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CADRES, RITES, TEMPORALITÉ ET ALIÉNATION
Cet article est une recomposition de paragraphes prélevés dans différents articles, dont les sources sont dans l'introduction.
L
a drogue assure le statut de remède se devant d’être constant, et d'assurer une forme d'aliénation (comme lorsque nos parents nous prenaient la tête, il faut retrouver une forme d'intrusion avec le produit, mais que l'on maitriserait soi-même, afin de croire que l'on serait enfin libre et qu'on aurait le contrôle sur les choses, sur soi). Le cadre que l'on se donne ou qui vient à nous est comme un lien essentiel, on en a besoin pour s'y retrouver en s'y identifiant. Avec la drogue ou ses objets d'addiction (jeux-vidéos, technologie), nous sommes engagés pour du long terme dans l’espoir d’obtenir une stabilisation de son équilibre psychique, de son monde interne (sa psyché) et externe (son environnement).
Chez l'apprenti psychonaut
Il y a pour le psychonaut à s’inventer un remède, souvent il se drogue dans une optique d'auto-médication, mais aussi de curiosité et de recherche de soi (de sensations nouvelles). Puisqu’on ne retrouve dans son discours ni quête initiale de défi à la loi, ni excitation transgressive ou perverse, le seul point commun apparent serait une forme de quête mystique à la recherche d’un Autre spirituel révélé par les effets hallucinatoires, cet Autre auprès de qui tenter d’inscrire une filiation, une nouvelle philosophie de l’existence avec ses commandements, ses codes, ses rythmes et ses rites (il est donc question d'idéalité sur fond de croyance). Cette philosophie peut être axée sur la réduction des risques, mais aussi bien sur le développement personnel que sur l'appartenance à une religion avec ses croyances propres (certains veulent mettre en exergue quelques entités extraterrestres et d'autres dénoncer les grands complots du monde).
RITES ET RITUELS - Importance du rituel, qui est aussi une étape indispensable de toute quête initiatique
Petit rappel sur l’aspect historique et culturel de l’usage de « substances », apparaissant tel un rite. Le Pharmakon s’est vu attribuer trois fonctions dans l’histoire : thérapeutique, religieuse et sociale. La notion de rite peut nous permettre de rapprocher les notions d’ « oscillation du sentiment du moi » et d’addiction, le rite apparaissant comme une « garantie » contre l’impondérable, permettant ainsi de maintenir une stabilité existentielle, de « maîtriser » l’incertitude. Le rite est un savoir qui perdure dans une transmission générationnelle de valeurs, censé protéger la collectivité d'elle-même. Désormais le religieux ne porte plus le monde, le social est brisé dans une compétitivité démente, et la thérapeutique fait l'objet de lobbying intense à tendance narcissique, entretenant toujours plus l'individualisme des citoyens malades de la modernité nihiliste et de ses violences.
Alors que reste t-il à l'individu livré à lui-même ? ---> L'addiction.
Aujourd'hui que l'adolescence se traine après la vingtaine, et que l'adulescence entretient cet état jusqu'au milieu de la trentaine, les repères identitaires sont brouillés, d'où la recherche de rite de passage obligé pour s'identifier à un stade nous définissant sur le plan identitaire. La dépendance et les prises de risque en vue de rechercher ses limites, un cadre, est ce passage à niveau qu'il faut surmonter pour advenir à soi-même, ou au contraire il s'agirait d'un état de régression permettant de stagner sans évoluer, ou alors d'errer à côté de soi en attendant que le temps passe et que la vie (ou la mort) nous rattrape. Les produits d’addiction ont chacun, à leur manière, une dimension « narcissisante » qui redonne confiance à l'usager, confiance certes temporaire. Cette dimension brève se retrouve dans l’étude neurobiologique des conduites addictives de par le concept de circuit de récompense.
TEMPORALITÉ ET ADDICTION
Postulons que le sujet addict ait besoin de sa dose « pour se faire » et exister telle une entité psychique et physique dans le temps et dans l’espace (comme tout un chacun en fait). La personne addict ne cesse d’interroger son rapport au temps, le besoin de jouissance immédiate et celui de satisfaction du désir sont au premier plan dans le vécu de l’individu. Ce rapport au temps pressant peut se trouver modifié pour de multiples raisons : l'attente anxiogène d'un avenir incertain, de menaces sporadiques, l’inadaptation et la révolte, le non conformisme, l’angoisse d’être, l’angoisse de la relation à l’autre, de la réalité temporo-spatiale, l’organisation intérieure problématique, l’intolérance à la frustration et l’ambivalence par rapport au changement. Tous ces facteurs font que l'addict a besoin d'un cadre pour s'y retrouver dans le temps de sa vie, pour s'appuyer sur des repères spatio-temporels structurant son développement personnel, son existence.
Les notions d’ennui, d’oubli du présent reviennent souvent dans l’étude des patients dépendants
« La-bàs, il y a un RYTHME ». Ce rapport au temps, pour reprendre les termes d’Husserl : « cette conscience intime du temps », permettrait à l’individu d’assigner un sens à son existence. La notion de temps serait donc une dimension du rapport à la vie qui s’apprend, s’apprivoise et se canalise. On retrouve là l'importance des notions de cadre et de rituel, qui dirige la vie de chacun en la ponctuant d'activités.
Les effets provoqués par les conduites addictives seraient ressentis comme des temps de parenthèses, permettant d’occulter les pressions du quotidien, et, d’effacer par l’oubli toute les craintes que peut avoir un individu. Il y aurait donc une disjonction momentanée avec la quotidienneté, la construction dans un nouvel espace-temps, d’une légitimité à faire, à dire ou à être, autrement que dans les temps structurels, normalisés et institués. Les moments de consommation apparaissent ainsi comme des marqueurs temporels pour soi, une réassurance de soi sur la scène de la quotidienneté. Chez le sujet addict, le temps est vécu selon une forme archaïque (ou primaire). C’est un temps de « l’inconscient », « présentifié », ou encore circulaire et perpétuel (je roule un joint, puis un autre, puis un autre, etc). Il y a une notion de répétition dans ses actes (principes de l'addiction comme vu précédemment).
Cette manière de « vivre le temps » est elle une quête narcissique ? Un désir mégalomaniaque de ralentir le temps, voire de le suspendre dans un absolu de plaisir idéalisé ?
Le problème adviendrait lorsque la temporalité joue un rôle trop important dans les pathologies addictives : quand le vide temporel (ennui) vient percuter le vide narcissique (estime de soi fragile), arrive le moment où le sujet addict doit « prendre sa dose » pour retrouver sa confiance, fuir sa déprime. Mais bien que le produit d’addiction ait un effet totalisant à cet instant « t » de l’absorption (on touche du doigt son absolu en plein rush dopaminergique), il est surtout « total » et « totalitaire », venant se substituer au sujet lui-même, lui confisquant ses idéaux pour ne laisser persister que l’état de jouissance, puis l’état de manque quand la descente se manifeste. L'impression d'absolue liberté hors du temps et de l'espace a laissé place à l'aliénante dépendance à son objet d'addiction.
ÉVITER L’ASSUJETTISSEMENT ET L’ALIÉNATION A L’AUTRE, ET A SOI
L’Addiction est un véritable montage dont la logique se situe du côté de la restitution et de la tentative de se dégager d’une aliénation (paradoxe à comprendre pour s'en dégager). Pour éviter l’assujettissement à l’Autre, pour fuir l’insupportable de la dépendance aliénante, pour tenter de se constituer comme sujet, l’individu addict utilise un objet (sans désir, sans parole) ou un acte, ce qui, paradoxalement, entraîne sa destitution de cette position de sujet, et le plonge dans une dépendance aux visages multiples (biologique, sociale, matérielle et psychique). La caractéristique de l’addiction est d’annuler ce que le fonctionnement psychique doit à l’Autre, l'addiction est tournée vers soi, pour soi, par soi, elle met à distance l'autre, ou l'instrumentalise par intérêt.
Pratique solitaire
La pratique solitaire de la conduite addictive évite la relation à l’autre par un effacement du moi et du surmoi comme de l’objet. C'est à dire qu'en se débarrassant de sa culpabilité et des interdits moraux vis à vis de son objet d'addiction, l'acte rend possible l’expérience de la position d’omnipotence dans l’indifférenciation qui est à l’origine du moi idéal (l'individu cherche à retrouver sa grandeur passée, sa toute puissance infantile). C'est la restitution d'un Soi-grandiose, quand l'individu s'estimait grand et fier (idéal d'enfant nostalgique de son passé, où il ne prenait pas en compte l'avis d'autrui (mode égocentrique +++ de l'enfance)). Mais alors pourquoi le rapport à l’autre est-il dangereux ? Le désir d’être aimé implique le refoulement ou le clivage de ce qui risquerait, en manifestant la différence par altérité, de faire rupture, de comporter la destruction de l’objet et de soi, de la haine, de la culpabilité ou une projection paranoïde. L'addict se replie alors sur lui-même pour ne dépendre de personne, être seul et tranquille dans sa dépendance. Il va pouvoir planer dans son idéal de lui-même, dans son absolu le temps du rush.
La dépendance affective
Elle est insupportable parce que la fusion des désirs et des pensées abolit la différence et n’a pas d’autre alternative acceptable que le vide et la détresse. Dans ces cas, la dépendance addictive a pour contexte une dépendance affective aliénante et inévitable, par incapacité non seulement d’être seul mais aussi de refuser, de dire non, de prendre la parole en son nom propre. L'addict n'est jamais seul, toujours en couple dans une relation de type fusionnelle et impersonnelle, où l'individu indifférencié compte moins que le couple qui prévaut dans l'absolu, encore une fois il est question de trouver un idéal, mais dans le couple ce coup-ci (pas en sa seule personne, de manière égoiste).
Se défaire de tout besoin, de toute attache (
L’addiction apparaît ainsi comme une transformation du fonctionnement psychique reposant sur le fantasme, l’investissement libidinal de l’objet qui monopolise son désir, et opère une réduction du désir au besoin, de l’autre à un instrument, de l’objet perdu à un objet matériel toujours remplaçable, du corps au somatique. L’addiction produit une désexualisation du corps qui se limite à l’intensité de quelques sensations laissant de côté l’expression des affects. Les sentiments et les émotions laissent place aux sensations. À l’érogénéité, l’addict substitue un système rythmé par la succession, qui se définit dans un schéma type : tension – produit ou situation (action spécifique) – réduction de tension – absence du produit ou de la situation – tension…etc.
Tout laisse penser que l’addiction protège tout autant de l’autre que de soi
C’est bien de l’emprise que l’objet peut exercer sur soi que l'addict se défie et qu’il tente de fuir dans l’addiction (autre dimension paradoxale quand on sait que l'objet d'addiction libère autant qu'il aliène). C’est bien encore son penchant pour la dépendance, sa difficulté à supporter l’emprise que l’autre pourrait exercer sur lui, qui hante le sujet et le pousse vers des objets subjectivement moins dangereux. La particularité de l’addiction, quelle que soit son vecteur (objet ou situation), est de fermer le psychisme à autre chose qu’à elle-même et de réduire les expériences subjectives à un ensemble de sensations, de besoins, ou de diminution de tension. Même si par ailleurs l'addiction produit de l'anxiété.
Aliénation et besoin de soumission pour ne pas avoir à se confronter à soi
L’addiction ne constitue qu’un élément de son existence. La difficulté réside souvent dans le fait que le sujet addict se présente, se définit lui-même, par cette identité d’emprunt : « je suis toxicomane… je suis alcoolique… », plus rarement « j’ai un trouble alcoolique… », affirmation aliénante dans la mesure où elle permet au sujet de se définir par une catégorie générale susceptible d’être admise sans discussion par le thérapeute : l’Être se définit par un Avoir supposé admis. Dire qu'on est un toxico permet dans un sens de noyer le poisson et de ne pas creuser plus loin que cette étiquette. Dire qu'on est un drogué apparait comme une fatalité, alors que dire qu'on a un problème avec la drogue laisse à penser qu'une solution est envisageable à ce problème.
VIS A VIS DES IDÉAUX ET DE LA SOCIÉTÉ - Sans valeurs fortes pour se soutenir, on est dépendant de son environnement, qu’on exploite sans limite en le faisant sien.
Cette angoisse, à laquelle la phobie ou la castration symbolique apportent une solution, trouve dans la drogue une forme particulière de résolution. L’addiction a donc partie liée avec l’échec de la castration symbolique laissant le sujet face à une angoisse qui ne peut être organisée par la dimension symbolique, notamment les idéaux. Pour qu’un idéal soit structurant, il doit s’ordonner autour d’un ordre symbolique qui donne des règles à suivre et précise des interdits de jouissance, des raisons d’espérer, de se révolter… Sans idéaux symboliques, l’angoisse comme la jouissance ne sont pas contenues, élaborées et représentées, et l'individu est régit par ses pulsions qu'il ne puisse les sublimer en les exprimant en dehors de lui, dans des actes édifiants et sains.
La marginalisation imaginaire des idéaux symboliques est une condition de l’addiction qui laisse entrevoir des conduites témoignant, non pas d’une transgression, mais d’un dépassement sans limite, de la mise à l’écart du langage qui implique le sujet dans le sens et les conséquences de son dire, d’un rapport à l’autre dans lequel toute différence est inacceptable (prévalence de la relation imaginaire), du rejet de la responsabilité du côté des objets matériel et de leurs effets (c'est la faute du produit mais pas de l'usager qui se l'est administré n'importe comment), de l’engagement du corps à tous les niveaux…(mise en situation et mise en scène du corps quand on prépare et coule sa douille, qu'on chauffe la cuillère et se plante une aiguille dans le bras, qu'on met la paille dans son nez en baissant la tête, qu'on fait une fellation en regardant droit dans les yeux son partenaire, ou qu'on se tient en position de levrette comme vu dans un porno, alors on correspond à une image que l'on a en soi et que l'on cherche à incarner).
Ces multiples objets extérieurs de l’addiction, véritables prolongements du corps (exemple des téléphones portables et la technologie associée), interrogent, outre la question de la jouissance illimitée et immédiate, le fonctionnement de la société qui suscite de manière générale une quête effrénée d’objets dans une promesse d’accès au bonheur en consommant.
L’addiction, en tant que souffrance, d'excès, est une des voies suscitées par la société libérale qui constitue une économie libidinale visant à capter la libido des individus (leur désir) afin d’attirer leur investissement sur des objets de la consommation génératrice de profits (" Je consomme donc je suis "). Ce type d’exploitation de l’économie libidinale (voir « Capitalisme pulsionnel » de Stiegler) est une caractéristique fondamentale de notre société post-moderne, dans laquelle la consommation se manifeste comme revendication d’identité tant au niveau individuel qu’au niveau social. Le « nouveau malaise dans la civilisation » auquel répondent certaines pathologies actuelles, et plus particulièrement l’addiction, se caractérise par une valorisation de cette économie qui détruit le désir, en tant qu’il réduit l’objet du désir à un objet accessible – et du même coup le détruit puisque le propre de cet objet est d’être infini. L'idéal est atteignable dans une désillusion totale (sur-consommation jusqu'à la défonce ultime), une destruction nihiliste des valeurs et de l'espoir d'être heureux (une fois le rush passé, il ne reste plus que la déception d'un triste retour à la réalité).
Dépendance à l’environnement, dépendance à des attentes extérieures au lieu de trouver la solution en soi (manque de subjectivation, de dialogue intérieur).
La quête d’un objet idéal témoigne toujours de cette vulnérabilité à la dépendance de la réponse des objets externes, marquée par l’insatisfaction et l’intolérable sentiment d’incomplétude. L'individu attend qu'on lui donne la réponse au lieu de la chercher, il espère une réponse d'un tiers ou d'un objet technologique au lieu de se questionner et de réfléchir, alors qu'il a la réponse en lui. Cette dépendance est combattue inefficacement puisqu’elle ne trouve pas à s’élaborer psychiquement, elle met au contraire le sujet dans une situation paradoxale où l’appétence pour l’objet est le seul appui de sauvegarde narcissique, en même temps qu’il constitue une blessure pour l’idéal d’autonomie et d’indépendance (ici réside la pauvreté du dialogue intérieur de nos chers contemporains, les gens s'excitent, s'affolent, se divertissent, mais ne prennent plus le temps de penser, de réfléchir, ils vont chez le psy chercher des réponses aux questions qu'ils ne se posent même plus, le silence est devenu une angoisse insurmontable, un vide à combler par n'importe quel moyen ---> la technologie est là pour ça). Tous ces paradoxes résident du fait de la violence du nihilisme contemporain, de cette dénégation généralisée poussant à la déresponsabilisation, d'où des violences morales, symboliques et physiques en réponse à la décevante réalité.
PROBLÈMES EXISTENTIELS DE CEUX QUI VIVENT TROP
Dans d’autres cas, l’addiction n’intervient que sur le mode d’un recours ponctuel pour faire face à un trop-plein d’excitation ou à la douleur d’exister. La crise compulsive peut ainsi constituer un point d’ancrage libidinal, une défense contre un mouvement régressif mortifère désorganisateur et se mettre au service de l’associativité et de la remémoration en ouvrant l’accès aux fantasmes inconscients. On en revient au problème de symbolisation et de représentation (identitaire et existentiel), au manque de subjectivation et de reconnaissance de ses affects du aux effets de la dépersonnalisation, du clivage. L'addiction serait une passerelle vers une reconnexion avec soi, vers un retour au dialogue intérieur pour savoir ce qui nous satisferait vraiment dans ce tout déluge de possibilités et d'offres alléchantes et inutiles sur le marché.
De manière générale, les conduites addictives à un produit, à une situation, ou à un objet, constituent la voie la plus courte pour éteindre toute douleur psychique, et sont l’expression d’un défaut de symbolisation lié à une faillite traumatique de l’environnement premier. Cela se traduira par une dépendance à la réalité de l’objet externe, associée au recours à des modalités défensives primitives, de type incorporation, projection, clivage, idéalisation, omnipotence (mais aussi le règne des apparences à outrance et que l'on constate au quotidien). La honte, qui est un trait majeur de la problématique, peut être liée à la régression déshumanisante des abus, en réponse aux hontes passés (toujours ce besoin de revivre des angoisses du passé, de l'enfance, et d'y faire face en se donnant des apparences masquant cette honte latente et que personne ne doit voir, pas même sa propre personne).
Le vide corporel ressenti avec cette angoisse envahissante et douloureuse qui l’accompagne est le reflet du vide affectif où la sensation devient la seule expression possible de l’affect, au détriment de l'émotion amenant à éprouver des sentiments. Toute la difficulté fut celle d’accompagner un processus qui permette que le besoin de l’objet devienne tolérable et que la douleur de la séparation vécue comme un sentiment de perte de soi, puisse se transformer en un manque lié à une absence représentable, que l'individu puisse identifier pour travailler dessus. Ce qui n'est pas le cas puisque la surconsommation permanente masque cette absence pourtant avérée, dans cette fuite en avant, jamais ou trop peu l'individu se rend compte qu'il est aliéné à son ou ses objets d'addiction, d'autant plus lorsque ceux-ci sont admis dans les mœurs (alcool, jeux-vidéos, internet, téléphonie mobile, etc).
Problème à accepter la séparation
Il y a à prendre en compte une problématique de séparation de l’objet dont la perte est impossible en raison de sa fonction narcissique fondamentale. L'individu a besoin de l'objet de son addiction pour s'appuyer dessus, pour se supporter. C'est une problématique en impasse, empreinte des paradoxes d’une dépendance accomplie à travers une auto-suffisance et une maîtrise auto-régulée de la satisfaction du désir. D'un côté l'addiction est aliénante, et d'un autre côté elle libère de son aliénation. Ainsi l'individu peut se focaliser sur la partie du problème qui l’arrange, et ainsi ne pas se confronter à la perte de son objet, et faute d'étayage il reste dépendant de son environnement, de son ou ses objets d'addiction. Alors le cycle perdure, tragiquement, fatalement.
Fusionner avec l’objet idéal pour retrouver son absolu
C’est le tableau d’une pathologie de la transitionnalité qui nous est donné à voir, à travers la recherche permanente d’une fusion totale avec l’objet qui reste pris dans l’omnipotence et l’idéalité. Au lieu d’une représentation mentale interne d’un objet suffisamment bon, prend place un objet tout-puissant et persécuteur, totalisant et entravant tout processus de séparation. La drogue par exemple, est l'objet totalitaire qui dirige l'addict dans ses choix, dans ses motivations, dans sa vie qu'il ne peut vivre sans drogue.