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Le San Pedro qui fait sens en Bolivie

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28/6/08
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Voila ce que j'ai tapoté, depuis La Paz. folie, folie ... je m'aime.

En pays européens, la démarche hallucinée est incomprise, on n'en comprend pas les signes, elle se dessine en marge de la société qui a voulu se quadriller comme une feuille selon les lignes de la raison. Les pas et les tribulations du "voyageur" sont des signes étranges et étrangers, il « ne font pas sens ». A l’instar de la démarche titubante de l’homme ivre, on l’accuse. Celui qui consomme, en Europe, va dans un « ailleurs » insignifiant et il demeure sans jalons, perdu, sans savoir ni ce que son itinéraire veut dire, ni s'il va revenir. Tout ce qu’on retient de cet « ailleurs » c’est qu’il s’offre comme une alternative à l’existence, comme un moyen dissociatif, un dérivatif. C’est « à la dérive » que l’on va, lorsqu’on veut fuir la dure réalité qui se présente.


En Bolivie, en revanche, cet « ailleurs » transcendant est compris dans une optique religieuse. Alors que l’européen parlait du « cactus hallucinogène », l’indien parle du « cactus sacré des chamans ». Cet « ailleurs » auquel le voyageur se donne est un lieu sacré : il s’agit du monde des esprits, des créatures surnaturelles et des déités. C’est avec de telles êtres que l’on communie en état de « flip » - le cactus sacré des chamans ouvre les portes de cet en-deçà.

Le voyage, le "trip" est suivi, jalonné, encadré, accompagné et il s'inscrit dans une démarche initiatique et religieuse. Ce n’est donc pas en marge de la société qu’il s’inscrit. Au contraire, il trouve sa place et son sens dans le système social en tant que moyen cohésif et structurant, il figure un « baptême » et marque le passage à l’âge « adulte ». A ce propos, l’ethnologue Michel Perrin disait « chez les indiens la drogue structure, chez nous elle détruit ».
Comme le « trip » est signifiant, chaque pas acquiert une signification particulière, il est chargé de sens, il est parlant : un pas dans le désert, c'est une lettre sur une feuille blanche. La société indienne dispose même d'un vocabulaire et d'un certain nombre de signes pour traduire le périple, là ou pourtant les mots n'ont plus cours[...] Bref, l'usage du cactus est codifié.


Il y a, comme disait Michel de Certeau "une énonciation piétonnière" : le marcheur s'inscrit dans l'existence, sa démarche a du sens, il "énonce" quelque chose, son itinéraire est parlant, il occupe significativement l'espace comme on occupe une feuille blanche. Mais cet espace qu'il occupe est un ailleurs transcendant et signifiant, il s'agit d'un autre monde, celui des créatures merveilleuses et des forces naturelles personnifiées (les Pülasü). Si une telle mythologie se présente à l’indien, une autre se présente à l’européen. C’est la raison pour laquelle Michel Perrin soulignait le côté profondément culturel du voyage. Peut-être la psychologie et la chimie se disputent-elles au culturel, en tous les cas, il est important de ne pas laisser la culture de côté. Le sort du voyageur ne relève pas de sa seule psychologie ou de sa seule constitution singulière.
 
Un texte écrit dans un style comme celui-ci mérite les plus sincères félicitations à son auteur ;-) Continue ainsi, j'aime beaucoup ton style
 
salut personne

ayant lu ce post, et comprenant ce que j'en comprends...,etant tout a fait d'accord avec toi sur plusieurs points cela me laisse encore un profond sentiment de desespoir que j'ai envie de rendre: l'impossibilite, cree par et pour l'occidental lui -meme et ses futures generations de se decouvrir en temps qu'humain et se devellopper en temps que societe, (a causes de ses peurs principalement, ancrées depuis des generations, transmises par l'education et par mimetisme...) me saute aux yeux dans cet exemple...
et ce n'est pas valable que pour le cactus ou pour les drogues....
"les braves gens n'aiment pas que..."

maintenant la culture occidentale (si on peut appeler ca comme ca) se divise en nombreuses sous cultures...certaines plus accessibles que d'autres...il doit meme bien exister des "cercles tres fermes" de gens au coutumes peu avouables a la masses dont ils savent faire bon usage (ne serait que pour la decouverte de soi, apprendre par soi meme ce qu'un humain peut ressentir de plus...) et pas forcement non plus des coutumes faisant intervenir la drogue (les premiers psy a avoir pratique le "psychodrame" sont passes pour des fous aux yeux de ceux qui ne voulaient pas les comprendre)

et malgres ces nombreuses personnes qui se "defoncent" sous nos lattitudes, aux choses sacres, j'ai quand meme envie de croire qu'il y a un petit espoir ( non pas tout de suite) que les individus evoluent, qu'on arrete de se cantonner a ce que papa et maman (et la tele!) nous ont dit et qu'on decouvre le monde par nous meme

aussi bien un meme trip peu etre interprete differemment par plusieurs personnes (autant qu'il soit possible qu'elle aient le meme voyage)
que les occidentaux (encore eux!) qui, les premiers, ont assiste a des rituels ou ceremonies de differrentes cultures, ont meprise ces pratiques (singeries, simagrées, diableries....)

alors oui aujourd'hui ca a change, les drogues sacrees ne sont plus des objets du diables , mais NOS chamans ( medecins, psychiatres etc....influences par le pouvoir politique...) ont decrete que c'etaient des DROGUES et c'est la que le point de vue occidental sur la question s'est arrete

pour finir je dirais que les boliviens aussi doivent avoir une culture qui evolue...peut etre meme heritee, du coup ces codes autour de la consommation de catus ne se sont, je pense, pas fait en un jour.
de meme la peur, l'interdit, le tabou qui existe en occident autour des hallucinogenes est deja une sorte de code de comportement social(egoiste, primaire d'accord) qui peut encore evoluer...le cannbis, par exemple devient plus populaire, recreativement...malgres qu'il soit interdit il est deja au centre d'une certaine "sous-culture" ou bien des signes, des pratiques, des rituels...prennent leurs place, et conduisent des gens a un certains "modes de vie" qui, du moins pour eux, n'est en aucun cas destructeur...meme si le but n'est pas directement religieux, il peut le devenir, ne serait ce qu'individuellement au debut, ce qui je pense est deja le cas pour une minorite de consommateurs...

eh oui! notre culture c'est la guerre, les conquetes, le culte de l'image et du superficiel, l'esprit de competition mais aussi l'egoisme la peur....

"allons enfants de la patriiieu......"
 
Intéresant, comme analyse... C'est exactement ça : l'Occident a choisi de bannir les drogues en voulant sauver les enfants, et du coup on a refermé une porte, mais on en a ouvert une autre : celle de la clandestinité, du marché noir (parce que c'est quand même de ça qu'il s'agit), avec tous les dangers que ça comporte pour ceux qui se risquent quand même de l'autre côté. Manque d'informations, usage récréatif basé sur une exploration dangereuse car non jalonnée, comme le disait Personne... On se prive de la créativité et de la clairvoyance que les hallucinogènes peuvent apporter, tout en sachant que le traffic ne serait pas endigué pour autant. C'était la solution logique pour voir disparaître tout ça, du moins aux yeux de ceux qui sont en dehors du truc. Mais on récolte le pire... Mission accomplie.
 
Wow, j'adore. C'est percutant et tellement réel. Bravo :wink:
 
Je suis bien content que mon message ait donné lieu a quelques réactions, j'avais peur qu'il parraisse monolitique et monologique, genre "le gars qui gerbe son truc, qui parle tout seul sans attendre de réponse, qui fait un blog du forum".


Donc voila, ce que je soulignais c'était deux choses, la première, c'est qu'on peut "réduire" la consommation au culturel et que cette perspective est assez peu exploitée en général (en Europe, on préfère la psychologie, c'est plus individualiste "c'est ta faute si t'en es là, voila !")

la deuxième, vous l'avez remarqué, I love Foucault et De Certeau, je tourne autour de "la façon dont la chose pose problème". Ce que Foucault appelait "la problématisation". Et là, elle ne pose pas problème ici, en Bolivie, dans les andes, juste a coté de l'Ile sacrée du Soleil.

J'aime bien vos réac.


Tion.

Sion ?
 
Foucault, attends, il a pas écrit un livre lié aux hallucinogènes ? Il me semble avoir vu ça sur les étagères de mon colloc, je l'ai pas lu mais ça avait l'air assez énorme...

Puisqu'on est dans un trip littérature, d'ailleurs, ton pseudo vient de l'Illiade ou de l'Odyssée, avec les cyclopes ? Elle m'a longtemps fait rire, cette phase. :wink:
 
Zoku a dit:
Foucault, attends, il a pas écrit un livre lié aux hallucinogènes ? Il me semble avoir vu ça sur les étagères de mon colloc, je l'ai pas lu mais ça avait l'air assez énorme...

Puisqu'on est dans un trip littérature, d'ailleurs, ton pseudo vient de l'Illiade ou de l'Odyssée, avec les cyclopes ? Elle m'a longtemps fait rire, cette phase. :wink:

Personne, c'est dans l'Odyssee (qui signifie "Ulysse") et c'est justement Ulysse qui se fait passer pour "Personne".

En parlant de ca, je viens de faire un tour en voilier, c'etait sympa - mais j'ai trouve le chemin du retour et il n'y a pas de sirenes en Bolivie. Demain, en principe, j'irai seul sur un chtit voiliier sur l'Ile du Soleil.


Retour a Foucault : j'ignore s'il a ecrit sur les hallucinogenes, ca m'etonnerais un peu parce qu'il a plutot une perspective historique qu'ethnologique, en general, et je doute qu'en Europe, les hallu aient poses problemes vraiment differement meme dans le passe.

(desole pour les accents, c'est ce clavier boliviano)

Foucault est fan de la problematisation, de "la maniere dont les choses posent problemes", il a surtout etudie la psychiatrie et la naissance de la clinique (et l'histoire de la folie) et les prisons, et bien sur la sexualite (gay qu'il fut)
 
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