Quoi de neuf ?

Bienvenue sur Psychonaut.fr !

Le forum des amateurs de drogues et des explorateurs de l'esprit

Egocentrisme 7 - Développement chez le petit enfant (0-6ans)

Laura Revenudelaba

Elfe Mécanique
Inscrit
12/7/22
Messages
395
ÉGOCENTRISME ENFANTIN - 0-6 ANS

L’égocentrisme, ici dit enfantin, structure la personnalité sur différents plans. On s’intéressera aux plans moteur, spatial et temporel, intellectuel et moral, au travers de processus dynamiques et mouvants de structuration de ses cognitions . Il s’agit donc d’un développement permanent au cours duquel s’élaborent nos schèmes cognitifs, autour de pôles constituant notre subjectivité.


L’ÉGOCENTRISME CHEZ LE BÉBÉ - NIVEAU PERCEPTIF ET MOTEUR

L’égocentrisme sensorimoteur relève d’un manque de différenciation entre l’objet perçu et les impressions sensorielles qu’il provoque.

Durant les premiers mois de sa vie, le bébé ne se différencie pas de son environnement.

Au départ l’univers du nourrisson est sans distance, il n’y a aucune différenciation entre son moi (en formation) et le monde extérieur. Le bébé est fondu dans ses perceptions immédiates du réel, dans sa subjectivité qu’il vit sur un mode absolu (s’il ressent de la joie, tout son environnement est joyeux, s’il ressent de l’angoisse, tout son environnement est souffrance). Dans cette forme d’égocentrisme quasi totale, le bébé réagit spontanément aux choses sans véritable conscience de soi. Sa réalité intérieure propre est constituée de représentations peu élaborées, sans abstraction réfléchie ni concept donnant sens aux choses, à lui-même. Les objets sont perçus en eux-mêmes, sans structure d’ensemble. A défaut de capacité d’abstraction permettant de se décentrer, la conscience du bébé est pure sensation,. Il vit les choses au stade primaire de la perception immédiate et fragmentée de l’environnement, sans distinction entre soi et non-soi, faute de se représenter mentalement via un concept de soi étayé.

De l’action physique à sa représentation psychique, opère une décentration du corps à l’esprit, dans l’élaboration d’un champ spatial.

Au début du stade de l’intelligence sensori-motrice, la perception de l’espace est fragmentée en zones : buccale, visuelle, auditive, tactile. Selon Piaget, « l’action créée l’espace mais ne se situe pas encore en lui. » Pour cela, il faut au bébé une représentation consciente de ses propres actions. Mais tant que le bébé reste auto-centré dans son propre corps, qu’il ne se représente pas mentalement en fonction de l’environnement, ses actions motrices restent sans relation les unes avec les autres dans son esprit confus.

Suite à l’intériorisation des schèmes d’action sous formes de représentations, c’est vers 8-9 mois que la coordination de la vision et de la préhension entraîne la coordination des différents espaces. S’opère alors un premier décentrement de ses impressions immédiates dans une construction de ses représentations des choses, qui commencent à faire sens au niveau psychique. Pour Piaget, « nous assistons à une organisation des mouvements et des déplacements qui, d’abord centrés sur le corps propre, se décentrent peu à peu et aboutissent à un espace dans lequel l’enfant se situe lui-même comme un élément parmi les autres. »

Construction de la proprioception, s’orienter dans l’espace signifie d’abord s’orienter dans son corps.

S’en suivront une conservation et un respect de propriétés d’ordre topologiques, qui concernent les rapports élémentaires de voisinage, de séparation, d’enveloppement ou de continuité (entre soi et non-soi). L’esprit du bébé se construit donc sur des repères spatiaux, qui vont se coordonner à des repères temporels dans un système d’ensembles organisés, et ainsi pouvoir se décentrer de son propre corps en se positionnant dans et par rapport à l’environnement. Le petit enfant commence à se décentrer en se différenciant lui-même des choses alentours, dans la constitution de son individualité.

Au stade la petite enfance, l’espace vécu se construit en opposition : près de/loin, à gauche/droite, sur/sous, avant/arrière, devant/derrière. La préhension topographique de l’environnement se coordonne de plus en plus dans l’esprit, qui se décentre de l’immédiateté des perceptions sensorielles au travers de représentations mentales. Selon Liliane Lurçat, « la connaissance du corps procède de la connaissance de l’espace, et en même temps, elle la rend possible ».

Maintenant définit la composante spatiale de la structure égocentrique, en lien avec les dimensions sensorielles et corporelles de la subjectivité, voyons les origines de ses composantes intellectuelles.


L’ÉGOCENTRISME CHEZ LE PETIT ENFANT - NIVEAU INTELLECTUEL, LANGAGIER ET TEMPOREL

L’égocentrisme intellectuel est une attitude spontanée qui enferme l’enfant dans son propre point de vue, rendant invalide toute capacité à se décentrer. L’égocentrisme s’oppose ainsi à l’objectivité, quand le sujet reste auto-centré dans ses subjectivités. Selon Piaget, l’enfant « ne dissocie en rien le moi et les choses », il y a chez lui « confusion du moi avec le monde extérieur ». Voyons comment cela se passe dans le développement de l’esprit chez le petit enfant.

De 2 à 4 ans, phase où l’égocentrisme est le plus marqué.

Durant la petite enfance, sur le plan intellectuel, les capacités logiques de pensée de l’enfant ne lui permettent pas de se détacher du particulier. De fait, les objets ne sont pas compris dans leur organisation globale. Par exemple la fourchette sert à manger, sans conscience du fait qu’il faille la laver et la ranger entre chaque utilisation (avec tout ce que cela implique comme actions organisées). Cette forme d’égocentrisme relève d’un manque de différenciation entre les symboles que le petit enfant se construit dans une intériorisation progressive de règles, et les références attachées (fourchette = manger, corrélé symboliquement au fait de manger proprement sans les mains, mais sans plus de compréhension des logiques éducatives et socialisantes associées, dans un contexte globale de vie en société).

Dans ses activités, en chacune de ses pensées le petit enfant ne discerne pas ce qui provient de lui et ce qui émane de l’extérieur.

Cette phase est caractérisée par l’égocentrisme intellectuel, lorsque le petit enfant ne parvient pas à se placer à un autre point de vue que le sien, en se décentrant du moment présent et de l’activité immédiatement liée. Par exemple, s’il joue avec un objet, plus rien d’autre ne vaut que l’intérêt qu’il porte à son action, bien que ses parents lui intiment de cesser de prendre la fourchette pour un avion afin de s’en servir pour manger proprement, comme un grand. En obéissant, le petit enfant croit avoir prit lui-même la décision, sans vraiment se rendre compte qu’il réagit à des injonctions parentales structurant son comportement. Son sentiment narcissique d’omnipotence l’aveugle dans une illusion égocentrique de libre arbitre, qu’il conservera toute sa vie par amour-propre, en se croyant au plus profond de lui maître de ses décisions, rationnel et libre d’agir/penser selon ses volontés propres.

En prise à cet égocentrisme intellectuel structurel, faute de pouvoir se décentrer, le rapport immédiat au monde du petit enfant s’établit au travers d’attitudes spontanées, instinctives et automatisées, qui, sur le plan idéatif, l’enferment dans son propre point de vue faute d'inhiber ses pensées impulsées en son esprit par affectivité non maîtrisée.

Comme les animaux, impulsif l’enfant va tout droit, sans revenir en arrière par réversibilité comportementale (capacité intellectuelle qui nécessite un réfléchissement décentré, avec connaissance des conséquences de ses actes). Il est alors presque incapable d’objectivité, de comprendre les objets alentours dans des emboîtements hiérarchiques, dans des ordonnancements socialisés d’après des codes moraux extérieurs qu’il intériorise, qu’il fait sien en épousant les valeurs de ses parents et autres éducateurs, qui vont normer ses comportements via de nombreuses répétitions encadrées. Ce faisant, prit dans des logiques éducatives, en se décentrant sous la pression de cadres culturels s’imposant face à ses tendances naturelles pulsionnelles, le petit enfant commence à saisir des structures d’ensemble dans son environnement, en faisant symboliquement des liens entre les choses, notamment grâce au langage. Désormais il s’arrête au passage piéton, pour sa propre sécurité.


LANGAGE ET ÉGOCENTRISME ENFANTIN - A la conquête de symboles dans ses représentations, via le langage.

Caractéristique de la pensée égocentrique intellectuelle : seul prime son propre point de vue verbal.

Si l’enfant dit qu’une fourchette est une « fouchette », c’est inexorablement vrai pour lui, malgré que l’adulte le reprenne en lui précisant qu’il s’agit d’une « fouREEEchette ». Pour Piaget, le langage enfantin revêt un caractère asocial qui disparaît avec la socialisation de l’enfant. Au départ, le petit enfant monologue plus qu’il ne communique avec autrui, comme lorsqu'il parle tout seul dans sa chambre. Ou par exemple lorsque plusieurs petits enfants jouent ensemble, chacun dans sa bulle respective sans véritablement rencontrer celles des autres. L’enfant commence à se décentrer à partir du moment où il parvient à distinguer ce qui est « de » et « à » lui, de ce qui est à autrui.

Importance du langage (qui unifie ses représentations) et de la symbolisation dans le décentrement.

Le langage approximatif du jeune enfant est une manifestation de son égocentrisme. Lorsque l’enfant commence à parler, il se détache de l’ici et maintenant. Apposer des mots sur les choses ou des actions permet de s’en détacher dans une conceptualisation des phénomènes. Nommer permet de se décentrer en prenant du recul sur les situations. La verbalisation met en coordination ses actions, qui se structurent symboliquement en faisant sens dans des représentations mentales. D’où l’importance du jeu, qui offre une multitude de possibilité d’agir sur le réel en apprenant à classer, comparer, définir les objets ou les situations en y apposant des mots, des concepts. Si l’égocentrisme enfantin est caractérisé par une « pensée de rêve » quand l’enfant qui joue confond l’imaginaire et le réel, se formuler les choses facilite la construction intellectuelle d’une pensée représentative ouverte, décentrée, qui dépasse la pensée affective prisonnière de l’action en cours. Il s’agit là de gagner en abstraction intellectuelle, raisonnée, vectrice d’objectivité.

Si la parole accompagne et renforce l’activité individuelle, au stade de la petite enfance il y a affirmation sans justification, par manque de logique et de connaissances du monde extérieur. C’est à partir de 7/8 ans que la compréhension de l’enfant s’appuie sur des explications verbales. Il y a alors décentration dans un gain d’objectivité.


SUBJECTIVITÉ ET TEMPORALITÉ

Le courant de conscience est durée.

Les états de conscience fluctuent, vont s’avançant, s’écoulant et se succédant en nous sans trêve. Ces états sont individuels, mobiles et continus, soumis à un changement perpétuel et mouvant. Dans la structure égocentrique enfantine, le temps est essentiellement présent, telle une infime durée inlassablement répétée dans une immédiateté en permanence réactualisée. Les états du corps en mouvement dans le temps se reflètent ainsi dans l’esprit animé d’une subjectivité, qui le ramène toujours à lui-même : « Mon état d’âme, en avançant sur la route du temps, s’enfle continuellement de la durée qu’il ramasse ; il fait, pour ainsi dire, boule de neige avec lui-même. » - Henri Bergson

Temporalité et absence d’abstraction de la durée, le petit enfant est fondu dans le présent.

Le temps n’étant pas construit dans l’esprit du petit enfant. Sans structuration temporelle, il a des difficultés à reconstituer un ordre de succession dans ses intuitions immédiates, centrées sur des domaines privilégiés encore non coordonnés. Si le petit enfant sait quel jour on est, il ne sait pas se placer dans l’ordre des jours de la semaine. Sans l’abstraction nécessaire, l’ordre des événements n’est pas corrélé à une estimation de leur durée, d’après des repères fixes. Le petit enfant a une perception non structurée d’une succession de durées, ce qui est différent des adultes qui ont une succession structurée de perceptions du temps passant sous forme de durées.

En grandissant, le petit enfant va progressivement corriger les relations contradictoires entre les différents rapports qui s’articulent dans son esprit. Mercredi, journée où l’après-midi est destiné à toutes sortes d’activités, se situe bel et bien en milieu de semaine, désormais il en est sur. L’enfant se décentre de ses impressions fausses du temps par régulations intuitives. Ainsi apparaît l’intuition articulée de la succession temporelle dans une représentation structurée des durées, relatives aux événements vécus. L’acquisition de la temporalité, associé au champ spatial, est un facteur clé pour se décentrer.


LA CAUSALITÉ CHEZ L’ENFANT

Sur le plan de la causalité, l’enfant s’avère d’abord finaliste (présupposer des buts à toute chose), puis il passe par une pensée magique (croire ce qu'on pense), ensuite il affirme simplement l’identité de la chose pour elle-même (le soleil est le soleil parce que c’est le soleil), puis il arrive à l’animisme (des esprits régissent les objets et les êtres vivants) et à l’artificialisme (tout objet ou phénomène a été engendré par « quelqu’un »). Même lorsqu’il arrive à dépasser ces phases dans sa pensée, il est incapable d’expliquer autrement que concrètement, autrement dit c’est comme ça parce que c’est ainsi, sans plus d’explication logique explicitant le sens des choses, ainsi que la causalité dans leurs relations (d’où vient le Soleil, par quel mécanisme brille-t-il, comment il réchauffe la Terre).
 
Retour
Haut