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Intro
23h, j’ai envie de goûter la ké reçue dans la journée. J’ai cours le lendemain, aussi je prévois de me contenter d’une petite trace pour accompagner ma méditation nocturne. Je sors pas la balance (1ere erreur !) et dose ce que j’estime être 30mg. Le produit ne me semble pas de très bonne qualité, j’en rajoute un peu, au pire j’ai bien l’habitude des dissos ! C’est vrai que le tas a l’air un peu gros, mais flemme de le répartir en trace pour me faire une idée du dosage. Hop 2eme erreur, excès de confiance, je me fais avoir par ma compulsion comme un bleu.
Je pars aussitôt m’asseoir en demi-lotus sur mon lit, et lance un album de chants grégoriens. J’entame le travail de respiration et fais le vide avec facilité, un peu trop même. C’est que ça monte déjà ! Je comprends que ça va pousser fort, bien plus que désiré, alors que je suis pas du tout dans l’état d’esprit pour me taper un k-hole. Bon ben tant pis, je peux pas faire marche arrière, je me stabilise dans ma méditation tant bien que mal.
[video=youtube]
Trip
J’observe. Le produit s’empare de moi avec fulgurance, un fourmillement parcourt ma peau puis les sensations s’évanouissent progressivement, en partant des extrémités. Les chants sacrés résonnent et m’enveloppent de toutes part, le crâne comme une cathédrale et l’esprit comme un point minuscule situé en son centre. Le flux audio se déforme, présentant une sorte de « grain » comme un vieux vinyle, sans le côté relaxant : ça gratte ! Ma proprioception fait n’importe quoi, la moitié gauche de mon corps passe à droite et vice-versa, puis je ne sens quasiment plus rien, la tête comme flottant dans le vide, alors que ma perception de la température n’est pas affectée : il fait plutôt froid, dans une zone esquissant grosso modo la forme de mon corps, mais sans support physique auquel rattacher la sensation.
Côté méta-cognitif, ça devient le bordel aussi, ma concentration décroche de plus en plus et mon esprit semble grimper, prendre de l’altitude et se coller au plafond de ma boîte crânienne. Les pensées fusent à grande vitesse, s’entrecroisent et tissent une trame de visions changeantes, un clivage s’opère et me voilà sujet à une projection psychotique légère : mes différentes instances émotionnelles s’externalisent en partie dans mes hallucinations.
D’un point de vue subjectif, c’est plutôt intense. Mes pensées vont trop vite, j’ai quitté l’état méditatif et ma culpabilité de n’avoir pas respecté le produit (et donc moi-même par voie de fait) s’incarne avec beaucoup de cynisme. Ce qui a commencé dans une volonté hédoniste de voyage et de vague exercice spirituel prend une tournure moqueuse. Le flux des pensées m’amène vers l’Inde et ses pratiques religieuses, mon esprit semble s’étirer jusqu’à ces terres lointaines, je suis traversé d’images-idées aux analogies sans fins et j’aperçois Shakyamuni, le bouddha historique, qui se met à rire. L’obscurité devient omniprésente et une autre figure spirituelle émerge, celle de Ma Ananda Mayi, qui se met à rire de concert. Ma conscience narrative, avec ma voix personnelle, fait le commentaire du scénario fantasmatique entrain de se dérouler sous mes yeux. En substance : il faut vraiment être un abruti de toubab naïf qui se ment sur sa conso pour croire accéder à la moindre hauteur spirituelle avec de telles méthodes ! Et les deux figures immortelles et glacées qui se mettent à rire de plus belle, d’un rire où tinte la folie. Je me sens minuscule et écrasé.
Le flux analogique de mes pensées s’écoule toujours, et les chants grégoriens me ramènent en occident avec brutalité. La confusion devient très intense, des images de sable et de poussière dans une grande clarté accompagnent les rires des immortels qui retentissent toujours en écho, et je suis soudain à genou, nu, l’on me traîne au centre d’une arène alors que je suffoque dans l’air du désert. Des voix brutales me signifient que je ne connais rien des mystères du sacré, qu’il me faut prouver que je suis capable d’un dépouillement absolu. Les hommes qui me traînent sous les rires de la foule ont des épées au côté, je comprends que je vais me faire décapiter, là, et que c’est moi qui ai demandé ce sacrifice ! Je panique en prenant toute la mesure symbolique de ce qui se produit, reconnaît que je ne suis absolument pas prêt à ça et m’arc-boute mentalement contre la vision. Mes doigts trouvent d’eux-même le bouton pause de la musique alors que je m’envoie un « ben oui banane, t’écoutes de la musique à la gloire d’un type mort crucifié, et tu t’attendais à un trip rigolo ? »
Hé mais ! C’est mon second degré ça ! Je suis encore capable de penser ! Un poil soulagé, je fais l’effort de respirer calmement et de m’allonger. En pilote automatique, je parviens à relancer un album sur mon portable (More des Pink Floyd) en reconnaissant vaguement les couleurs de la pochette, et au prix d’un gros effort j’aperçois l’heure : il est 23h24, je suis même pas au pic !
[video=youtube]
Et en effet, je suis complètement perché, l’adrénaline des fantasmes précédents m’empêche de retourner dans des visions et m’amène à cogiter à toute vitesse. Je perds le fil, mes sensations n’ont plus aucun lien entre elles et mon cerveau vient combler les vides en inventant des significations absurdes pendant que mon ego s’évapore. Le hole semble être assez court puisque je réémerge sur les paroles du même morceau, reconnectant les fils de mon identité progressivement, mais coincé dans une posture émotionnelle névrotique. Je vous épargne les détails de ma psychologie, ce qui est intéressant ici c’est la possession par un complexe psychique : toutes mes émotions et pensées se retrouvent interprétées sous le prisme déformant de l’affect refoulé. La dissociation vient amplifier ce phénomène, en m’empêchant initialement de rattacher mon vécu à d’autres parties de moi. Je reste bloqué dans cet état négatif quelques minutes (identification avec l’ombre dirait un jungien), puis à force de cogitations intenses un glissement s’effectue et je me libère de la boucle.
Je passerai les 20 prochaines minutes embarqué dans une auto-analyse intensive, analyse d’abord entravée par la dissociation car je m’identifiais totalement à des états affectifs distincts, sans capacité de recul ; cette dissociation a ensuite facilité le travail, parce qu’à force de circonvolutions, les états affectifs visités étaient projetés hors de moi – visuellement cela se transcrivait par des personnages occupant la pièce, ou des petites lucarnes de couleur allant rejoindre le plafond – et j’ai commencé à prendre du recul sur mon théâtre intérieur, en même temps que je prenais du recul sur les effets de la ké. Un soulagement certain est apparu quand j’ai eu l’impression de concilier les contraires : à force de boucler j’ai fini par trouver le centre, et toutes ces figures et pièces de couleurs se sont peu à peu superposées et confondues – le gros du trip était fini, et c’était pas trop tôt, j’avais le sentiment d’y avoir passé des heures.
Conclusion
Le produit a mis encore 45min à redescendre, et j’ai passé 2 ou 3h sans pouvoir trouver le sommeil, le cerveau tournant à pleine balle suite à l’intense excitation du voyage. Le pire c’est qu’à force d’être en mode économie d’énergie au quotidien, j’ai trouvé une certaine satisfaction masochiste dans ce coups de stress psychique, via la satisfaction de me reconnecter à mon intellect (comme la scarification amène à se reconnecter à ses sensations).
Le lendemain, je tirais un peu la gueule en cours, entre les 4h de sommeil et le besoin de me laisser intégrer mes émotions. J’aurais été vraiment à fleur de peau sans l’afterglow caractéristique de la ké, mais c’était loin d’être une journée agréable mouarf.
Bref, la prochaine fois que je veux méditer et profiter du potentiel antidépresseur de madame kétamine une veille de cours, je donne mon pochon à mon coloc et je vais dormir sobre comme d’habitude, ça vaudra mieux ! Déjà que j'ai pas fait l'effort du test d'allergie, mais en plus goûter un batch que je connais pas en eyeballant les dosages, voilà de la grande psychonautique :angel:
23h, j’ai envie de goûter la ké reçue dans la journée. J’ai cours le lendemain, aussi je prévois de me contenter d’une petite trace pour accompagner ma méditation nocturne. Je sors pas la balance (1ere erreur !) et dose ce que j’estime être 30mg. Le produit ne me semble pas de très bonne qualité, j’en rajoute un peu, au pire j’ai bien l’habitude des dissos ! C’est vrai que le tas a l’air un peu gros, mais flemme de le répartir en trace pour me faire une idée du dosage. Hop 2eme erreur, excès de confiance, je me fais avoir par ma compulsion comme un bleu.
Je pars aussitôt m’asseoir en demi-lotus sur mon lit, et lance un album de chants grégoriens. J’entame le travail de respiration et fais le vide avec facilité, un peu trop même. C’est que ça monte déjà ! Je comprends que ça va pousser fort, bien plus que désiré, alors que je suis pas du tout dans l’état d’esprit pour me taper un k-hole. Bon ben tant pis, je peux pas faire marche arrière, je me stabilise dans ma méditation tant bien que mal.
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Trip
J’observe. Le produit s’empare de moi avec fulgurance, un fourmillement parcourt ma peau puis les sensations s’évanouissent progressivement, en partant des extrémités. Les chants sacrés résonnent et m’enveloppent de toutes part, le crâne comme une cathédrale et l’esprit comme un point minuscule situé en son centre. Le flux audio se déforme, présentant une sorte de « grain » comme un vieux vinyle, sans le côté relaxant : ça gratte ! Ma proprioception fait n’importe quoi, la moitié gauche de mon corps passe à droite et vice-versa, puis je ne sens quasiment plus rien, la tête comme flottant dans le vide, alors que ma perception de la température n’est pas affectée : il fait plutôt froid, dans une zone esquissant grosso modo la forme de mon corps, mais sans support physique auquel rattacher la sensation.
Côté méta-cognitif, ça devient le bordel aussi, ma concentration décroche de plus en plus et mon esprit semble grimper, prendre de l’altitude et se coller au plafond de ma boîte crânienne. Les pensées fusent à grande vitesse, s’entrecroisent et tissent une trame de visions changeantes, un clivage s’opère et me voilà sujet à une projection psychotique légère : mes différentes instances émotionnelles s’externalisent en partie dans mes hallucinations.
D’un point de vue subjectif, c’est plutôt intense. Mes pensées vont trop vite, j’ai quitté l’état méditatif et ma culpabilité de n’avoir pas respecté le produit (et donc moi-même par voie de fait) s’incarne avec beaucoup de cynisme. Ce qui a commencé dans une volonté hédoniste de voyage et de vague exercice spirituel prend une tournure moqueuse. Le flux des pensées m’amène vers l’Inde et ses pratiques religieuses, mon esprit semble s’étirer jusqu’à ces terres lointaines, je suis traversé d’images-idées aux analogies sans fins et j’aperçois Shakyamuni, le bouddha historique, qui se met à rire. L’obscurité devient omniprésente et une autre figure spirituelle émerge, celle de Ma Ananda Mayi, qui se met à rire de concert. Ma conscience narrative, avec ma voix personnelle, fait le commentaire du scénario fantasmatique entrain de se dérouler sous mes yeux. En substance : il faut vraiment être un abruti de toubab naïf qui se ment sur sa conso pour croire accéder à la moindre hauteur spirituelle avec de telles méthodes ! Et les deux figures immortelles et glacées qui se mettent à rire de plus belle, d’un rire où tinte la folie. Je me sens minuscule et écrasé.
Le flux analogique de mes pensées s’écoule toujours, et les chants grégoriens me ramènent en occident avec brutalité. La confusion devient très intense, des images de sable et de poussière dans une grande clarté accompagnent les rires des immortels qui retentissent toujours en écho, et je suis soudain à genou, nu, l’on me traîne au centre d’une arène alors que je suffoque dans l’air du désert. Des voix brutales me signifient que je ne connais rien des mystères du sacré, qu’il me faut prouver que je suis capable d’un dépouillement absolu. Les hommes qui me traînent sous les rires de la foule ont des épées au côté, je comprends que je vais me faire décapiter, là, et que c’est moi qui ai demandé ce sacrifice ! Je panique en prenant toute la mesure symbolique de ce qui se produit, reconnaît que je ne suis absolument pas prêt à ça et m’arc-boute mentalement contre la vision. Mes doigts trouvent d’eux-même le bouton pause de la musique alors que je m’envoie un « ben oui banane, t’écoutes de la musique à la gloire d’un type mort crucifié, et tu t’attendais à un trip rigolo ? »
Hé mais ! C’est mon second degré ça ! Je suis encore capable de penser ! Un poil soulagé, je fais l’effort de respirer calmement et de m’allonger. En pilote automatique, je parviens à relancer un album sur mon portable (More des Pink Floyd) en reconnaissant vaguement les couleurs de la pochette, et au prix d’un gros effort j’aperçois l’heure : il est 23h24, je suis même pas au pic !
[video=youtube]
Et en effet, je suis complètement perché, l’adrénaline des fantasmes précédents m’empêche de retourner dans des visions et m’amène à cogiter à toute vitesse. Je perds le fil, mes sensations n’ont plus aucun lien entre elles et mon cerveau vient combler les vides en inventant des significations absurdes pendant que mon ego s’évapore. Le hole semble être assez court puisque je réémerge sur les paroles du même morceau, reconnectant les fils de mon identité progressivement, mais coincé dans une posture émotionnelle névrotique. Je vous épargne les détails de ma psychologie, ce qui est intéressant ici c’est la possession par un complexe psychique : toutes mes émotions et pensées se retrouvent interprétées sous le prisme déformant de l’affect refoulé. La dissociation vient amplifier ce phénomène, en m’empêchant initialement de rattacher mon vécu à d’autres parties de moi. Je reste bloqué dans cet état négatif quelques minutes (identification avec l’ombre dirait un jungien), puis à force de cogitations intenses un glissement s’effectue et je me libère de la boucle.
Je passerai les 20 prochaines minutes embarqué dans une auto-analyse intensive, analyse d’abord entravée par la dissociation car je m’identifiais totalement à des états affectifs distincts, sans capacité de recul ; cette dissociation a ensuite facilité le travail, parce qu’à force de circonvolutions, les états affectifs visités étaient projetés hors de moi – visuellement cela se transcrivait par des personnages occupant la pièce, ou des petites lucarnes de couleur allant rejoindre le plafond – et j’ai commencé à prendre du recul sur mon théâtre intérieur, en même temps que je prenais du recul sur les effets de la ké. Un soulagement certain est apparu quand j’ai eu l’impression de concilier les contraires : à force de boucler j’ai fini par trouver le centre, et toutes ces figures et pièces de couleurs se sont peu à peu superposées et confondues – le gros du trip était fini, et c’était pas trop tôt, j’avais le sentiment d’y avoir passé des heures.
Conclusion
Le produit a mis encore 45min à redescendre, et j’ai passé 2 ou 3h sans pouvoir trouver le sommeil, le cerveau tournant à pleine balle suite à l’intense excitation du voyage. Le pire c’est qu’à force d’être en mode économie d’énergie au quotidien, j’ai trouvé une certaine satisfaction masochiste dans ce coups de stress psychique, via la satisfaction de me reconnecter à mon intellect (comme la scarification amène à se reconnecter à ses sensations).
Le lendemain, je tirais un peu la gueule en cours, entre les 4h de sommeil et le besoin de me laisser intégrer mes émotions. J’aurais été vraiment à fleur de peau sans l’afterglow caractéristique de la ké, mais c’était loin d’être une journée agréable mouarf.
Bref, la prochaine fois que je veux méditer et profiter du potentiel antidépresseur de madame kétamine une veille de cours, je donne mon pochon à mon coloc et je vais dormir sobre comme d’habitude, ça vaudra mieux ! Déjà que j'ai pas fait l'effort du test d'allergie, mais en plus goûter un batch que je connais pas en eyeballant les dosages, voilà de la grande psychonautique :angel: