L'huitrerampante
Glandeuse Pinéale
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Bonjour à tous, je ne sais pas du tout si c'est adapté de poster ça ici, mais je suis entrain de lire les mémoires d'Henry de Monfreid, un explorateur et navigateur français qui à mené une vie aussi trépidante qu'incroyable.
Au cours de sa vie, il a notamment fait la contrebande du hachich, de la Grèce vers l'Égypte, puis de L'inde vers l'Égypte.
Peu après son arrivée à Bombay - nous sommes en 1921 - il décrit une expérience qu'il a eu avec le hachich dans la cabine de son bateau, je me suis dit que ça pourrait en intéresser certain ici de la lire.
'' J'ai bien failli mourir cette nuit, ou plutôt j'ai eu l'impression très nette de m'en aller dans l'autre monde.
J'avais reçu un petit échantillon de hachich, de la qualité vendue par le gouvernement. Pour me rendre compte de sa valeur, j'en avais mâchonné une parcelle de la grosseur d'un grain de maïs, pensant qu'une dose aussi faible ne pouvait avoir aucun inconvénient sérieux. Le hachich de Grèce ne produit quelque effet qu'à la dose de plusieurs grammes.
J'avais avalé cette matière après mon dîner et je m'endormis comme de coutume.
Dans la nuit, probablement vers les deux ou trois heures du matin, je voulus me lever. Alors j'eus la sensation étrange que ma cabine était complètement déformée. J'étais incapable d'apprécier les distances, et tous les objets semblaient accumulés devant mes yeux comme ils doivent le paraître à un aveugle auquel la vue est brusquement rendue. J'étais désadapté, j'avais oublié, je ne savais plus me servir des impressions visuelles pour évaluer les relations de l'espace.
Je m'empressai de m'étendre sur mon lit et de fermer les yeux, tant cette impression était vertigineuse.
Alors j'eus la sensation très nette, absolument matérielle, que mes os n'existaient plus et que mon corps formait un amas amorphe. Je notais tout cela avec une incroyable lucidité. Puis je me vis entouré de sphères brillantes striées de dessins géométriques changeant sans cesse de couleur et de forme, comme les images d'un kaléidoscope.
Je sentis ma raison perdre pied, mais, par un effort de volonté, une partie de mes facultés cérébrales s'établirent en spectatrices des perturbations de toutes les autres.
Mon corps maintenant était entièrement paralysé, et une sensation de froid me prit aux extrémités, gagnant peu à peu vers l'abdomen et la poitrine. La salive devint visqueuse, la langue inerte. C'est alors que j'eus le sentiment très net de la mort. Cependant ma raison veillait toujours. Je percevais tous les bruits.
Youssouf entra dans ma cabine. Il fut frappé de mon aspect cadavéreux et se pencha sur moi affolé, me croyant mort, il me toucha, mit la main sur mon cœur pour voir si il battait encore.
Au moment ou il s'approcha de ma figure, je pus faire un mouvement des lèvres auquel il compris le mot "boun" (café). Il revint peu après et parvint à m'en faire boire quelques gorgées. Aussitôt, une crise de nausées se déclencha et, dans des efforts pour rendre, j'expulsais la boulette de hachich avalée la veille.
Je m'explique ce phénomène par une défense de l'estomac qui avait dû retenir cette matière nocive dans un repli.
A partir de ce moment là, je repris très vite l'usage de mes sens. La chaleur revint, puis le mouvement.
Je pris encore du café en grande quantité et, à dix heures du matin, tous les symptômes étaient disparus.
Ce qu'il y a de plus extraordinaire, c'est que je n'éprouvais plus aucun malaise et je me sentais aussi dispos qu'après un paisible sommeil.
Cette expérience me renseigna sur la force du hachich de l'Inde, qui est à peu près dix fois plus toxique que celui de Grèce. Cependant, cette matière n'est pas un poison mortel, qu'elle qu'en soit la dose. Les troubles sont surtout d'ordre psychique, c'est pourquoi ils donnent une impression aussi tragique.
La mort véritable doit être beaucoup moins impressionnante, car la conscience doit partir la première. ''
Henry de Monfreid - La poursuite du Kaïpan - éditions Grasset.
Au cours de sa vie, il a notamment fait la contrebande du hachich, de la Grèce vers l'Égypte, puis de L'inde vers l'Égypte.
Peu après son arrivée à Bombay - nous sommes en 1921 - il décrit une expérience qu'il a eu avec le hachich dans la cabine de son bateau, je me suis dit que ça pourrait en intéresser certain ici de la lire.
'' J'ai bien failli mourir cette nuit, ou plutôt j'ai eu l'impression très nette de m'en aller dans l'autre monde.
J'avais reçu un petit échantillon de hachich, de la qualité vendue par le gouvernement. Pour me rendre compte de sa valeur, j'en avais mâchonné une parcelle de la grosseur d'un grain de maïs, pensant qu'une dose aussi faible ne pouvait avoir aucun inconvénient sérieux. Le hachich de Grèce ne produit quelque effet qu'à la dose de plusieurs grammes.
J'avais avalé cette matière après mon dîner et je m'endormis comme de coutume.
Dans la nuit, probablement vers les deux ou trois heures du matin, je voulus me lever. Alors j'eus la sensation étrange que ma cabine était complètement déformée. J'étais incapable d'apprécier les distances, et tous les objets semblaient accumulés devant mes yeux comme ils doivent le paraître à un aveugle auquel la vue est brusquement rendue. J'étais désadapté, j'avais oublié, je ne savais plus me servir des impressions visuelles pour évaluer les relations de l'espace.
Je m'empressai de m'étendre sur mon lit et de fermer les yeux, tant cette impression était vertigineuse.
Alors j'eus la sensation très nette, absolument matérielle, que mes os n'existaient plus et que mon corps formait un amas amorphe. Je notais tout cela avec une incroyable lucidité. Puis je me vis entouré de sphères brillantes striées de dessins géométriques changeant sans cesse de couleur et de forme, comme les images d'un kaléidoscope.
Je sentis ma raison perdre pied, mais, par un effort de volonté, une partie de mes facultés cérébrales s'établirent en spectatrices des perturbations de toutes les autres.
Mon corps maintenant était entièrement paralysé, et une sensation de froid me prit aux extrémités, gagnant peu à peu vers l'abdomen et la poitrine. La salive devint visqueuse, la langue inerte. C'est alors que j'eus le sentiment très net de la mort. Cependant ma raison veillait toujours. Je percevais tous les bruits.
Youssouf entra dans ma cabine. Il fut frappé de mon aspect cadavéreux et se pencha sur moi affolé, me croyant mort, il me toucha, mit la main sur mon cœur pour voir si il battait encore.
Au moment ou il s'approcha de ma figure, je pus faire un mouvement des lèvres auquel il compris le mot "boun" (café). Il revint peu après et parvint à m'en faire boire quelques gorgées. Aussitôt, une crise de nausées se déclencha et, dans des efforts pour rendre, j'expulsais la boulette de hachich avalée la veille.
Je m'explique ce phénomène par une défense de l'estomac qui avait dû retenir cette matière nocive dans un repli.
A partir de ce moment là, je repris très vite l'usage de mes sens. La chaleur revint, puis le mouvement.
Je pris encore du café en grande quantité et, à dix heures du matin, tous les symptômes étaient disparus.
Ce qu'il y a de plus extraordinaire, c'est que je n'éprouvais plus aucun malaise et je me sentais aussi dispos qu'après un paisible sommeil.
Cette expérience me renseigna sur la force du hachich de l'Inde, qui est à peu près dix fois plus toxique que celui de Grèce. Cependant, cette matière n'est pas un poison mortel, qu'elle qu'en soit la dose. Les troubles sont surtout d'ordre psychique, c'est pourquoi ils donnent une impression aussi tragique.
La mort véritable doit être beaucoup moins impressionnante, car la conscience doit partir la première. ''
Henry de Monfreid - La poursuite du Kaïpan - éditions Grasset.