backfromhell
Matrice Périnatale
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Bonjour,
Je viens ici régulièrement consulter et je dois dire que ce site m'a parfois été d'un grand secours, mais c'est bien la première fois que je viens m'y exprimer.
J'ai 25 ans et je suis en galère. Je suis atteint d'un mal bien étrange qui a commencé précisément le 24 décembre 2014. La date est facile à retenir et ce jour là, en plein milieu d'une mauvaise grippe, j'ai eu des fasciculations de la main. Elles ont duré une journée pendant laquelle j'ai paniqué, puis elles sont parties. Je n'ai ensuite plus eu d'autres symptômes que cette fichue grippe pendant deux semaines. A la fin de cette période, je me remettais à peine de la grippe quand une nouvelle série de fasciculations est apparue sur la même main mais à un tout autre endroit. Et pendant pratiquement six mois, d'autres sont apparues pour repartir aussitôt, et j'ai commencé à ressentir également des sensations étranges, des paresthésies. Cela a commencé par des vibrations et des picotements, des choses désagréables mais absolument pas douloureuses.
Cette situation a duré jusqu'au mois de juin 2015. J'étais dans une période compliquée de mes études, écriture de mémoire, passage d'examens, stage, travail le weekend... J'ai dû me fatiguer et me stresser. Je ne me sentais absolument pas dans cet état à l'époque, mais avec le recul je pense que je l'étais. C'est à ce moment là que quelque chose s'est endommagé parce que les fasciculations ont explosé et je suis rentré dans la pire phase de ma vie, avec des contractions musculaires en permanence, des crampes, des spasmes involontaires la nuit, des tremblements, une sensation permanente de faiblesse des jambes... comme si j'étais en continu en surdosage de caféine. J'avais l'impression de devenir cinglé. J'en ai parlé à des proches qui m'ont été d'une remarquable inutilité. Ils ne comprenaient pas le problème, et j'étais bien incapable de les aider à comprendre.
Les paresthésies se sont transformées en douleurs. Je peinais à les décrire. Parfois de petites zones de mon corps devenaient tellement sensibles que le frôlement d'un vêtement m'était douloureux. Parfois il s'agissait d'une douleur constrictive dans les membres inférieurs, comme si un serpent venait s'enrouler autour de mon mollet pour l'écraser. Ça pouvait durer des heures. Et le pire, c'était les coups de poignard. Toujours soit dans les jambes, soit au niveau du bras gauche (allez comprendre), soit au niveau du crane. Elles frappaient sans prévenir comme la foudre qui vous tombe dessus, une fraction de seconde et le temps que je réalise ce qui m'arrive, elles étaient déjà parties. Et elles se répétaient... parfois en petites séries isolées et parfois pendant plusieurs minutes. J'en avais peur. Autant le reste était supportable, autant je redoutais la prochaine série. J'ai fini par trouver un nom à mettre dessus, quand ça touche la tête les anglais appellent ça "ice pick headaches" parce que ça vous fait comme un coup de pic à glace dans le crâne. J'ai commencé à grincer des dents la nuit, et quand je m'endormais... Vous savez cette sensation de chute ? J'avais ça quatre ou cinq fois avant de trouver le sommeil. C'est là que j'ai franchement eu peur. Dans ma tête, soit je devenais fou, soit j'avais effectivement une maladie neurologique. Je bossais en neurologie, j'en voyais à longueur de journée. Une SEP ? Pas cohérent. Une fibromyalgie ? Pas vraiment cohérent non plus. Une SLA ? Si jeune ? Ça collait presque...
Je divague mais vous le dis, se diagnostiquer une maladie soi-même demande une capacité à garder son calme légendaire. Si l'anxiété s'en mêle, vous ignorerez tous les échelons pour vous persuader d'avoir le dernier en terme de gravité. La SLA est l'une des pires maladies qui soit et en deux semaines, j'avais réussi à me convaincre que j'en avais une. Certes, certains des symptômes collaient, mais pas la présence de douleurs, pas l'âge, pas l'ordre d'apparition des fasciculations... N'importe quel neurologue compétent aurait en deux secondes éliminé cette hypothèse.
Puisqu'on avait déjà un tableau lamentable, que rajouter de plus pour aggraver les choses ? Des idées suicidaires bien sûr. Alors j'ai jamais voulu mourir, je ne dirais pas que j'ai peur de la mort mais sans doute juste ce qu'il faut pour ne pas en arriver là. Mais à l'époque, je me voyais tomber malade, j'avais mal, j'étais fatigué, et j'avoue qu'à plusieurs reprises je me suis dit que si ça durait je finirai par faire ce qu'il faut pour que ça s'arrête. Je ne sais plus trop pour quelle raison j'ai décidé d'aller voir le médecin. Je suppose que vous vous demandez même comment j'ai pu attendre si longtemps avant de le faire, mais j'avais peur du diagnostic, et à l'époque l'ignorance me semblait presque plus vivable qu'une annonce de mort imminente. Je n'ai même pas pris de rendez-vous, j'y suis allé un matin en consultation comme pour me donner la possibilité de changer d'avis en salle d'attente. J'ai tout expliqué au médecin. Je le connaissais depuis longtemps, et il m'a écouté. C'était la première fois que quelqu'un m'écoutait vraiment en parler, ce qui d'un côté me rassurait. L'autre côté, c'est que j'ai vu son visage changer, comme s'il se décomposait à l'idée de diagnostiquer une maladie catastrophique.
Après un examen clinique ayant mis en évidence une exagération des réflexes ostéo-tendineux et d'autres symptômes absolument pas spécifiques, je suis reparti avec une ordonnance pour une IRM cérébrale, un bilan sanguin long comme mon bras, ainsi que des prescriptions de magnésium, de calcium et d'homéopathie. Le médecin voulait me donner des ISRS à la base, mais j'ai refusé. J'avais trop peur de rajouter un sevrage à mes symptômes, donc il m'a donné de l'homéopathie. Je vais pas polémiquer... déjà à l'époque je n'y croyais pas du tout. J'ai fait l'effort de la prendre parce que même un petit effet placebo m'aurait convenu, mais sans grande conviction. J'ai fait les prises de sang, tout est revenu négatif, l'IRM également, je n'avais rien au bilan. Puis je n'ai pas revu mon médecin pendant un an.
Bon je sens que j'en ai déjà perdu les trois quarts et ceux qui restent se disent "Ok, t'es gentil, mais on est sur Psychonaut pas sur Doctissimo. Tu veux en venir où là ?" Et ben j'y viens justement. Vous ne vous demandez pas comment j'ai fait pour passer de cet état de déraillement complet à "ne plus voir le médecin pendant un an" ?
Rassuré par le bilan négatif et l'IRM normale, mes symptômes ont commencé à diminuer. Et heureusement que ça s'est passé en été pendant les vacances... Mon père avait un quad que je me suis mis à le prendre quotidiennement pour me balader. A 90 kilomètres par heure sur un chemin de terre, je vous mets au défi de sentir une vibration dans votre jambe. Ça me permettait de ne plus y penser et de me détendre. Il y a trois choses qui m'ont sauvé la vie cette année là, mon médecin traitant, le quad, et un autre acteur qui arrive après. J'avais trouvé un moyen de décompresser, de ne plus sentir les vibrations ni les fasciculations, les spasmes la nuit avaient naturellement diminué. Il ne me restait que les douleurs. Le troisième acteur, c'est la codéine.
J'ai commencé à prendre du Codoliprane. Ma consommation était alors de six comprimés par jour. J'ai augmenté jusqu'à atteindre les dix comprimés par jour. Je ne voulais surtout pas dépasser les quatre grammes de paracétamol quotidiennement, mais ce n'était pas toujours assez efficace. Alors j'ai commencé à faire des CWE en août. Merci Psychonaut. Sans vous, je serai mort d'une hépatite cet été là.
A partir de là j'arrête de compter en comprimés, car ça n'a pas d'intérêt. A la fin du mois d'août, je prenais 400 mg de codéine par jour. Je faisais une préparation à l'avance pour la journée que je prenais en trois fois, matin, midi et soir. J'ai continué ce rythme infernal tout en réussissant progressivement à diminuer les doses. Les douleurs se faisaient plus rares, et pendant l'automne, j'ai réussi à redescendre à 200 mg par jour. A partir de là, j'ai arrêté les CWE pour reprendre les comprimés, tout en passant au Klipal pour diminuer la quantité de paracétamol que je prenais. Ma vie est redevenue tout à fait ordinaire progressivement. Les fasciculations, les paresthésies n'ont jamais disparu mais ont diminué à un point où elles devenaient supportables. J'ai appris à vivre avec. Quand je pense qu'au début une seule me faisait paniquer. Pendant cette période d'enfer au début, j'en avais des milliers par jour jusqu'à ce que ça en devienne douloureux. J'étais désormais revenu à quelques centaines les meilleurs jours. Je gérais les douleurs avec deux boites de Klipal par semaine. J'ai continué ce petit jeu pendant plusieurs mois, c'était devenu pour moi complètement habituel. Je savais très bien que je ne pourrais pas arrêter comme ça, parce que j'en avais besoin, mais aussi parce qu'au fil des jours je sentais la dépendance s'installer. Je n'ai jamais ressenti le danger. A tout moment je pouvais aller dans n'importe quelle pharmacie et avoir mon traitement en vente libre.
Et qu'est ce qui m'a tué ? Comme nous tous, Madame Buzyn, en juillet 2017. A cause d'une gamine suicidaire.
Je suis navré si je parais brutal, sans doute qu'elle avait tout autant ses raisons de prendre la codéine que moi, mais j'ai maudit cette fille. Quand j'ai appris l'interdiction, j'ai passé deux après-midi à faire le tour des pharmacies. J'avais récupéré une trentaine de boites. Je ne sais même plus en combien de temps je les ai consommées, mais quand je me suis retrouvé en rupture, j'ai dû me rabattre sur d'autres choses. Essentiellement sur du tramadol. J'avais une petite réserve que j'avais constitué au fil des années en prévision d'un tel événement, mais j'avais l'impression qu'il ne faisait pas grand chose. Tout juste il soulageait le manque pendant le sevrage de codéine. J'ai réussi à tenir sur mes réserves, en glanant à droite à gauche chez des amis qui avaient quelques cachetons. Je vous explique même pas à quel point je me sentais toxico quand je faisais ça. Le meilleur moment de cette période, c'est quand j'ai réussi à me procurer une boite de Dicodin LP. J'en prenais un le matin et un le soir une heure avant de dormir, c'était ce que j'ai trouvé de mieux. Mais on ne va pas loin avec une boîte.
Et puis j'ai changé de poste et je me suis fait embaucher à un endroit où la pharmacie était dotée en Dafalgan Codéine. Je n'ai pas résisté longtemps avant de troquer mon tramadol contre quatre comprimés effervescents par jour. Je ne sais même pas par quel miracle personne n'est venu me demander pourquoi j'en prenais autant. J'ai eu un automne assez tranquille, puis en Décembre, comme pour l'anniversaire, mes fasciculations se sont à nouveau énervées et les douleurs sont revenues plus fortes. J'ai fait la grippe en décembre et ce malgré la vaccination en octobre. Je suis presque certain que c'est ça qui a réactivé le problème comme je suis presque certain que c'est ce qui a démarré la machine en 2014.
Et puis mon contrat s'est arrêté. Un simple souci budgétaire sans rapport avec ma condition, je vous l'assure, mais ça a eu l'effet de me priver à nouveau de codéine. Et je me suis re-rabattu sur le tramadol...
Nous voilà en Février 2018. Comme on se rapproche, je vais arrêter de parler au passé. Je tourne à 150 mg de tramadol par jour. J'ai fini par venir à bout de ma réserve de Topalgic 50 à libération immédiate, alors j'ai commencé à écraser des comprimés LP 100 que je coupe en deux. J'ai mis quelques semaines à comprendre l'étendue de ma connerie et l'intérêt d'une libération prolongée. Mais finalement, j'ai besoin parfois d'une libération rapide alors j'alterne entre des comprimés entiers et de la poudre de fraction de comprimé. Récemment, j'ai du mal à le prendre. Parfois ça va et parfois une dose standard me donne des nausées. J'ai du me résoudre à prendre du Motilium en même temps.
Mais je commence à manquer de tout. J'ai voulu diminuer pour allonger la durée de vie de mon stock. Pendant la nuit de lundi dernier, mon pote le serpent est revenu dire bonjour à mon mollet gauche. Je n'ai pas dormi de minuit à quatre heures du matin. J'avais envie de cogner dans le mur pour penser à autre chose, et j'écrasais mon mollet de toutes mes forces avec ma main parce que bizarrement, ça soulage. Alors j'ai fait ce que je m'étais pourtant promis de ne pas faire. Je suis allé chercher dans la réserve interdite qu'un pote m'avait donné, des comprimés si vieux qu'ils sont bientôt périmés, que j'ai eu pendant des années sans vouloir y toucher parce qu'ils me terrifient... et j'ai sorti l'oxycodone. J'ai pris un Oxynormoro 10, et j'ai dormi. Le lendemain j'ai repris le tramadol et les douleurs étaient moins fortes, mais j'avais en tête ce que j'avais fait la veille. Finalement j'ai fini par en reprendre. Et j'ai trop peur de ma situation actuelle. Trop peur d'en prendre trop et de me tuer avec. Trop peur de me faire arrêter avec ça sur moi sans ordonnance. Trop peur de tomber en rupture de stock et de souffrir.
Ce matin je suis allé chez le médecin. Je lui ai demandé un autre examen neurologique qui n'a rien montré de nouveau. On a discuté, j'ai fini par simplement lui parler de la codéine et il a tout de suite dérivé sur les dangers d'une consommation de longue durée. Sur le nombre de personnes qui en deviennent dépendants. Je n'ai pas osé insister, je sais reconnaître quand un débat n'ira nulle part. Je suis reparti avec une nouvelle ordonnance pour un bilan sanguin qui sera sans doute normal, et une prescription d'Izalgi. Mon docteur est très bon, mais il ne sait pas tout ce que j'ai essayé. L'Izalgi comme la Lamaline ne fait pas plus d'effet que le Doliprane seul.
Je suis revenu ce midi, j'étais énervé et j'avais mal aux jambes. Je me suis assis devant un bureau vide comme pour réfléchir. C'était supportable mais presque par pulsion destructrice, j'ai ouvert un autre Oxynormoro. Cette fois un 20 mg que j'ai coupé en quatre. A l'heure où je vous parle, il en reste la moitié. J'en ai marre. Je ne veux pas continuer l'oxycodone. Je ne saurais même pas où m'en procurer plus que les quelques comprimés qui me restent, et chaque jour qui passe, je prends un peu plus le risque de rester accro à ce truc. Je suis passé en quelques jours de "jamais j'y touche" à "seulement ce soir pour l'urgence" jusqu'à "allez on coupe en quatre et on prend sur la journée". Vous avez dit gateway theory ? Tout ce que je voudrais c'est retrouver mes Klipal, comme l'année dernière.
Voilà, désolé, j'ai été super long. Je suppose que c'était nécessaire et j'en avais envie. Mais je ne sais pas comment je vais continuer. Je me vois mal arriver chez le médecin et lui dire "ah au fait, va falloir trouver mieux que Izalgi parce que j'en suis au palier 3 là". Au fond il y a ici tout ce que je voudrais pouvoir lui dire, mais je n'en ai pas le courage. Qu'est-ce que je vais faire ?
Merci à ceux qui m'ont lu.
Je viens ici régulièrement consulter et je dois dire que ce site m'a parfois été d'un grand secours, mais c'est bien la première fois que je viens m'y exprimer.
J'ai 25 ans et je suis en galère. Je suis atteint d'un mal bien étrange qui a commencé précisément le 24 décembre 2014. La date est facile à retenir et ce jour là, en plein milieu d'une mauvaise grippe, j'ai eu des fasciculations de la main. Elles ont duré une journée pendant laquelle j'ai paniqué, puis elles sont parties. Je n'ai ensuite plus eu d'autres symptômes que cette fichue grippe pendant deux semaines. A la fin de cette période, je me remettais à peine de la grippe quand une nouvelle série de fasciculations est apparue sur la même main mais à un tout autre endroit. Et pendant pratiquement six mois, d'autres sont apparues pour repartir aussitôt, et j'ai commencé à ressentir également des sensations étranges, des paresthésies. Cela a commencé par des vibrations et des picotements, des choses désagréables mais absolument pas douloureuses.
Cette situation a duré jusqu'au mois de juin 2015. J'étais dans une période compliquée de mes études, écriture de mémoire, passage d'examens, stage, travail le weekend... J'ai dû me fatiguer et me stresser. Je ne me sentais absolument pas dans cet état à l'époque, mais avec le recul je pense que je l'étais. C'est à ce moment là que quelque chose s'est endommagé parce que les fasciculations ont explosé et je suis rentré dans la pire phase de ma vie, avec des contractions musculaires en permanence, des crampes, des spasmes involontaires la nuit, des tremblements, une sensation permanente de faiblesse des jambes... comme si j'étais en continu en surdosage de caféine. J'avais l'impression de devenir cinglé. J'en ai parlé à des proches qui m'ont été d'une remarquable inutilité. Ils ne comprenaient pas le problème, et j'étais bien incapable de les aider à comprendre.
Les paresthésies se sont transformées en douleurs. Je peinais à les décrire. Parfois de petites zones de mon corps devenaient tellement sensibles que le frôlement d'un vêtement m'était douloureux. Parfois il s'agissait d'une douleur constrictive dans les membres inférieurs, comme si un serpent venait s'enrouler autour de mon mollet pour l'écraser. Ça pouvait durer des heures. Et le pire, c'était les coups de poignard. Toujours soit dans les jambes, soit au niveau du bras gauche (allez comprendre), soit au niveau du crane. Elles frappaient sans prévenir comme la foudre qui vous tombe dessus, une fraction de seconde et le temps que je réalise ce qui m'arrive, elles étaient déjà parties. Et elles se répétaient... parfois en petites séries isolées et parfois pendant plusieurs minutes. J'en avais peur. Autant le reste était supportable, autant je redoutais la prochaine série. J'ai fini par trouver un nom à mettre dessus, quand ça touche la tête les anglais appellent ça "ice pick headaches" parce que ça vous fait comme un coup de pic à glace dans le crâne. J'ai commencé à grincer des dents la nuit, et quand je m'endormais... Vous savez cette sensation de chute ? J'avais ça quatre ou cinq fois avant de trouver le sommeil. C'est là que j'ai franchement eu peur. Dans ma tête, soit je devenais fou, soit j'avais effectivement une maladie neurologique. Je bossais en neurologie, j'en voyais à longueur de journée. Une SEP ? Pas cohérent. Une fibromyalgie ? Pas vraiment cohérent non plus. Une SLA ? Si jeune ? Ça collait presque...
Je divague mais vous le dis, se diagnostiquer une maladie soi-même demande une capacité à garder son calme légendaire. Si l'anxiété s'en mêle, vous ignorerez tous les échelons pour vous persuader d'avoir le dernier en terme de gravité. La SLA est l'une des pires maladies qui soit et en deux semaines, j'avais réussi à me convaincre que j'en avais une. Certes, certains des symptômes collaient, mais pas la présence de douleurs, pas l'âge, pas l'ordre d'apparition des fasciculations... N'importe quel neurologue compétent aurait en deux secondes éliminé cette hypothèse.
Puisqu'on avait déjà un tableau lamentable, que rajouter de plus pour aggraver les choses ? Des idées suicidaires bien sûr. Alors j'ai jamais voulu mourir, je ne dirais pas que j'ai peur de la mort mais sans doute juste ce qu'il faut pour ne pas en arriver là. Mais à l'époque, je me voyais tomber malade, j'avais mal, j'étais fatigué, et j'avoue qu'à plusieurs reprises je me suis dit que si ça durait je finirai par faire ce qu'il faut pour que ça s'arrête. Je ne sais plus trop pour quelle raison j'ai décidé d'aller voir le médecin. Je suppose que vous vous demandez même comment j'ai pu attendre si longtemps avant de le faire, mais j'avais peur du diagnostic, et à l'époque l'ignorance me semblait presque plus vivable qu'une annonce de mort imminente. Je n'ai même pas pris de rendez-vous, j'y suis allé un matin en consultation comme pour me donner la possibilité de changer d'avis en salle d'attente. J'ai tout expliqué au médecin. Je le connaissais depuis longtemps, et il m'a écouté. C'était la première fois que quelqu'un m'écoutait vraiment en parler, ce qui d'un côté me rassurait. L'autre côté, c'est que j'ai vu son visage changer, comme s'il se décomposait à l'idée de diagnostiquer une maladie catastrophique.
Après un examen clinique ayant mis en évidence une exagération des réflexes ostéo-tendineux et d'autres symptômes absolument pas spécifiques, je suis reparti avec une ordonnance pour une IRM cérébrale, un bilan sanguin long comme mon bras, ainsi que des prescriptions de magnésium, de calcium et d'homéopathie. Le médecin voulait me donner des ISRS à la base, mais j'ai refusé. J'avais trop peur de rajouter un sevrage à mes symptômes, donc il m'a donné de l'homéopathie. Je vais pas polémiquer... déjà à l'époque je n'y croyais pas du tout. J'ai fait l'effort de la prendre parce que même un petit effet placebo m'aurait convenu, mais sans grande conviction. J'ai fait les prises de sang, tout est revenu négatif, l'IRM également, je n'avais rien au bilan. Puis je n'ai pas revu mon médecin pendant un an.
Bon je sens que j'en ai déjà perdu les trois quarts et ceux qui restent se disent "Ok, t'es gentil, mais on est sur Psychonaut pas sur Doctissimo. Tu veux en venir où là ?" Et ben j'y viens justement. Vous ne vous demandez pas comment j'ai fait pour passer de cet état de déraillement complet à "ne plus voir le médecin pendant un an" ?
Rassuré par le bilan négatif et l'IRM normale, mes symptômes ont commencé à diminuer. Et heureusement que ça s'est passé en été pendant les vacances... Mon père avait un quad que je me suis mis à le prendre quotidiennement pour me balader. A 90 kilomètres par heure sur un chemin de terre, je vous mets au défi de sentir une vibration dans votre jambe. Ça me permettait de ne plus y penser et de me détendre. Il y a trois choses qui m'ont sauvé la vie cette année là, mon médecin traitant, le quad, et un autre acteur qui arrive après. J'avais trouvé un moyen de décompresser, de ne plus sentir les vibrations ni les fasciculations, les spasmes la nuit avaient naturellement diminué. Il ne me restait que les douleurs. Le troisième acteur, c'est la codéine.
J'ai commencé à prendre du Codoliprane. Ma consommation était alors de six comprimés par jour. J'ai augmenté jusqu'à atteindre les dix comprimés par jour. Je ne voulais surtout pas dépasser les quatre grammes de paracétamol quotidiennement, mais ce n'était pas toujours assez efficace. Alors j'ai commencé à faire des CWE en août. Merci Psychonaut. Sans vous, je serai mort d'une hépatite cet été là.
A partir de là j'arrête de compter en comprimés, car ça n'a pas d'intérêt. A la fin du mois d'août, je prenais 400 mg de codéine par jour. Je faisais une préparation à l'avance pour la journée que je prenais en trois fois, matin, midi et soir. J'ai continué ce rythme infernal tout en réussissant progressivement à diminuer les doses. Les douleurs se faisaient plus rares, et pendant l'automne, j'ai réussi à redescendre à 200 mg par jour. A partir de là, j'ai arrêté les CWE pour reprendre les comprimés, tout en passant au Klipal pour diminuer la quantité de paracétamol que je prenais. Ma vie est redevenue tout à fait ordinaire progressivement. Les fasciculations, les paresthésies n'ont jamais disparu mais ont diminué à un point où elles devenaient supportables. J'ai appris à vivre avec. Quand je pense qu'au début une seule me faisait paniquer. Pendant cette période d'enfer au début, j'en avais des milliers par jour jusqu'à ce que ça en devienne douloureux. J'étais désormais revenu à quelques centaines les meilleurs jours. Je gérais les douleurs avec deux boites de Klipal par semaine. J'ai continué ce petit jeu pendant plusieurs mois, c'était devenu pour moi complètement habituel. Je savais très bien que je ne pourrais pas arrêter comme ça, parce que j'en avais besoin, mais aussi parce qu'au fil des jours je sentais la dépendance s'installer. Je n'ai jamais ressenti le danger. A tout moment je pouvais aller dans n'importe quelle pharmacie et avoir mon traitement en vente libre.
Et qu'est ce qui m'a tué ? Comme nous tous, Madame Buzyn, en juillet 2017. A cause d'une gamine suicidaire.
Je suis navré si je parais brutal, sans doute qu'elle avait tout autant ses raisons de prendre la codéine que moi, mais j'ai maudit cette fille. Quand j'ai appris l'interdiction, j'ai passé deux après-midi à faire le tour des pharmacies. J'avais récupéré une trentaine de boites. Je ne sais même plus en combien de temps je les ai consommées, mais quand je me suis retrouvé en rupture, j'ai dû me rabattre sur d'autres choses. Essentiellement sur du tramadol. J'avais une petite réserve que j'avais constitué au fil des années en prévision d'un tel événement, mais j'avais l'impression qu'il ne faisait pas grand chose. Tout juste il soulageait le manque pendant le sevrage de codéine. J'ai réussi à tenir sur mes réserves, en glanant à droite à gauche chez des amis qui avaient quelques cachetons. Je vous explique même pas à quel point je me sentais toxico quand je faisais ça. Le meilleur moment de cette période, c'est quand j'ai réussi à me procurer une boite de Dicodin LP. J'en prenais un le matin et un le soir une heure avant de dormir, c'était ce que j'ai trouvé de mieux. Mais on ne va pas loin avec une boîte.
Et puis j'ai changé de poste et je me suis fait embaucher à un endroit où la pharmacie était dotée en Dafalgan Codéine. Je n'ai pas résisté longtemps avant de troquer mon tramadol contre quatre comprimés effervescents par jour. Je ne sais même pas par quel miracle personne n'est venu me demander pourquoi j'en prenais autant. J'ai eu un automne assez tranquille, puis en Décembre, comme pour l'anniversaire, mes fasciculations se sont à nouveau énervées et les douleurs sont revenues plus fortes. J'ai fait la grippe en décembre et ce malgré la vaccination en octobre. Je suis presque certain que c'est ça qui a réactivé le problème comme je suis presque certain que c'est ce qui a démarré la machine en 2014.
Et puis mon contrat s'est arrêté. Un simple souci budgétaire sans rapport avec ma condition, je vous l'assure, mais ça a eu l'effet de me priver à nouveau de codéine. Et je me suis re-rabattu sur le tramadol...
Nous voilà en Février 2018. Comme on se rapproche, je vais arrêter de parler au passé. Je tourne à 150 mg de tramadol par jour. J'ai fini par venir à bout de ma réserve de Topalgic 50 à libération immédiate, alors j'ai commencé à écraser des comprimés LP 100 que je coupe en deux. J'ai mis quelques semaines à comprendre l'étendue de ma connerie et l'intérêt d'une libération prolongée. Mais finalement, j'ai besoin parfois d'une libération rapide alors j'alterne entre des comprimés entiers et de la poudre de fraction de comprimé. Récemment, j'ai du mal à le prendre. Parfois ça va et parfois une dose standard me donne des nausées. J'ai du me résoudre à prendre du Motilium en même temps.
Mais je commence à manquer de tout. J'ai voulu diminuer pour allonger la durée de vie de mon stock. Pendant la nuit de lundi dernier, mon pote le serpent est revenu dire bonjour à mon mollet gauche. Je n'ai pas dormi de minuit à quatre heures du matin. J'avais envie de cogner dans le mur pour penser à autre chose, et j'écrasais mon mollet de toutes mes forces avec ma main parce que bizarrement, ça soulage. Alors j'ai fait ce que je m'étais pourtant promis de ne pas faire. Je suis allé chercher dans la réserve interdite qu'un pote m'avait donné, des comprimés si vieux qu'ils sont bientôt périmés, que j'ai eu pendant des années sans vouloir y toucher parce qu'ils me terrifient... et j'ai sorti l'oxycodone. J'ai pris un Oxynormoro 10, et j'ai dormi. Le lendemain j'ai repris le tramadol et les douleurs étaient moins fortes, mais j'avais en tête ce que j'avais fait la veille. Finalement j'ai fini par en reprendre. Et j'ai trop peur de ma situation actuelle. Trop peur d'en prendre trop et de me tuer avec. Trop peur de me faire arrêter avec ça sur moi sans ordonnance. Trop peur de tomber en rupture de stock et de souffrir.
Ce matin je suis allé chez le médecin. Je lui ai demandé un autre examen neurologique qui n'a rien montré de nouveau. On a discuté, j'ai fini par simplement lui parler de la codéine et il a tout de suite dérivé sur les dangers d'une consommation de longue durée. Sur le nombre de personnes qui en deviennent dépendants. Je n'ai pas osé insister, je sais reconnaître quand un débat n'ira nulle part. Je suis reparti avec une nouvelle ordonnance pour un bilan sanguin qui sera sans doute normal, et une prescription d'Izalgi. Mon docteur est très bon, mais il ne sait pas tout ce que j'ai essayé. L'Izalgi comme la Lamaline ne fait pas plus d'effet que le Doliprane seul.
Je suis revenu ce midi, j'étais énervé et j'avais mal aux jambes. Je me suis assis devant un bureau vide comme pour réfléchir. C'était supportable mais presque par pulsion destructrice, j'ai ouvert un autre Oxynormoro. Cette fois un 20 mg que j'ai coupé en quatre. A l'heure où je vous parle, il en reste la moitié. J'en ai marre. Je ne veux pas continuer l'oxycodone. Je ne saurais même pas où m'en procurer plus que les quelques comprimés qui me restent, et chaque jour qui passe, je prends un peu plus le risque de rester accro à ce truc. Je suis passé en quelques jours de "jamais j'y touche" à "seulement ce soir pour l'urgence" jusqu'à "allez on coupe en quatre et on prend sur la journée". Vous avez dit gateway theory ? Tout ce que je voudrais c'est retrouver mes Klipal, comme l'année dernière.
Voilà, désolé, j'ai été super long. Je suppose que c'était nécessaire et j'en avais envie. Mais je ne sais pas comment je vais continuer. Je me vois mal arriver chez le médecin et lui dire "ah au fait, va falloir trouver mieux que Izalgi parce que j'en suis au palier 3 là". Au fond il y a ici tout ce que je voudrais pouvoir lui dire, mais je n'en ai pas le courage. Qu'est-ce que je vais faire ?
Merci à ceux qui m'ont lu.