Voila ce que j'ai tapoté, depuis La Paz. folie, folie ... je m'aime.
En pays européens, la démarche hallucinée est incomprise, on n'en comprend pas les signes, elle se dessine en marge de la société qui a voulu se quadriller comme une feuille selon les lignes de la raison. Les pas et les tribulations du "voyageur" sont des signes étranges et étrangers, il « ne font pas sens ». A l’instar de la démarche titubante de l’homme ivre, on l’accuse. Celui qui consomme, en Europe, va dans un « ailleurs » insignifiant et il demeure sans jalons, perdu, sans savoir ni ce que son itinéraire veut dire, ni s'il va revenir. Tout ce qu’on retient de cet « ailleurs » c’est qu’il s’offre comme une alternative à l’existence, comme un moyen dissociatif, un dérivatif. C’est « à la dérive » que l’on va, lorsqu’on veut fuir la dure réalité qui se présente.
En Bolivie, en revanche, cet « ailleurs » transcendant est compris dans une optique religieuse. Alors que l’européen parlait du « cactus hallucinogène », l’indien parle du « cactus sacré des chamans ». Cet « ailleurs » auquel le voyageur se donne est un lieu sacré : il s’agit du monde des esprits, des créatures surnaturelles et des déités. C’est avec de telles êtres que l’on communie en état de « flip » - le cactus sacré des chamans ouvre les portes de cet en-deçà.
Le voyage, le "trip" est suivi, jalonné, encadré, accompagné et il s'inscrit dans une démarche initiatique et religieuse. Ce n’est donc pas en marge de la société qu’il s’inscrit. Au contraire, il trouve sa place et son sens dans le système social en tant que moyen cohésif et structurant, il figure un « baptême » et marque le passage à l’âge « adulte ». A ce propos, l’ethnologue Michel Perrin disait « chez les indiens la drogue structure, chez nous elle détruit ».
Comme le « trip » est signifiant, chaque pas acquiert une signification particulière, il est chargé de sens, il est parlant : un pas dans le désert, c'est une lettre sur une feuille blanche. La société indienne dispose même d'un vocabulaire et d'un certain nombre de signes pour traduire le périple, là ou pourtant les mots n'ont plus cours[...] Bref, l'usage du cactus est codifié.
Il y a, comme disait Michel de Certeau "une énonciation piétonnière" : le marcheur s'inscrit dans l'existence, sa démarche a du sens, il "énonce" quelque chose, son itinéraire est parlant, il occupe significativement l'espace comme on occupe une feuille blanche. Mais cet espace qu'il occupe est un ailleurs transcendant et signifiant, il s'agit d'un autre monde, celui des créatures merveilleuses et des forces naturelles personnifiées (les Pülasü). Si une telle mythologie se présente à l’indien, une autre se présente à l’européen. C’est la raison pour laquelle Michel Perrin soulignait le côté profondément culturel du voyage. Peut-être la psychologie et la chimie se disputent-elles au culturel, en tous les cas, il est important de ne pas laisser la culture de côté. Le sort du voyageur ne relève pas de sa seule psychologie ou de sa seule constitution singulière.
En pays européens, la démarche hallucinée est incomprise, on n'en comprend pas les signes, elle se dessine en marge de la société qui a voulu se quadriller comme une feuille selon les lignes de la raison. Les pas et les tribulations du "voyageur" sont des signes étranges et étrangers, il « ne font pas sens ». A l’instar de la démarche titubante de l’homme ivre, on l’accuse. Celui qui consomme, en Europe, va dans un « ailleurs » insignifiant et il demeure sans jalons, perdu, sans savoir ni ce que son itinéraire veut dire, ni s'il va revenir. Tout ce qu’on retient de cet « ailleurs » c’est qu’il s’offre comme une alternative à l’existence, comme un moyen dissociatif, un dérivatif. C’est « à la dérive » que l’on va, lorsqu’on veut fuir la dure réalité qui se présente.
En Bolivie, en revanche, cet « ailleurs » transcendant est compris dans une optique religieuse. Alors que l’européen parlait du « cactus hallucinogène », l’indien parle du « cactus sacré des chamans ». Cet « ailleurs » auquel le voyageur se donne est un lieu sacré : il s’agit du monde des esprits, des créatures surnaturelles et des déités. C’est avec de telles êtres que l’on communie en état de « flip » - le cactus sacré des chamans ouvre les portes de cet en-deçà.
Le voyage, le "trip" est suivi, jalonné, encadré, accompagné et il s'inscrit dans une démarche initiatique et religieuse. Ce n’est donc pas en marge de la société qu’il s’inscrit. Au contraire, il trouve sa place et son sens dans le système social en tant que moyen cohésif et structurant, il figure un « baptême » et marque le passage à l’âge « adulte ». A ce propos, l’ethnologue Michel Perrin disait « chez les indiens la drogue structure, chez nous elle détruit ».
Comme le « trip » est signifiant, chaque pas acquiert une signification particulière, il est chargé de sens, il est parlant : un pas dans le désert, c'est une lettre sur une feuille blanche. La société indienne dispose même d'un vocabulaire et d'un certain nombre de signes pour traduire le périple, là ou pourtant les mots n'ont plus cours[...] Bref, l'usage du cactus est codifié.
Il y a, comme disait Michel de Certeau "une énonciation piétonnière" : le marcheur s'inscrit dans l'existence, sa démarche a du sens, il "énonce" quelque chose, son itinéraire est parlant, il occupe significativement l'espace comme on occupe une feuille blanche. Mais cet espace qu'il occupe est un ailleurs transcendant et signifiant, il s'agit d'un autre monde, celui des créatures merveilleuses et des forces naturelles personnifiées (les Pülasü). Si une telle mythologie se présente à l’indien, une autre se présente à l’européen. C’est la raison pour laquelle Michel Perrin soulignait le côté profondément culturel du voyage. Peut-être la psychologie et la chimie se disputent-elles au culturel, en tous les cas, il est important de ne pas laisser la culture de côté. Le sort du voyageur ne relève pas de sa seule psychologie ou de sa seule constitution singulière.