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Comment le cannabis module l'expérience psychédélique en fonction de la dose

  • Auteur de la discussion Auteur de la discussion Sorence
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Sorence

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11/10/22
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Salut ! En bossant pour Mixtures je suis tombé sur cette étude plutôt intéressante que j'ai souhaité partager parce qu'il y a des graphiques sympas.

https://doi.org/10.1007/s00213-021-05999-1

Ça porte sur la façon dont le cannabis module l'expérience psychédélique en fonction de la dose (de cannabis).
Par psychédélique, on entend ceux qui jouent sur les récepteurs à sérotonine, et en particulier 5HT2A.

Méthode

Prohibition oblige, la méthodo ne colle pas au "gold standard" de l'étude expérimentale en double-aveugle. En effet, on ne peut pas donner comme ça des drogues illégales à des gens, ça demande plein d'autorisations, plein de soutiens, plein d'argent et cetera.
Ici, les chercheurs contournent le problème en trouvant des usagers de drogue qui prévoient de prendre un psychédélique dans la semaine. Donc, ce ne sont pas les chercheurs qui fournissent le produit.
L'avantage, c'est que ça n'est pas de leur responsabilité. L'inconvénient, c'est qu'ils n'en contrôlent ni la pureté ni la dose. Donc on ne sait pas si les personnes ont vraiment consommé du LSD et pas plutôt du AL-LAD par exemple. C'est peut-être pour ça que l'étude se focus sur les psychédéliques en général et pas sur un produit en particulier. En effet, des effets psychédéliques, pour le coup ça se reconnaît, quel que soit le produit.

Une semaine plus tard, les chercheurs demandent aux usagers de donner des détails à propos de leur prise : quel produit pensent-ils avoir pris, ont-ils mélangé avec du cannabis, et à une petite, moyenne ou forte dose de chaque (avec ce que cela a de subjectif, mais je trouve ça intéressant, puisqu'on s'intéresse aux ressentis subjectifs justement), et dans quel contexte.
Ensuite, ils leur demandent  de remplir des questionnaires à propos de l'expérience qu'ils ont eu. Les questionnaires sont standardisés, ils ont déjà servi pour d'autres études. On a ainsi le ASC-Vis, qui mesure la dimension visuelle des états de conscience modifiée ; le CEQ, qui mesure à quel point l'expérience a posé un défi / été difficile ; le MEQ, qui mesure la correspondance avec une expérience "mystique".

Au final, 321 personnes ont participé. La moitié ont pris du LSD, un tiers de la psilocybine, et les autres ont pris de l'ayahuasca ou de la DMT.
Les personnes qui ont pris un psychédélique seul, sans cannabis, (60% d'entre eux) sont le "groupe controle". Leurs réponses aux questionnaires ont été comparées avec celles de ceux qui ont mélangé avec du cannabis pour caractériser l'influence du cannabis sur l'expérience psychédélique.
Bref, c'est pas si différent que de lire 50 TR sur Erowid pour se faire une idée ; mais là, les gens ont leur expérience fraîchement en mémoire, ils répondent tous aux mêmes questions, et on peut faire une analyse statistique de leurs réponses.


Résultats et discussion personnelle

J'ai beaucoup aimé ce graphique :

213_2021_5999_Fig4_HTML.png


En abscisse (la ligne horizontale) on a la quantité de cannabis. En ordonnée (la ligne verticale) on a les échelles des différents questionnaires. Chaque point est la réponse d'un usager. La forme bizarre et verdâtre représente la façon dont les points se regroupent : plus il y a  de point à un endroit de l'échelle, plus la forme est large à cet endroit.

Ce qu'on remarque tout de suite, c'est que les expériences sont vraiment très diverses. Sans cannabis, les points se répartissent harmonieusement, sauf dans le cas du CEQ, où on voit que dans leur majorité, les usagers n'ont pas été mis en difficulté par leur expérience de psychédélique.
Ensuite, on voit que globalement, le cannabis augmente tous les scores. Dissolution de l'ego, expérience mystique, effets visuels... Par contre, la répartition des points reste globalement la même quelle que soit la dose, même si ça devient difficile à dire à mesure que la dose de cannabis augmente, parce qu'il y a moins de cas.
Honnêtement, je m'attendais à une augmentation plus spectaculaire, car dans la façon dont les gens racontent ce mélange, on a l'impression d'un blast. Sauf qu'en fait, ce résultat est une moyenne. Il y a aussi plein de gens qu'un joint calme, ou qui ont une tolérance, ou qui fument des variétés plutôt douces. Du fait que les expériences soient si diverses, la moyenne évolue lentement.

La seule échelle sur laquelle la courbe n'est pas linéraire, c'est celle de l'expérience difficile. On voit que en moyenne ça baisse avec une petite dose de cannabis, et réaugmente avec une forte dose. C'est le fameux "joint de trop" qui mène au bad trip. Donc là on a une grande diversité à la fois dans les expériences pour une même dose, et entre les doses de cannabis. Le cannabis est à la fois anxiogène et anxiolytique.
On imagine bien que pour les individus, ça donne des résultats très incohérents. D'où l'importance à la fois de connaître son rapport personnel à chaque produit, et de rester précautionneux sur les quantités.

Le dernier point, celui de l'expérience difficile, a été investigué plus en détail, parce que quand même, c'est marrant/bizarre cette courbe qui n'est pas linéaire. On a envie d'en savoir plus sur ce que les gens ressent exactement. Ça a donné ce graphique :

213_2021_5999_Fig5_HTML.png


À chaque pointe de l'étoile, le sentiment inconfortable étudié : chagrin, détresse physique, impression de devenir fou, de mourir...
Et ensuite, sur chaque branche de l'étoile, on a la moyenne des ressentis des usagers en fonction de la dose.
En bleu, sans cannabis. En vert clair avec une petite dose, et plus le vert devient foncé, plus la dose de cannabis est haute.
Je ne pense pas qu'il y ait suffisamment de monde dans l'étude pour que ce niveau de détail-là soit généralisable. Néanmoins on voit bien comment globalement et en moyenne, un petit peu de cannabis (quelques taffes sur un joint, j'imagine) va faire baisser les valeurs négatives ; et par contre, beaucoup de cannabis (disons un pur) va dépasser les augmenter au-delà de ce qu'on aurait ressenti avec seulement le psychédélique.

Les auteurs notent qu'ils serait intéressant de savoir à quel moment de leur trip les usagers ont fumé du cannabis.

Bon je suis trop crevé pour faire une conclusion. Mais voilà, c'était intéressant. À quand des études expérimentales sur 10000 personnes :rolleyes:
En bonus la fiche Mixtures dont j'ai accouché entre-temps : https://mixtures.info/fr/combo/cannabis+lsd/
 
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