DeQuincey
Matrice Périnatale
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Alors, premier post et premier TR en ce qui me concerne. Il s'agit d'un trip aux truffes magiques, fait en bon touriste à Amsterdam avec quelques potes.
J’avais fumé une quantité raisonnable de joints dès mon arrivée à Amsterdam, aussi ai-je passé l’après-midi un peu dans le gaz. La weed me ralentit énormément (incroyable !), et à chaque fois je retombe illico dans mes vieux « trips à boucles », ces questions métaphysiques insolubles auxquelles je n’ai jamais espoir d’apporter de réponses que lorsque je suis défoncé, - et c’est bien le problème, être défoncé amène à se poser de questions que l’on n’est de toutes manières pas plus en état de résoudre que de disqualifier à cause de leur inanité.
Bref, ce qu’il faut en retenir, c’est que je n’étais pas en possession de toute ma tête, et j’ai perdu ma carte d’identité, laquelle m’était nécessaire pour prendre l’avion le lendemain. Habité à la fois par la croyance infondée que je l’avais peut-être seulement égarée à l’hôtel et par le désir pressant de prendre les champis comme mes potes et moi l’avions prévu, je me suis dit que tous ces embarras pourraient bien attendre le lendemain, cette décision s’étant avérée être particulièrement stupide car elle m'a fini pourri l'expérience.
Nous avons donc gobé les champis, tranquillement posés dans un parc, à une distance qui devait nous permettre de rallier l’hôtel sans trop d’encombres, même s’il nous prenait soudainement l’envie de renoncer à la station debout et de progresser par reptation comme cela m’était déjà arrivé lors d’un trip précédent.
Au début, tout se passait bien, rien que de très habituel : je délirais tranquillement sur le peuple de l’herbe hypothétique vénérant les monuments dont Moi, investi soudain d’une essence divine, je leur avais fait don, - c'est-à-dire, mes mégots de cigarette, misérablement plantés dans la pelouse.
J’ai ensuite porté mon attention sur les lignes que dessinaient les malheureuses traînées nuageuses qui marbraient le ciel, y distinguant des motifs en tous genres. La situation s’est un peu compliquée lorsque j’ai commencé à me dire que même la vastité du ciel était composée de particules en tous genres, certes arrangées dans un état de la matière qui permît que dans cette masse invisible, on se déplace et on respire, mais bien présentes quand même. J’ai alors construit un parallèle avec toutes les idées, les conceptions qui nous imprègnent et modèlent nos existences et modes de pensées : beaucoup nous apparaissent données, immédiates (au sens étymologique), tout comme l’air de ce ciel est bien toujours là sans qu'on s'y pense. Et pourtant, combien de ces pensées, cadres de pensées, jugements de valeurs, émanent fortuitement, de manière contingente, de la société qui nous entoure, de notre famille, de notre travail, - des conceptions définies en creux par notre environnement, - à notre insu, en somme, parce qu’il nous impossible de les voir, parce qu’elles ne sont pas ajoutées à nous, mais sont nous.
Eh bien, je voyais cette gangue conceptuelle comme je voyais l’air, - pesant. Et pas plus qu’en temps normal nous ne faisons attention à l’air qui nous entoure, nous ne sommes généralement pas conscients de toutes ces pensées « induites » qui constituent notre être pensant. Sauf, peut-être, lorsqu’à la manière d’une perturbation qui modifie la réfraction de l’air, - comme la chaleur d’une bougie qui fait trembloter ce qu’on voit au travers de son halo, - un changement d’environnement soudain renverse nos perspectives et nous met face à leur contingence.
Cette métaphore du changement de perspective m’affectait particulièrement, car j’en étais à une phase de mon existence où je ne travaillais pas, pensais à une reconversion, abandonnant le monde dans lequel je vivais, et, partant, les valeurs et espoirs qui y étaient attachés, pour un autre univers encore incertain mais certainement différent. Et cette inquiétude a soudain pris une ampleur phénoménale, qui s’est incarnée dans mon esprit délirant par la sensation de ne plus pouvoir respirer l’air qui m’entourait, et de me croire écrasé par ce que j’appelais alors pompeusement les rouages de l’Univers. Je me suis senti très oppressé, et je n’arrivais plus à voir bien clairement parce que j’avais l’impression que l’air autour de moi s’était opacifié. Je me suis mis à paniquer, en pensant, en substance, que si même sous un ciel vaste et dégagé il m’était impossible de respirer, où me sentirai-je jamais à l’aise et en sécurité ? Partout, je serais poursuivi et broyé par ces affreux rouages, dont je croyais distinguer nettement les linéaments dans les nuages, l’homomorphie des deux mots rouage-nuage m’apparaissant d’ailleurs comme révélatrice d’une même réalité sous-jacente.
Voilà donc où j’en étais de mes méditations psychédélico-métaphysiques. Après avoir tiré compulsivement sur quelques cigarettes (lesquelles m’ont d’ailleurs permis de parfaire le temple que je construisais à mon peuple de l’herbe, et qui m’apparaissait maintenant bien lointain et inintéressant ), je me suis un peu calmé, mais j’avais toujours l’impression que quelque chose de funeste se tramait dans mon existence en général comme dans cette soirée en particulier. J’ai repensé d’un coup à ma carte d’identité, - grave erreur, car une fois encore je n’ai pu m’empêcher de tisser des liens avec le reste de mon trip. La possibilité de me retrouver bloqué à Amsterdam pour quelques jours s’est muée en l’éventualité de rester bloqué, tout court. Avoir perdu ma carte d’identité, c’était plus qu'égarer un simple papier, c’était une métaphore de la perte de mon identité propre, anéantie par la drogue, ma situation précaire du moment et le renversement de perspective que mon changement de vie impliquait, n'offrant plus d’image de moi stable, rassurante, à laquelle me référer pour nier celle du moi sous champis, mal à l'aise et apeuré. J’ai soudainement cru sentir se ratatiner la personne que j’étais en temps normal (tout au moins celle que je croyais être en temps normal), et laisser place à celui que j’étais maintenant, le moi défoncé, pendant mes prises de produits divers des mois et années précédentes. Tout cela comme si je n’avais vraiment été que lorsque j’avais été sous drogue (alors que pourtant j’ai une consommation très modérée par rapport aux autres forumeurs ) les périodes intermédiaires n’étant que des phases de repos insignifiantes, sous-tendues en réalité par le seul désir et la seule attente de la défonce à venir. Cette dernière « prise de conscience » s’est transposée directement à l’addiction à la cigarette : j’avais la sensation que le temps que je laissais entre deux clopes n’avait justement de valeur que celle d’un temps d’attente, chaque cigarette appelant la suivante, le laps de temps s’écoulant au milieu se définissant précisément par sa qualité de temps inter-cigarettes, - et le tabagisme serait alors cette horloge malfaisante dont les tic-tacs malsains ne se laissent jamais oublier.
J’en suis arrivé au point où j’ai failli appeler mes parents en panique pour leur dire que j’avais un problème de drogues, et qu’il fallait venir me chercher immédiatement à Amsterdam (!). Je me suis ressaisi encore une fois, tant bien que mal, tâchant de me rappeler qu’il n’y avait rien de plus normal que d’être encore défoncé à cette heure-là (ça faisait à peine deux heures que nous avions pris les champis). Mais, me suis-je dit, s’il est vrai qu’au bout de quelques heures je serais sauvé, sinon de mes propres peurs, tout au moins de l’action des produits, les heures me parurent soudainement pouvoir renfermer tellement de pensées et d’horreurs que je n’en étais, finalement, pas du tout rassuré. Pour me convaincre que le Temps passait bien, objectivement, sereinement, indépendamment de tout ce que je pouvais en penser, je jetai un coup d’œil à ma montre pour faire état de l’avancement de l’aiguille des secondes Evidemment, je n’ai pas réussi à la voir bouger (j’ai sûrement à peine regardé !), et j’ai commencé à croire que je resterais bloqué à cette heure précise, à cette seconde précise, pour une éternité encore. Cette sensation s’est confirmée lorsque j’ai voulu utiliser la cigarette que je fumais comme horloge : alors que je pensais l’avoir allumée il y a des siècles, je me suis rendu compte qu’elle était à peine consumée, - ainsi, les secondes-clope ne s’égrenaient pas non plus. Je suis alors revenu à mon montre, l’ai fixée avec une attention extrême (qui a dû paraître bien étrange aux gens qui passaient dans la rue), tendu par l’espoir d’y voir enfin une marque du passage du Temps. Il me sembla alors la voir se déformer et couler, comme dans ces tableaux de Dali où l'on voit des horloges dégouliner comme du fromage bien fait, signant le renoncement de ma montre à indiquer un Temps qui ne s’écoulait plus.
(Already) long story short, j’ai continué à subir cet entremêlement incessant entre mes délires champignonesques et mes interrogations personnelles du moment, flippant à chaque fois que dans le flot indigent de la conversation (ou tout du moins dans ce que j'en comprenais) apparaissaient les moindres références au Temps, au travail, plus généralement à n'importe quoi qui eût trait à l’ensemble de ma vie usuelle, car je ne pouvais plus y voir que l'image du Temps qui s’était arrêté sur mon identité perdue.
Et au final, je me suis pourri tout le trip avec ça, et j’ai fini par retrouver ma carte d’identité le lendemain matin après avoir fait le tour de tous les coffee shops où j’étais passé la veille !
J’avais fumé une quantité raisonnable de joints dès mon arrivée à Amsterdam, aussi ai-je passé l’après-midi un peu dans le gaz. La weed me ralentit énormément (incroyable !), et à chaque fois je retombe illico dans mes vieux « trips à boucles », ces questions métaphysiques insolubles auxquelles je n’ai jamais espoir d’apporter de réponses que lorsque je suis défoncé, - et c’est bien le problème, être défoncé amène à se poser de questions que l’on n’est de toutes manières pas plus en état de résoudre que de disqualifier à cause de leur inanité.
Bref, ce qu’il faut en retenir, c’est que je n’étais pas en possession de toute ma tête, et j’ai perdu ma carte d’identité, laquelle m’était nécessaire pour prendre l’avion le lendemain. Habité à la fois par la croyance infondée que je l’avais peut-être seulement égarée à l’hôtel et par le désir pressant de prendre les champis comme mes potes et moi l’avions prévu, je me suis dit que tous ces embarras pourraient bien attendre le lendemain, cette décision s’étant avérée être particulièrement stupide car elle m'a fini pourri l'expérience.
Nous avons donc gobé les champis, tranquillement posés dans un parc, à une distance qui devait nous permettre de rallier l’hôtel sans trop d’encombres, même s’il nous prenait soudainement l’envie de renoncer à la station debout et de progresser par reptation comme cela m’était déjà arrivé lors d’un trip précédent.
Au début, tout se passait bien, rien que de très habituel : je délirais tranquillement sur le peuple de l’herbe hypothétique vénérant les monuments dont Moi, investi soudain d’une essence divine, je leur avais fait don, - c'est-à-dire, mes mégots de cigarette, misérablement plantés dans la pelouse.
J’ai ensuite porté mon attention sur les lignes que dessinaient les malheureuses traînées nuageuses qui marbraient le ciel, y distinguant des motifs en tous genres. La situation s’est un peu compliquée lorsque j’ai commencé à me dire que même la vastité du ciel était composée de particules en tous genres, certes arrangées dans un état de la matière qui permît que dans cette masse invisible, on se déplace et on respire, mais bien présentes quand même. J’ai alors construit un parallèle avec toutes les idées, les conceptions qui nous imprègnent et modèlent nos existences et modes de pensées : beaucoup nous apparaissent données, immédiates (au sens étymologique), tout comme l’air de ce ciel est bien toujours là sans qu'on s'y pense. Et pourtant, combien de ces pensées, cadres de pensées, jugements de valeurs, émanent fortuitement, de manière contingente, de la société qui nous entoure, de notre famille, de notre travail, - des conceptions définies en creux par notre environnement, - à notre insu, en somme, parce qu’il nous impossible de les voir, parce qu’elles ne sont pas ajoutées à nous, mais sont nous.
Eh bien, je voyais cette gangue conceptuelle comme je voyais l’air, - pesant. Et pas plus qu’en temps normal nous ne faisons attention à l’air qui nous entoure, nous ne sommes généralement pas conscients de toutes ces pensées « induites » qui constituent notre être pensant. Sauf, peut-être, lorsqu’à la manière d’une perturbation qui modifie la réfraction de l’air, - comme la chaleur d’une bougie qui fait trembloter ce qu’on voit au travers de son halo, - un changement d’environnement soudain renverse nos perspectives et nous met face à leur contingence.
Cette métaphore du changement de perspective m’affectait particulièrement, car j’en étais à une phase de mon existence où je ne travaillais pas, pensais à une reconversion, abandonnant le monde dans lequel je vivais, et, partant, les valeurs et espoirs qui y étaient attachés, pour un autre univers encore incertain mais certainement différent. Et cette inquiétude a soudain pris une ampleur phénoménale, qui s’est incarnée dans mon esprit délirant par la sensation de ne plus pouvoir respirer l’air qui m’entourait, et de me croire écrasé par ce que j’appelais alors pompeusement les rouages de l’Univers. Je me suis senti très oppressé, et je n’arrivais plus à voir bien clairement parce que j’avais l’impression que l’air autour de moi s’était opacifié. Je me suis mis à paniquer, en pensant, en substance, que si même sous un ciel vaste et dégagé il m’était impossible de respirer, où me sentirai-je jamais à l’aise et en sécurité ? Partout, je serais poursuivi et broyé par ces affreux rouages, dont je croyais distinguer nettement les linéaments dans les nuages, l’homomorphie des deux mots rouage-nuage m’apparaissant d’ailleurs comme révélatrice d’une même réalité sous-jacente.
Voilà donc où j’en étais de mes méditations psychédélico-métaphysiques. Après avoir tiré compulsivement sur quelques cigarettes (lesquelles m’ont d’ailleurs permis de parfaire le temple que je construisais à mon peuple de l’herbe, et qui m’apparaissait maintenant bien lointain et inintéressant ), je me suis un peu calmé, mais j’avais toujours l’impression que quelque chose de funeste se tramait dans mon existence en général comme dans cette soirée en particulier. J’ai repensé d’un coup à ma carte d’identité, - grave erreur, car une fois encore je n’ai pu m’empêcher de tisser des liens avec le reste de mon trip. La possibilité de me retrouver bloqué à Amsterdam pour quelques jours s’est muée en l’éventualité de rester bloqué, tout court. Avoir perdu ma carte d’identité, c’était plus qu'égarer un simple papier, c’était une métaphore de la perte de mon identité propre, anéantie par la drogue, ma situation précaire du moment et le renversement de perspective que mon changement de vie impliquait, n'offrant plus d’image de moi stable, rassurante, à laquelle me référer pour nier celle du moi sous champis, mal à l'aise et apeuré. J’ai soudainement cru sentir se ratatiner la personne que j’étais en temps normal (tout au moins celle que je croyais être en temps normal), et laisser place à celui que j’étais maintenant, le moi défoncé, pendant mes prises de produits divers des mois et années précédentes. Tout cela comme si je n’avais vraiment été que lorsque j’avais été sous drogue (alors que pourtant j’ai une consommation très modérée par rapport aux autres forumeurs ) les périodes intermédiaires n’étant que des phases de repos insignifiantes, sous-tendues en réalité par le seul désir et la seule attente de la défonce à venir. Cette dernière « prise de conscience » s’est transposée directement à l’addiction à la cigarette : j’avais la sensation que le temps que je laissais entre deux clopes n’avait justement de valeur que celle d’un temps d’attente, chaque cigarette appelant la suivante, le laps de temps s’écoulant au milieu se définissant précisément par sa qualité de temps inter-cigarettes, - et le tabagisme serait alors cette horloge malfaisante dont les tic-tacs malsains ne se laissent jamais oublier.
J’en suis arrivé au point où j’ai failli appeler mes parents en panique pour leur dire que j’avais un problème de drogues, et qu’il fallait venir me chercher immédiatement à Amsterdam (!). Je me suis ressaisi encore une fois, tant bien que mal, tâchant de me rappeler qu’il n’y avait rien de plus normal que d’être encore défoncé à cette heure-là (ça faisait à peine deux heures que nous avions pris les champis). Mais, me suis-je dit, s’il est vrai qu’au bout de quelques heures je serais sauvé, sinon de mes propres peurs, tout au moins de l’action des produits, les heures me parurent soudainement pouvoir renfermer tellement de pensées et d’horreurs que je n’en étais, finalement, pas du tout rassuré. Pour me convaincre que le Temps passait bien, objectivement, sereinement, indépendamment de tout ce que je pouvais en penser, je jetai un coup d’œil à ma montre pour faire état de l’avancement de l’aiguille des secondes Evidemment, je n’ai pas réussi à la voir bouger (j’ai sûrement à peine regardé !), et j’ai commencé à croire que je resterais bloqué à cette heure précise, à cette seconde précise, pour une éternité encore. Cette sensation s’est confirmée lorsque j’ai voulu utiliser la cigarette que je fumais comme horloge : alors que je pensais l’avoir allumée il y a des siècles, je me suis rendu compte qu’elle était à peine consumée, - ainsi, les secondes-clope ne s’égrenaient pas non plus. Je suis alors revenu à mon montre, l’ai fixée avec une attention extrême (qui a dû paraître bien étrange aux gens qui passaient dans la rue), tendu par l’espoir d’y voir enfin une marque du passage du Temps. Il me sembla alors la voir se déformer et couler, comme dans ces tableaux de Dali où l'on voit des horloges dégouliner comme du fromage bien fait, signant le renoncement de ma montre à indiquer un Temps qui ne s’écoulait plus.
(Already) long story short, j’ai continué à subir cet entremêlement incessant entre mes délires champignonesques et mes interrogations personnelles du moment, flippant à chaque fois que dans le flot indigent de la conversation (ou tout du moins dans ce que j'en comprenais) apparaissaient les moindres références au Temps, au travail, plus généralement à n'importe quoi qui eût trait à l’ensemble de ma vie usuelle, car je ne pouvais plus y voir que l'image du Temps qui s’était arrêté sur mon identité perdue.
Et au final, je me suis pourri tout le trip avec ça, et j’ai fini par retrouver ma carte d’identité le lendemain matin après avoir fait le tour de tous les coffee shops où j’étais passé la veille !