- Inscrit
- 6/5/15
- Messages
- 6 110
Petit guide pour tous les amateurs de prods qui ont envie de mieux comprendre ces appellations.
Les drogues psychoactives sont constituées de milliards de molécules organisées en cristaux. Pour être plus stables et faire de beaux cristaux, les drogues sont souvent associées à d’autres molécules (des acides) : on appelle le résultat un « sel organique ». Par exemple, la cocaïne chlorhydrate contient de la cocaïne sous forme de sel chlorhydrate, parce qu’on l’a associée à de l’acide chlorhydrique (HCL). Si on l’avait associée à de l’acide fumarique, ça aurait donné de la cocaïne fumarate, etc. On appelle « freebase » la drogue qui n’a pas été associée à un acide.
C’est le même produit, mais ses propriétés physiques sont un poil différentes. La drogue sous forme de sel organique pèse plus lourd que sa version freebase (poids du produit + poids de l’acide), donc sa pureté sera toujours moindre. Également, chaque sel est métabolisé différemment.
Conséquence : les dosages d’un même produit sont différents selon le sel utilisé. Aussi, les résultats d’analyse concernent par défaut la version freebase, donc il faut faire un calcul supplémentaire pour connaître la pureté du produit sous une certaine forme sel.
Pour comprendre, il faut aller voir ce qu'il se passe à l'intérieur d'une molécule, au niveau des atomes. On peut prendre l'exemple du sel de table. Le sel de table (NaCl) est un composé ionique : il a un atome de sodium Na+, et un atome de chlore Cl-.
L'intérêt c'est que le sodium pur est un gros bloc de métal qui ne cristallise pas et qui s'oxyde instantanément. Tandis qu'en rajoutant des ions chlorure, on peut former des gros cristaux stables qui se dissolvent bien.
On peut faire la même chose avec des molécules organiques telles que la plupart des drogues, ce qui nous donne des sels organiques.
En effet les composés amines (souvent présents dans les structures moléculaires des drogues, cf. "amphétamine") sont des composés basiques, auxquels on peut ajouter des ions H+ pour les charger positivement.
Et ça tombe bien ! Parce que les acides ont justement la capacité à se diviser en d'une part des atomes H+ (ions positifs), et d'autre part de l'acide que l'on appelle un contre-ion (ion négatif).
Donc on peut prendre n'importe quelle amine (>90% des drogues) et leur ajouter un acide pour former :
1) L'amine, chargée positivement (on l'appelle désormais : amine protonée)
2) Le contre-ion, chargé négativement (son nom finit en -ate, ex pour le HCl : acide -> acide chlorhydrique, contre-ion Cl- -> chlorhydrate)
La réaction ressemble à ça pour une amine et du HCl :
Bien entendu, on peut le faire avec n'importe quel acide. Du citrique pour faire du citrate, du fumarique pour faire du fumarate, du sulfurique pour faire du sulfate et même pourquoi pas de l'acide picrique pour faire du picrate si vous aimez les cristaux de produits explosifs (svp ne faites pas d'acide picrique à la maison).
En fait il y a plusieurs intérêts à former un sel à partir de freebase (version neutre de la molécule). Il n'y a pas de réponse universelle, mais généralement on retrouve des avantages et des inconvénients à le faire :
Avantages
C'est une question que je me suis longtemps posé. En réalité, la chimie et la pharmacologie des sels est un domaine complexe prenant en compte des dizaines de paramètres tels que la solubilité à différents pH, dans différents solvants, leurs propriétés mécaniques (compression pour faire des pilules, résistance à la chaleur), leur impact sur la biodisponibilité (qui peut passer du simple au double selon le sel choisi), le temps de libération du composé et donc son effet, etc...
Pour l'amphétamine par exemple, on utilise une grande variété de sels dans l'Adderall pour modifier la durée d'action et prolonger l'effet en douceur, tout en évitant que tout le produit soit relâché rapidement en produisant un rush.
Certains sels sont plus stables que d'autres aussi : l'amphétamine HCl est peu stable comparé à sa version sulfate car celle-ci permet de créer un réseau complexe entre les molécules d'amphétamine (en bleu) et de contre-ions sulfate (en rouge) :
Il s'agit donc d'une science assez complexe que je ne prendrai pas le temps de détailler ici par souci de clarté et d'accessibilité. J'espère néanmoins vous avoir donné une bonne idée de ce que sont les sels organiques et à quoi ils servent (et peut-être même éveiller chez vous une curiosité pour ces molécules oubliées des drogues).
Plus de sources et d'infos (EN)
- L'essentiel à savoir
- Plus précisément, c'est quoi un sel ?
- Ok, et le rapport avec les drogues ?
- D'acc, mais t'as toujours pas expliqué à quoi ça servait
- Avantages
- Inconvénients
- Mais pourquoi il y autant de sels alors ? On pourrait pas juste utiliser le HCl et voilà ?
1. L'essentiel à savoir
Les drogues psychoactives sont constituées de milliards de molécules organisées en cristaux. Pour être plus stables et faire de beaux cristaux, les drogues sont souvent associées à d’autres molécules (des acides) : on appelle le résultat un « sel organique ». Par exemple, la cocaïne chlorhydrate contient de la cocaïne sous forme de sel chlorhydrate, parce qu’on l’a associée à de l’acide chlorhydrique (HCL). Si on l’avait associée à de l’acide fumarique, ça aurait donné de la cocaïne fumarate, etc. On appelle « freebase » la drogue qui n’a pas été associée à un acide.
C’est le même produit, mais ses propriétés physiques sont un poil différentes. La drogue sous forme de sel organique pèse plus lourd que sa version freebase (poids du produit + poids de l’acide), donc sa pureté sera toujours moindre. Également, chaque sel est métabolisé différemment.
Conséquence : les dosages d’un même produit sont différents selon le sel utilisé. Aussi, les résultats d’analyse concernent par défaut la version freebase, donc il faut faire un calcul supplémentaire pour connaître la pureté du produit sous une certaine forme sel.
2. Plus précisément, c'est quoi un sel ?
Pour comprendre, il faut aller voir ce qu'il se passe à l'intérieur d'une molécule, au niveau des atomes. On peut prendre l'exemple du sel de table. Le sel de table (NaCl) est un composé ionique : il a un atome de sodium Na+, et un atome de chlore Cl-.
L'intérêt c'est que le sodium pur est un gros bloc de métal qui ne cristallise pas et qui s'oxyde instantanément. Tandis qu'en rajoutant des ions chlorure, on peut former des gros cristaux stables qui se dissolvent bien.
3. Ok, et le rapport avec les drogues ?
On peut faire la même chose avec des molécules organiques telles que la plupart des drogues, ce qui nous donne des sels organiques.
En effet les composés amines (souvent présents dans les structures moléculaires des drogues, cf. "amphétamine") sont des composés basiques, auxquels on peut ajouter des ions H+ pour les charger positivement.
Et ça tombe bien ! Parce que les acides ont justement la capacité à se diviser en d'une part des atomes H+ (ions positifs), et d'autre part de l'acide que l'on appelle un contre-ion (ion négatif).
Donc on peut prendre n'importe quelle amine (>90% des drogues) et leur ajouter un acide pour former :
1) L'amine, chargée positivement (on l'appelle désormais : amine protonée)
2) Le contre-ion, chargé négativement (son nom finit en -ate, ex pour le HCl : acide -> acide chlorhydrique, contre-ion Cl- -> chlorhydrate)
La réaction ressemble à ça pour une amine et du HCl :
Bien entendu, on peut le faire avec n'importe quel acide. Du citrique pour faire du citrate, du fumarique pour faire du fumarate, du sulfurique pour faire du sulfate et même pourquoi pas de l'acide picrique pour faire du picrate si vous aimez les cristaux de produits explosifs (svp ne faites pas d'acide picrique à la maison).
4. D'acc, mais t'as toujours pas expliqué à quoi ça servait
En fait il y a plusieurs intérêts à former un sel à partir de freebase (version neutre de la molécule). Il n'y a pas de réponse universelle, mais généralement on retrouve des avantages et des inconvénients à le faire :
Avantages
- Augmenter la solubilité aqueuse. C'est surtout valable pour les composés fortement apolaires, comme par exemple la PCP qui ne comporte qu'une seule amine:
- On peut donc former un sel qui sera beaucoup plus polaire comme on l'a vu (la drogue est désormais chargée + et on a aussi un contre-ion négatif), qui se dissolvera bien mieux dans l'eau. Ce qui est par exemple crucial pour l'IV.
- Faire des cristaux. Beaucoup de drogues sont en fait liquide si elles ne sont pas sous forme de sels comme c'est par exemple le cas de la MDMA freebase :
En ajoutant un acide (généralement du HCl), on obtient une poudre bien plus facile à manipuler, à transporter, à presser en pilules, etc...
- Optimiser la biodisponibilité. Selon les voies d'administration, on peut améliorer la dissolution du produit dans les fluides corporels, ce qui maximise la surface de contact avec la muqueuse. C'est particulièrement visible avec l'oral, le sniff, le plug et l'IV.
- Améliorer la conservation : l'air passe moins bien dans les cristaux donc ils sont plus résistants à l'oxydation.
- Perte de puissance relative au poids. En effet, ajouter un acide au produit pour en faire un sel va en réduire la pureté maximale. Ça va dépendre selon les produits mais par exemple pour la MDMA HCl on ne peut atteindre que maximum 84% de pureté par rapport à de la MDMA freebase. Pour convertir un équivalent freebase en sel, on perdra donc (en % de pureté) :
Souvent cette perte en puissance n'impacte pas l'effet car le produit est mieux assimilé et donc il y a moins besoin d'en prendre, mais cela dépend de chaque drogue. - Irritation des muqueuses. Peu visible avec la plupart des voies d'administration mais particulièrement en cas de vaporisation ou de combustion. On observe que l'acide peut se dissocier de la molécule (particulièrement avec le HCl et le HBr qui sont des gaz) et attaquer la muqueuse des poumons. Il faut donc mieux baser ses produits avant de le faire. On peut utiliser de l'ammoniaque (dangereux pour les poumons si mal réalisé), du bicarbonate ou n'importe quelle base (du NaOH fonctionne aussi par exemple). La base va neutraliser l'acide lié à l'amine et donc la déprotoner : on retourne à l'état initial, la freebase.
- Augmentation du point d'ébullition. Toujours un désavantage seulement pour la vaporisation, les nouvelles liaisons chimiques qu'on crée augmentent la stabilité du produit et donc empêche les molécules de se vaporiser facilement. Parfois, la molécule brûle carrément avant de pouvoir se vaporiser si le sel est très stable à l'état liquide.
5. Mais pourquoi il y autant de sels alors ? On pourrait pas juste utiliser le HCl et voilà ?
C'est une question que je me suis longtemps posé. En réalité, la chimie et la pharmacologie des sels est un domaine complexe prenant en compte des dizaines de paramètres tels que la solubilité à différents pH, dans différents solvants, leurs propriétés mécaniques (compression pour faire des pilules, résistance à la chaleur), leur impact sur la biodisponibilité (qui peut passer du simple au double selon le sel choisi), le temps de libération du composé et donc son effet, etc...
Pour l'amphétamine par exemple, on utilise une grande variété de sels dans l'Adderall pour modifier la durée d'action et prolonger l'effet en douceur, tout en évitant que tout le produit soit relâché rapidement en produisant un rush.
Certains sels sont plus stables que d'autres aussi : l'amphétamine HCl est peu stable comparé à sa version sulfate car celle-ci permet de créer un réseau complexe entre les molécules d'amphétamine (en bleu) et de contre-ions sulfate (en rouge) :
Il s'agit donc d'une science assez complexe que je ne prendrai pas le temps de détailler ici par souci de clarté et d'accessibilité. J'espère néanmoins vous avoir donné une bonne idée de ce que sont les sels organiques et à quoi ils servent (et peut-être même éveiller chez vous une curiosité pour ces molécules oubliées des drogues).
Plus de sources et d'infos (EN)
Dernière édition: