisir à ses parents, qui créent en lui son Idéal du Moi auquel il va s’identifier en s’investissant narcissiquement, lorsqu'il suit les idéaux de ses parents. Par exemple, si le parent lui dit d'être poli, l'enfant qui sera poli pourra se reconnaitre au travers du regard du parent content de lui, et donc en sentir une satisfaction dite narcissique, dans le sens où il aura le sentiment d'exister en s'estimant positivement par la reconnaissance d'une personne qu'il idéalise/estime (son parent en l’occurrence).

C'est donc sous l'influence des contraintes de la réalité et des critiques parentales, que les premières satisfactions narcissiques (d'auto-érotisme lié au Moi Idéal) sont abandonnées et remplacées par des idéaux empruntés aux parents et à des personnes idéalisées de l'entourage, et qui amèneront à de nouveaux investissements narcissiques, non plus basés sur le sujet qu'est l'enfant, mais sur des objets extérieurs (les idéaux parentaux ou collectifs). Du Moi Idéal, on en vient donc à l'Idéal du Moi qui remplit une fonction en partie analogue à celle du Surmoi, en exerçant un contrôle critique sur les réalisations effectives du Moi, autrement dit les agissements de l'enfant.


FONCTIONS

Freud voit dans l'Idéal du Moi une formation nettement différenciée du Moi, qui permet de rendre compte notamment de la fascination amoureuse, de la dépendance à l’égard de l’hypnotiseur et de la soumission au leader : autant de cas où une personne étrangère est mise par le sujet à la place de son Idéal du Moi.

Un tel processus est au principe de la constitution de groupe humain, mais aussi de la diversité des modèles d'individualité.

L’idéal collectif tire son efficacité d’une convergence des « Idéal du Moi » individuels, lorsque « un certain nombre d’individus ont mis un seul et même objet à la place de leur Idéal du Moi, à la suite de quoi ils se sont identifiés l’un à l’autre dans leur Moi ». Exemple d'un groupe politique idéalisant un seul homme, comme les nationalistes allemands ont mit Hitler au pouvoir dans un élan patriotique et prenant de l'ampleur dans le collectif, idem pour les communistes avec le culte de la personnalité du dictateur Staline. A l’inverse, les individus sont les dépositaires, à la suite d’identifications aux parents, aux éducateurs, etc., d’un certain nombre d’idéaux collectifs, lorsque « Chaque individu fait partie de plusieurs groupes, il est lié par identification de plusieurs côtés et il a construit son Idéal du Moi d’après les modèles les plus divers ». Par exemple les individus s'identifient à des idéaux personnels, familiaux, collectifs, religieux, ethniques, ou biologiques, autant d'archétype que la mystique et les sciences modernes nous permettent d'explorer.

Les idéaux dans la quête d'absolu, et comme condition du refoulement.

Tout comme le narcissisme, loin d’être désexualisé, l’idéal et sa quête, n’est qu’une tentative de retrouver cette unité première dans le Moi Idéal, cette satisfaction et cette jouissance première de ce temps où l’enfant baignant dans un tout absolu était à lui-même son propre idéal, et qui ne comportait donc ni insatisfaction, ni désir, ni perte, et qui continue d’exister en nous comme l’engramme du bonheur parfait et permanent, un paradis perdu.

Lou A. Salomé considère que l’établissement de l’Idéal du Moi fait suite à l’échec des demandes de sympathie et de sécurisations primaires. Devant les rebuffades et les humiliations que vit l'enfant, le besoin qui sert la cause du Moi Idéal sera refoulé et masqué au profit d’un plus ambitieux Idéal du Moi servant un but final. L’établissement d’un Idéal du Moi dans le moi était la condition du refoulement. Cette remarque montre qu’à cette époque l’Idéal du Moi n’était pas seulement la projection du narcissisme perdu de l’enfance, mais qu’il contenait en toile de fond des représentations dominantes du Moi qui seraient la source du refoulement.


DIFFÉRENCES ENTRE IDÉAL DU MOI ET SURMOI


Nous savons que l’Idéal du Moi et le Surmoi contiennent, en toile de fond, un énoncé sur la finalité à laquelle le sujet aspire et que les actions d’investissement ou de contre-investissement réaliseront.

Petites voix dans la tête produisant culpabilité et sentiment d’infériorité.

Le surmoi apparaît comme une structure englobante qui comporte trois fonctions : « auto-observation, conscience morale et fonction d’idéal ». La distinction entre ces deux dernières fonctions s’illustre notamment dans les différences que Freud cherche à établir entre sentiment de culpabilité et sentiment d’infériorité. Ces deux sentiments sont le résultat d’une tension entre le Moi et le Surmoi, mais le premier est en rapport avec la conscience morale, le second avec l’Idéal du Moi, en tant qu’il est aimé plutôt que redouté.

Il existe un accord relatif quant à ce qui est désigné par « Idéal du Moi » ; en revanche, les conceptions diffèrent quant à sa relation avec le Surmoi et la conscience morale. La question est encore compliquée du fait que les auteurs nomment Surmoi, tantôt comme Freud dans les Nouvelles conférences, une structure d’ensemble comprenant différentes substructures, tantôt plus spécifiquement la « voix de la conscience » dans sa fonction interdictrice. « Les rapports [du Surmoi] avec le Moi ne se limitent pas à ce précepte : « tu dois être ainsi » (comme le père) ; ils comprennent aussi cette interdiction : « tu n’as pas le droit d’être ainsi » (comme le père) ; c’est-à-dire, de faire tout ce qu’il fait ; beaucoup de choses lui sont réservées ».

Reproduction de la relation autoritaire parents-enfant à l’intérieur de la personnalité.

Pour Nunberg par exemple, Idéal du Moi et instance interdictrice sont franchement séparées. Il les distingue quant aux motivations induites dans le Moi : « Alors que le Moi obéit au Surmoi par peur de la punition, il se soumet à l’Idéal du Moi par amour » ; et aussi quant à leur origine (l’Idéal du Moi serait formé principalement sur l’image des objets aimés, le Surmoi sur celle des personnages redoutés). Lagache parle d’un système Surmoi-Idéal du Moi à l’intérieur duquel il établit une relation structurale. Il pose deux problèmes : les rapports entre le Surmoi et l’Idéal du Moi, et ceux entre Idéal du Moi et Moi Idéal. Il utilise « un modèle personnologique », c’est-à-dire qu’il tente de penser les relations entre les instances intra-psychiques sur le modèle d’une introjection, d’une intériorisation des relations entre personnes. Cela lui fait dire par exemple : « Dans le modèle personnologique, le Surmoi correspond à l’autorité, et l’Idéal du Moi à la façon dont le sujet doit se comporter pour répondre à l’attente de l’autorité ; le Moi-sujet s’identifie au Surmoi, c’est-à-dire à l’autorité, et le Moi-objet, lui, apparaît ou non conforme à l’Idéal du Moi. En d’autres termes, nous comprenons le Surmoi et l’Idéal du Moi comme formant un système qui reproduit, ‘à l’intérieur de la personnalité’, la relation autoritaire parents-enfant. »

L'Idéal du Moi se distingue donc du Surmoi en ce que le Surmoi est une instance purement critique, opérant un retournement de la violence contre soi-même, par peur de perdre l'amour des parents. Là où le surmoi juge pour condamner, l'Idéal du Moi, présente un modèle d'identification : cette instance décrit in fine la satisfaction éprouvée face à la représentation conforme aux représentations investies comme positives, bonnes, bien.


DIFFÉRENCES ENTRE MOI IDÉAL ET IDÉAL DU MOI

L'Idéal du Moi est une instance qui accompagne le processus de socialisation, tout au long de la formation de la personnalité. C'est aussi le substitut de la toute-puissance de l'enfant (de "je peux tout" à "je voudrais tout pouvoir") pour la construction de son Moi. Le Moi se compare et se construit par rapport à un idéal, à une référence permettant au sujet de se dépasser. Cet idéal personnel se forme progressivement au cours de l'enfance par identification aux personnes proches (souvent les parents) aimées et admirées.

Donc à ne pas confondre avec le "Moi idéal", qui n'est pas le substitut mais l'idéal d'une toute-puissance narcissique, avec identification à des personnages fabuleux ou prestigieux imaginaire, et non symbolique comme l'Idéal du Moi. Ainsi le Moi Idéal ne propose pas de modèle accessible pour le processus de socialisation. C'est le Moi qu'on se construit dans le stade du miroir, celui qui relève de l'imaginaire.

Entre le Moi Idéal et l'Idéal du Moi, on pourra définir quatre grands idéaux que sont l’idéal de plaisir, l’idéal de puissance, l’idéal de moralité, et l’idéal de culture. Les notions de Moi plaisir purifié, de Moi idéal, d’Idéal du Moi, de Surmoi œdipien et de Surmoi culturel sont à la fois des notions distinctes et en même temps elles sont confusément rattachées entre elles, à travers la figure grandiose et idéalisée du père (le modèle patriarcal dominant, qui reste toujours symboliquement omniprésent malgré les avancées sociétales vers la parité). Sur ce plan, le Surmoi et l’Idéal du Moi sont équivalents, mais le Moi Idéal désigne une formation intrapsychique inconsciente narcissique qui se distingue des deux autres, en ce que ce Moi Idéal ne relève pas de la somme des identifications aux objets aimés.

" Les aspects moraux, d’obéissance à la loi sociale, d’autorité morale, appartiennent plutôt au registre de l’Idéal du Moi, et que les idées de grandeur, mégalomaniaques, de toute-puissance, de prestige ou de gloire, sont en revanche du registre du Moi Idéal. Dans la relation du sujet à l’autre de l’autorité, l’Idéal du Moi, suivant la loi de plaire, mène le sujet à se déplaire au gré du commandement ; le Moi Idéal, au risque de déplaire, ne triomphe qu’à plaire en dépit du commandement ".

Possibles confusions entre Moi Idéal et Idéal du Moi.

Lagache utilise donc le concept de Moi Idéal comme un idéal narcissique de toute-puissance, et l’Idéal du Moi comme le modèle d’autorité, auquel le Moi est censé se conformer. Il décrit les conflits d’identification qui peuvent se produire, par exemple entre l’identification au Moi Idéal et l’identification à l’Idéal du Moi, et réinterprète précisément le conflit œdipien comme « le conflit entre l’identification primaire au père et l’identification secondaire au père, entre le Moi Idéal et la structure Surmoi-Idéal du Moi. » Par exemple l'individu peut exiger de son père qu'il soit aussi fort que Superman, ce qui est impossible, et lui en tenir rigueur en ne comprenant pas que l'image idéalisée qu'il a de son père, ne colle pas avec la nature de ce dernier, qui peut présenter des failles comme tout être humain. Stupeflip chantant cette désillusion : "C'est chaud, quand il voit qu'papa sera pas au niveau"


IDÉAL DU MOI, AMOUR ET VIOLENCE - L’idéal du Moi permet de conserver l’amour, mais attise aussi colère et haine.

Cette distinction ramène l'Idéal du Moi à une partie, une des fonctions du Moi, ou encore à l'un de ses aspects : la satisfaction de l'identification quand celle-ci permet de conserver l'amour, quand l'identification se présente comme cohérente avec les autres représentations. Alors l'individu se sent en accord avec lui-même, lorsque ses actes et désirs s'accordent avec ses buts et idéaux. En d'autres cas, si l’idéalisation qui tend à magnifier le positif et à réduire ou contre-idéaliser le négatif, elle aboutit bien souvent à la libération brutale et incontrôlée d’une violence désintriquée. Exemple des colères adolescentes, lorsque l'individu n'arrive pas à satisfaire ses objectifs d'après ses idéaux, et en vient alors à devenir violent d'une manière physique ou verbale/symbolique.La violence peut entrainer dans des comportements agressifs, portés sur autrui (bagarre), sur des objets (vandalisme), ou sur soi (addiction, auto-mutilation).


AIMER SES IDÉAUX POUR SATISFAIRE SON NARCISSISME ET S'ESTIMER POSITIVEMENT, SANS TOMBER DANS L'ORGUEIL OU LA VANITÉ

« Il » a donc fabriqué cette « statue de futur génie », il est devenu elle, elle est devenue lui, et pour ce faire, il a fallu rejeter, éliminer, mettre au rebut tout ce qui n’était pas matériau digne de la grandiose construction en cours. En fait, « il » a fait mieux : tout ce qui pouvait être mesquin, lâche, vindicatif, méprisable, tout ce que les autres sont obligés de cacher, lui s’en servait pour parfaire, polir, faire chatoyer les facettes de cette statue devenue vraiment lui.

Ainsi se dessinent, dans leur complexité et intrication, les échanges intimes, parfois parallèles, souvent contradictoires, entre le Moi et l’Idéal, chacun se divisant de l’autre, mais également se soutenant de l’autre, jusqu’à la fusion, point d’orgue du triomphe de l’Idéal, bénéficiant de l’adhésion maniaque du Moi, et de l’étayage parfois opportun de la censure qui rejette, façonne, polit tout ce qui ferait tâche, quand on s'applique à bien présenter. Prenons le cliché d'une boite de nuit ultra select', où n'entrent que des personnalités friquées correspondant à l'idéal de la jet set. Pas d’obscurité, que du brillant et du magnifique, du conforme à la hauteur requise, mais qui laisse cependant entrevoir l’ombre projetée d’une honte à-venir, fond commun non maîtrisable et inévitable quand on se regarde dans le miroir des apparences. Tristesse des "tasspées" accompagnant des nouveaux riches n'étant qu'une pâle copie d'autres "tasspés" accompagnant les mêmes autres nouveaux riches, dans les mêmes soirées "branchées", et se voulant "tendances". L'étalage du faste et du luxe dans la plus grande vanité qui soit, ne vaut guère mieux que la grandeur affichée, de l'orgueil d'un yacht plus gros que les autres...on se référera à 99F.

A quoi bon se polir de telles apparences, si l'autonomie, la complétude et la sérénité ne font pas parties de soi ?

Ce fond commun d'un besoin de paraitre tel les idéaux véhiculés par le libéralisme et les tendances associées (narcissisme, nihilisme, vanité et orgueil à peine cachées dans un esthétisme bling bling ou toujours plus dénudé), est en relation avec l’aliénation dont cet idéal est aussi porteur, et avec cette position double que lui confèrent son fondement narcissique et objectal, comme ses visées de grandeur avec la destructivité dont elles s’assortissent. En d'autres termes, à quoi bon chercher à s'élever au détriment des autres, et de l'environnement ? Quel intérêt d'être riche et de polluer l'environnement, si ce n'est même pas pour en profiter véritablement ? Ainsi apparaît cette face que l’on peut appeler obscure, celle qui est tournée du côté de la fabrique des idéaux, ateliers souvent hypocrites de censure et polissage en tous genres. C’est dans ce creuset que se font les échanges et partages entre l’emprise narcissique de l’enfant en majesté et la dureté du narcissisme parental impénitent et avide de s’implanter, venant confluer avec celui de l’enfant, et renforcer le versant tyrannique du narcissisme, ce « complément libidinal à la pulsion d’auto-conservation ».

Mon fils, tu seras le plus beau, le plus riche, le plus fort.

Quelque chose de la destructivité interne apparaît quand Freud insiste sur l’exigence d’aimer pour ne pas tomber malade, l’enfermement étouffant et mortifère de la trame narcissique, devant pouvoir céder devant la force d’attraction de l’objet. Aimer l'argent n'a jamais sauvé personne, et aujourd'hui Bernard Tapie se doit de rendre des comptes avec beaucoup d'argents volés au prix d'une souffrance humaine incalculable. Donc aimer l’idéal ou les visées de l’idéal, ou encore les réalisations à condition qu’elles soient conformes à l’idéal, autant d’enjeux narcissiques certes, mais qui ressortissent aussi bien des pulsions de vie (Éros) que de mort (Thanatos), quand nos idéaux nous permettent autant de se grandir en étant des individus respectables pour les valeurs qu'ils véhiculent, que de nous rabaisser comme des parasites narcissiques niant les inégalités sociales et méprisant les simples gens. A ce stade là, si on ne choisit pas sa famille on pourrait aussi dire que l'on ne choisit pas ses idéaux, mais l'empathie innée ou acquise peut ouvrir les cœurs à plus d'altruisme, alors que la vanité et l'envie de possession détruisent la confiance entre individus, les liens moraux et éthiques indispensables à de bonnes relations sociales.

Les paradoxes psychiques disant comment tu dois être et comment tu ne dois pas être.

Les multiples identifications constitutives d’un sujet humain forment un collège de figures, aimées et haïes, et le plus souvent les deux à la fois, qui détiennent les clefs de ce mémorial de la détresse et de la dépendance infantile, et qui soutiennent et constituent le « double visage de l’Idéal du Moi », injonction paradoxale disant d’un même souffle comment tu dois être et comment tu ne dois pas être. La passivation et la désintrication pulsionnelle sont au cœur de la constitution et des rapports réciproques des instances psychiques. Autrement dit, nos conflits psychiques naissent de la dialectique complexe entre nos pulsions et nos différentes instances psychiques, avec leur conséquences sur la vie sociale et sociétale (il n'y a pas de paix sans guerre, d'amour sans haine).

Vis à vis de la honte.

L’idéal, dans tous ses avatars, c’est la répétition laïque de la transcendance, c’est la réhabilitation consentie et parfois lucide, de l’illusion, c’est-à-dire d’un lieu idéal où la plainte serait entendue, la culpabilité apaisée, et la honte enfin traitée. Le non, ce refus, ce verdict, semble se vouloir rupture nécessaire avant que puisse être rétablie la continuité de cette chaîne humaine, qui devra à jamais inclure un blanc, un manque, peut-être comme façon d’inscrire une déchirure dans la trame continue que représentent les deux issues du narcissisme infantile dont parle Freud : " L’individu, effectivement mène une double existence : en tant qu’il est à lui-même sa propre fin, et en tant que chaîne à laquelle il est assujetti contre sa volonté ou du moins sans l’intervention de celle-ci. "

Lacan conservera l’idée selon laquelle l’Idéal du Moi constitue le pôle exaltant qui permet au sujet d’aller de l’avant dans les nuées comme dans un mirage, et assure au sujet l’issue favorable à une relation imaginaire vouée au conflit et à la ruine. L’édification de l’Idéal du Moi s’appuie sur l’image surélevée et exaucée du père, non pas le père naturel, nous dit-il, mais de ce que Lacan appelle le Père : l’ordre qui empêche la collision et l’éclatement, et qui est fondé sur l’existence symbolique de l’autorité. L’Idéal du Moi qui « englobe la somme des limitations auxquelles se soumet le Moi », et le Surmoi garant de l'autorité, ont partie liée dans la constitution et l’émergence de la honte, en ce sens que les instances idéales qui déterminent les choix éthiques les plus élevés, ne sont pas là pour dire seulement le prix du meurtre dans une perte de confiance en autrui ou d'estime de soi, mais également le prix de la vie : jusqu’où faut-il aller pour vivre ?
 
Retour
Haut