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CE BESOIN DE TRANSE (PARFOIS JUSQU’À L’OUTRANCE)

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CE BESOIN DE TRANSE (PARFOIS JUSQU’À L’OUTRANCE)


Les paragraphes entre guillemets sont tirés de cet article : https://www.cairn.info/revue-psychotropes-2006-3-page-163.htm


Tout est vibration, onde et mouvance, et cela se perçoit en particulier sous l’influence de drogues procurant des effets dits psychédéliques.

Cet article propose d’aborder quelques points de vue sur ses volontés de se transcender, de s'élever au-dessus de ce que l’on sait, de ce que l’on croyait savoir, au dessus de sa pensée après l'avoir traversée en gagnant en connaissances intuitives et sensorielles. Spirituellement, il s’agit de pénétrer dans les régions supérieures de son esprit, de s’aventurer dans ce que l’on pourrait nommer sa supra-conscience, c’est à dire ce lieu psychique où s’élabore ses visions du sens de la vie, ses missions de vie propres, lorsque après s'être décentré de sa petite personne, l'on se sur-centre dans une connexion avec le cosmos. A la recherche de sacré, c’est bel et bien la dimension religieuse en soi que l’on expérimente dans la transe.

L’on peut alors se demander pourquoi vouloir se dépasser en allant au delà de ses possibilités, tendre à surpasser ses capacités intellectuelles en usant de ses facultés intuitives et sensorielles, quitte à se perdre en espérant mieux se retrouver dans une reconnexion à la nature autour de soi, en soi ? Ne s’agit-il pas de renouer avec sa part animale afin de mieux saisir sa part humaine, et ainsi appréhender ses aspects culturels et cultuels ?

Mais encore quels intérêts à expérimenter des états d’exaltation nous transportant hors de nous-même, dans des communions avec des ailleurs ? Pourquoi chercher à sortir de soi en s’aventurant dans des au-delà, qui s’ils sont excitants sur le moment, peuvent aussi subjuguer et laisser interdit l’usager ? Que faire de soi lorsque l’on découvre ses parts déterminées face à l’adversité de son vivant au sein d’une humanité partageant les mêmes questionnements existentiels ? Qu'en est-il du rôle que chacun aspire à définir pour s’inscrire dans sa destinée ?


LA PREMIÈRE FOIS DANS LA TRANSE, UNE EXTASE PARTICULIÈRE

Comment réagissent son corps et son esprit lors de sa première fois ?

Pouvant déterminer à tout jamais ses relations à la consommation de drogue, la première fois que l’usager se voit transcendé lorsqu’il passe un cap mental en faisant preuve d’esprit dans une lucidité qui peut être aussi jouissive qu’angoissante, son corps accepte ou non ce décrochage sensoriel, émotionnel et intellectuel. Souvent la première fois est terrifiante quand l’usager naïf a abusé sur le dosage, et ce sans respecter un set&setting approprié. Si embarqué dans une défonce qu’il ne maitrise plus, alors dissocié et spectateur de lui-même il éprouve des ressentis désagréables en percevant des signaux d’alerte en lui, impression d’étrangeté jusqu'à la possible sensation de perdre la raison en sombrant dans la folie. A partir de là certains abdiquent face à de telles décharges de sensations fortes, traumatisés par l’éprouvante expérience, quand d’autres transforment la souffrance endurée en un plaisir leur procurant d’agréables sensations. Ils tendent dans cette volupté d’une intensité sensorielle supplémentaire à redéfinir les aspects désagréables de la défonce en des sensations appréciables, voire jouissives (entre ces deux extrêmes se retrouve tout un tas d’appréhensions nuancées bien évidemment). Chaque usager opère donc un travail introspectif quand aux effets physiologiques endurés au cours de la transe.

Sa première extase, un moment crucial qui devient un idéal

Dans le cas où l’usager apprécie déconnecter en s’exaltant de ressentir une puissance jusque là inconnue, il faut bien comprendre que cette jouissance absolue ne sera jamais ré-atteinte. Les transes suivantes seront déterminées par la recherche de l’idéal que l’usager s’est fait de sa première fois dont il a apprécié les effets, bien que paradoxalement il ait subit sa défonce (angoisse de morcellement ou de chute, peur de mourir ou de devenir fou, vomissement, déréalisation, sur-maximisation de son moi, autant d’effets perturbants qui peuvent néanmoins marquer positivement l’usager en quête de sensations fortes). Plus l’expérience de transe est brutale, plus elle s’inscrit en l’usager qui en mémorise les effets pour toute sa vie, tel un traumatisme. La dissociation aidant à en altérer le souvenir au point de l’idéaliser, c’est avant tout l’effet de surprise qui le poussera ensuite à retrouver ce qui l’a bouleversé, ce qui l’a ébranlé dans tout son être d’une manière insoupçonnée et inégalée. L’usager cherchera donc à revivre cet état de plaisir absolu quitte à augmenter les doses, en prenant des risques et en s’aventurant dans un terrain glissant menant à l’addiction s’il altère son système de récompense d’une manière irréversible.

La pensée distancie de l’expérience dans une abstraction s’appuyant sur ses mémorisations de ses ressentis sous influence

« L’individu qui rencontre l’expérience traumatrice ne sait pas à quoi il s’attend. Il est mû par la curiosité. Lorsqu’il ressent l’extase, il reçoit des quantités d’endomorphine et de dopamine inconnues de lui jusque-là. Puis vient le « manque » (au sens toxicologique du terme). Cette extase, il va chercher à la reproduire, mais la jouissance initiale reçue en situation de virginité mentale et mémorielle est à jamais perdue car elle est désormais pensée, transformée par la trace mnésique, par l’image, par le discours, par l’Autre (lieu de primauté du signifiant). Cette expérience contribue à son édification. L’Autre originaire devient intouchable car c’est la demande, altérée par le souvenir, qui devient première.
La première jouissance d’origine psychotrope, cette sensation de plaisir maximalisée engendrée par les substances psychoactives, tout particulièrement par celles permettant la saturation des capteurs dopaminergiques, se fait sans point de comparaison. Elle ne passe pas par une réflexion langagière. Le langage crée le souvenir, un leurre que le sujet prend pour l’expérience extatique. C’est ce leurre qu’il va chercher à retrouver en reproduisant l’expérience mais, comme ce leurre n’est pas ce qui s’est réellement passé, il va être déçu. Le langage, l’intellectualisation le maintiendront toujours hors de cette jouissance originelle. L’exercice de la transe affaiblit la juxtaposition pensée/langage. Elle permet donc de s’approcher de la jouissance première. On peut penser que la transe est source de jouissance et catalyseur, potentialisateur de jouissance. »

L’expérience émotionnelle à laquelle personne n’est vraiment préparé ne peut jamais être décrite que de façon métaphorique puisqu’elle s’impose hors de tout raisonnement et de tout langage.


LA TRANSE VA AU DELÀ DU LANGAGE, OU DE LA VOLONTÉ D’ÊTRE UNE SENSATION PURE

A ce stade du trip l’on comprend que l’usager cherche en vérité à faire taire la petite voix qui parle en soi

En cherchant à être une sensation pure, l’usager surpasse le stade de la pensée réfléchie dans son esprit et descend plus en profondeur dans son corps, au delà du langage. La saturation des capteurs dopaminergiques provoque l’état de transe où le souvenir de sa première expérience ressurgira comme un idéal à atteindre, que ça soit par une simple image mentale portée par de puissants affects, ou une verbalisation de l’image lui donnant d’autant plus de sens grâce aux mots associés. Aussi plus la transe est intense, plus la pensée se dissocie du langage dans une fuite dans le sensationnel, dans l’affectif qui prend part de l’esprit (impression que tout est mouvant, ondulant, vibrant, sans qu’aucun mot rationnel ne vienne distancer l’esprit de cet imaginaire irrationnel qui le berce). Dans la transe, la moindre pensée, le moindre mot peut faire perdre la magie du trip, tout comme une pensée peut orienter le délire dans toutes les directions, mais aussi sauver l’usager d’un bad trip. Tout est une question d’équilibre, d’un savant laisser aller lors d’une création artistique de soi dans le kiffe de la transe, jeu dangereux dont chacun écrit ses propres règles selon le prix qu’il est prêt à en payer.


TEMPS ET MUSIQUE DANS LA TRANSE

Nier l’espace et le temps pour gagner l’éternité du moment présent

La saturation des sens créée la transe, en réduisant la juxtaposition du langage et de la pensée, lorsque l’esprit s’emplit de puissantes vagues sensorielles et émotionnelles, au détriment du langage donc. La transe est souvent suscitée par de la musique poussée à un fort volume sonore assourdissant et pouvant devenir tactile, mais aussi avec des jeux de lumière (flashs, lasers) dans le cas de fêtes organisées. Alors en l’esprit en transe s’abolissent les frontières habituelles du temps et de l’espace, transformant la réalité en un tableau en deux dimensions, où tout se superpose dans une harmonie se rapprochant d’un absolu. Momentanément la réalité est fixée dans une image mentale qui se veut éternelle en étant la vérité ultime de ce moment présent. L'usager semble retrouver l'idéal recherché dans l'illusion de la perche dans laquelle il croit s’élever.

L’on peut alors se questionner sur ce besoin d’écouter de la musique jusqu’au bout du délire, jusqu’à saturation de soi ? Pourquoi ce besoin physiologique d’être porté par le son, de sentir des sonorités vibrer avec force et intensité en soi ?

Une première réponse serait que cette pratique de la transe calme l’usager en canalisant et sublimant ses angoisses, qui peuvent ainsi s’exprimer sans peur dans la danse par exemple. Quoi de plus plaisant que de s’échapper dans une danse où le corps et l’esprit ne font qu’un dans une parfaite symbiose avec l’univers ? Une fois gagnée cette harmonie dans l'éternité du moment présent, la musique devient la solution contre la peur du vide, contre l'appréhension de son propre néant intérieur. Pour s’en rendre compte, il suffit en pleine transe de couper subitement la musique et de sentir le poids de la gravité nous renvoyer à notre condition d’humain pensant avec raison et réflexion. L’angoisse totale.

Plus à propos du pouvoir de la musique dans la transe

Ce qui pousse à la transe est la répétitivité musicale, la scansion du temps qui hypnotise l’esprit et possèdent le corps dans des boucles sensorielles/mentales en nous envoyant vers l’infini et l’au-delà. Le délire nait de cette sensation de sécurité dans la répétition, dans cet accompagnement sonore qui prend le corps et l’esprit de l’usager par la main et le mène vers des ailleurs où il se relâche, et renoue avec des parts de lui-même qui en temps normal ne peuvent être exprimées (la transe au bureau ça la fiche mal, c’est préférable chez soi ou en soirée appropriée). En plus de s’aliéner dans des rythmes répétitifs, l’usager peut se voir procurer de très fortes sensations et émotions par des jeux musicaux de tension/détente appelés breaks. La musique se saturant le corps se tend, et lorsque celle-ci se libère l’usager se détend, la décharge pulsionnelle et dopaminergique provoquant le plaisir associé. On retrouve là le phénomène de montée et de descente qui fait danser les foules, mais pas besoin de tous lever le bras, on n'est pas à Ibiza.

Pour Michel Maffesoli : « répéter revient à nier le temps, c’est le signe d’un “non-temps” […]. La scansion du temps, on le sait, est une pratique de pouvoir particulièrement efficace, des monastères aux usines en passant par les diverses institutions d’éducations, les historiens nous ont montré sa naissance, son développement et son emprise croissante. »

« Le temps est lié au sensible en tant que forme de l’intuition humaine selon la conception kantienne, c’est ainsi qu’il n’y a rien en soi en dehors du sujet. La réalité empirique est alors le fait de la représentation de l’individu. La durée est différente du temps, d’où l’instant éternel. Quand toute angoisse est suspendue, le temps s’évanouit avec elle. Lorsque que l’extase s’arrête, le souvenir et la connaissance d’une telle chose demeure, même si le cerveau cherche à rétablir un équilibre à l’aide de l’oubli, et peut se renouveler. Savoir que l’on peut renouveler une expérience d’interruption du temps met à l’abri du temps. »

La transe (individuelle ou collective) en tant que muraille protégeant l’usager de la réalité, du regard d’autrui

« Ces excitations sont reçues par un psychisme altéré par la prise de substances psychoactives. Tout cela participe à la construction d’une expérience originale, forte, traumatisante. Paradoxalement, elle est en même temps construction d’une muraille qui va permettre, à l’abri de celle-ci, la transe. Cette muraille est sonore. Gori la définit ainsi : « Le trop-plein de signes et le trop-plein de sons construisent une fausse peau, une douve sonore, un matelas pneumatique qui – tel des murailles – protège le Soi d’une communication perçue comme une intrusion menaçante pour les limites du Moi. » Observons incidemment que la population que nous étudions fait partie d’une génération qui utilise massivement le walkman, muraille personnelle envers le monde extérieur. Nous sommes en partie d’accord avec Gori, mais nous observons des différences dans le cas particulier qui nous intéresse. Dans le cadre de danses collectives, la muraille sonore protège le groupe dansant et permet à l’effervescence de s’exprimer hors du sentiment de trac face à l’hypothétique jugement d’un regard extérieur. La muraille sonore offre un entre-soi aux danseurs. La saturation visuelle, l’aveuglement des danseurs sous les lumières répond à un même confort. C’est une vieille technique de comédien intimidé que de demander à l’éclairagiste de l’éblouir pour qu’il ne voie pas la salle. »


APPRENDRE A SE MAITRISER DANS LA TRANSE - Technique pour transformer la douleur en plaisir via la création/sublimation de soi

« L’usage des produits est lié à la perte, comme à l’accroissement, du contrôle sur soi. Christophe Moreau parle de « technicisation de la satisfaction pourtant manifeste dans les toxicomanies, et qui vise certainement à amplifier le plaisir escompté tout en diminuant la douleur qui l’accompagne inévitablement (accentuation du bien, minimisation du prix) ». Si l’on prend des substances psychoactives pour accéder à des sensations nouvelles, surprenantes et donc partiellement incontrôlées, les consommateurs réguliers développent assez rapidement des techniques de potentialisation des effets jugés positifs et de protection contre les effets jugés négatifs. Mais contrôler les effets, surtout lorsqu’on pratique la polyconsommation et à forte dose, est un vrai exercice de contrôle de soi. De plus, parce que les substances psychoactives agissent sur les émotions, les sensations, il est fréquent que les consommateurs les utilisent dans le but de contrôler leurs états d’âme. Cela va du simple usage, pour ponctuellement aller mieux ou aller moins mal, à des expériences beaucoup plus sophistiquées. »

Il peut ainsi y avoir un travail éthique et esthétique dans la prise de substance quand à ses comportements, aux apparences que l’on renvoie, lorsque l’usager apprend à s’accommoder des mécanismes de défense de défense de sa personnalité en découvrant ses forces et vulnérabilités via ses limites, en explorant les frontières de son moi.

A la recherche du sublime pour gagner de nouvelles illusions, deux mouvements de l’extase religieuse

« Cette tentative de maîtrise des substances psychoactives se combine avec la tentative de maîtrise de la transe, pour des buts de bien-être ou des buts de création, création qui induit encore un besoin de maîtrise. « Quand l’esprit est devant l’unité suprême, tout est oublié, l’union s’accomplit dans le mystère. Nous retrouvons, dans notre extase areligieuse, les deux mouvements de l’extase religieuse, celui, négateur, qui nous vide, dissipe notre personnalité, fait évanouir notre moi (dissolution dans la dissociation) ; celui, constructif, qui nous enrichit, qui nous emplit d’une chose ou d’une personnalité étrangère, qui met à la place du vieux moi un moi nouveau, en particulier chez les artistes dans leur communion avec la beauté elle-même. »

Dans une dynamique de renaissance, de reconnexion à soi et de dépassement de soi, l’on retrouve cette exploration des frontières de son moi, qui lorsqu’on les repousse élargissent notre champ des possibles, notre personnalité gagnant en ouverture de corps et d’esprit. C’est la sculpture de soi.


TRANSE, AUTOMÉDICATION, DISSOCIATION, DÉPERSONNALISATION ET DÉRÉALISATION

« Pourquoi la transe ? Elle apparaît donc comme une automédication. Les expériences psychologiques sont relativement mal vues par notre société moderne. Les élans mystiques et collectifs dans le cadre des sociétés rationnelles sont d’abord perçus sous l’angle psychopathologique. Il est de plus tentant de les associer aux dérives sectaires. La transe technoïde échappe à cette critique par son agnosticisme radical. Il y a bien eu une branche de la techno, la Goa, qui a pu aller chercher des explications dans la philosophie new-age, mais le mouvement est devenu minoritaire et sa facilité à être récupéré par le secteur marchand a participé à sa décrédibilisation auprès du milieu techno free party. »

On comprend aisément qu’au delà d’une pratique encadrée par le système totalitaire marchand, est perçu comme marginal tout usager pratiquant dans son coin ou en groupe des états de transe pour se soulager du poids de son existence, de ses angoisses de vie et de mort, de sa haine du système. La reconnexion à soi corporelle se fera par le biais d’une introspection sensorielle, pouvant déboucher sur une introspection plus mentale en réincarnant son esprit dans son corps, par exemple après s’être confronté à ses hontes (d’origine corporelle) en arpentant ses culpabilités (liant le corps à l’esprit dans la construction de ses valeurs morales d’origines physiologiques). Ce qui pose problème étant le fait d’user de drogues pour pratiquer cet exercice introspectif déviant l’objet de sa transcendance. Autrement dit l’usager réfléchissant à ses aliénations, aux conséquences de ses comportements via la transe, peut en venir à vouloir se détourner du fait d’être un consommateur nuisible pour lui-même et toute la biosphère, en cherchant à ne plus surconsommer toutes sortes de denrées inutiles, toxiques et polluantes, produites par une économie irresponsable et supportée par des idéologies abjectes.

Mais sans plus s’intéresser aux intérêts égoïstes de sa servitude volontaire, voyons comment la transe permet de s’en émanciper

L’expérience de transe introspective reviendrait à plonger en soi avec une caméra sensitive, depuis son esprit conscient jusqu’aux portes de son inconscient, après avoir dépassé quelques barrières psychiques et autres censures au niveau de son préconscient. Une fois le breakthrough atteint, le grand miroir de ses apparences franchi, l’usager qui n’a plus peur de ses propres jugements moraux ose se voir tel qu’il est, en ayant la possibilité d’observer son être en profondeur. Au delà de la surface de ses apparences, il peut commencer à décortiquer la multitude d’agencement des fils composant la broderie de sa vie. C’est l’auto-analyse fine et lucide à partir d’auto-observations sensibles et subtiles, lui permettant d’être en phase directe avec ses humeurs, ses valeurs morales, ses motifs internes et volitions (ses prises de décision viscérales qui l’orientent vers son avenir en devenir).

L’usager peut ainsi dévoiler les masques de son moi à chaque nouveau caractère révélé en lui-même, mais attention à ne pas se faire peur, à ne pas se perdre en ouvrant trop de portes dans ses perceptions sur soi ou sur le monde. En réaction à une poussée d’angoisse faute de se représenter une trop puissante intuition par exemple, le corps s’effraye et l’esprit qui ne suit pas se dissocie dans une mise à distance des affects inexprimables de part leurs contenus trop chargés (action de refoulement salvatrice). Dans le pire des cas l’on assiste à un apparent syndrome autistique quasi catatonique (paralysie lors de la transe). Ce serait la dissociation cortico/sous corticale qui expliquerait la symptomatologie de la dépersonnalisation et de la déréalisation ainsi que les modifications cognitives, mnésiques et affectives. Autrement dit cela ne sert à rien de trop pousser sur les dosages et les mélanges, si c’est pour ne se souvenir de rien du tout en gardant un sentiment honteux de s’être auto-violer le cerveau par pure bêtise sur fond de volontés auto-destructrices.


TRANSE ET POINT NODAL DE SON SENTIMENT D’EXISTENCE

Dans la continuité de ces articles (https://www.psychonaut.fr/Thread-Trip-or-treat-5-Sur-la-perte-de-l-ego et https://www.psychonaut.fr/Thread-La...-Vie-mort-renaissance-et-matrices-périnatales) essayant d’expliquer le phénomène de vie/mort/renaissance par les investissements/désinvestissements narcissiques, intéressons nous aux raisons poussant l’usager à rechercher un état de mort intérieure en consommant de la drogue, également abordé dans cet article (https://www.psychonaut.fr/Thread-Le...-5-EGO-DEATH-ou-voir-la-matrice-intuitivement).

Au delà des hallucinations et autres visions, il existe un stade où l’on dépasse son imagination en pénétrant un état d’omnivoyance absolue lorsque la vérité ne peut plus être que sentie en étant non perceptible par l’esprit (donc non ressentie mentalement, non exprimée verbalement). Stade ultime comparable au fait d’avoir cramé sa conscience, d’être comme mort, sans plus aucun sentiment d’exister en soi, par soi. Il n’y a là pas le plaisir d’un flash, d’un puissant rush, il n’y a juste plus rien de vivant en soi, un peu comme lors d’une overdose lorsque le cerveau décroche et que l’esprit abandonne le corps, on se met à faire des bulles dans sa gorge et ça commence à craindre. Bref à moins d’avoir des tendances suicidaires et de se complaire dans un sombre masochisme, cet état n’a rien d’enviable, ni rien d’intéressant psychonautiquement parlant à part le fait d’expérimenter le fait paradoxal que dans l’expérience absolue du tout, on ne voit plus rien du tout. Peu utile donc de trouver l’obscurité quand le but initial était de gagner en luminosité.

Sans aller aussi loin dans la dissociation transcendantale, il y a un possible état de lucidité où l’usager maximise ses intuitions en arrivant à percevoir des totalités. Habituellement l’esprit voit les choses dans leur particularité, classant les objets pensés dans des cases ou se les représentant sous forme de concepts/d'idées préconçues, mais au contraire ici l’esprit englobe les opposés et les contraires dans un tout cohérent, en gagnant un immense recul. Mais arriver à rendre intelligible ses perceptions sensibles n’est pas donné au premier venu, tant la puissance de ses révélations illumine et fascine l’usager ayant l’impression d’avoir tout compris, quitte à passer pour un fou qui en aurait trop prit en cherchant à partager ses découvertes avec le commun des mortels. Néanmoins dans ces visions d’ensemble l’usager qui a trouvé des conjectures dans les opposés peut relier entre eux des points de vue très distants en apparence, mais très proches lorsqu’on les aborde avec de nouvelles perspectives moins morales, moins emplit de préjugés et autres biais cognitifs qui abêtissent.

Mais attention à ce savoir acquit par illumination, à ce sentiment d’évidence qui renforce son égocentrisme en gonflant son orgueil d’une bulle de présomption apparente tant que l’on n’est pas à même d’expliquer le pourquoi du comment de son expérience transcendantale. Suite à nos premières fois l’on s’est tous plus ou moins fait avoir à tonitruer fièrement que l’on a vu la lumière, mais sans pouvoir partager cette lumière autrement qu’en tartinant son ego sur les esprits les plus crédules.

Contemplation et connaissance du troisième genre

Cette lucidité procurée par la transe provient donc d’un état où l’esprit est animée d’une formidable intuition permettant d’englober des points de vue aussi divers que distants, issus des profondeurs de ses sensibilités en créant du lien entre ce que l’usager a senti corporellement et ressenti mentalement. L’intuition après avoir émergée dans l’esprit sous forme d'un jaillissement, réfléchie l’état de son corps pensant, de son corps dont les récepteurs sont ouverts vers l’infini afin de se connecter à l’éternité du cosmos. D’où un savoir par illumination où la pensée devient une image composée de mille et un sens, jusqu’à perdre tout son sens dans l’abus de substance. Le troisième genre de connaissance selon Spinoza est une connaissance intuitive adéquate, qui perçoit et intellectualise les rapports entre les essences des choses sans même avoir à les expliciter. La puissance de la vision intuitive appuyée par des connaissances acquises se suffit à elle-même pour exprimer le monde, ses idées à propos de ses perceptions du monde (si vous êtes chaud du cerveau je vous conseille de vous renseigner sur la philosophie de Spinoza qui est aujourd’hui remise au goût du jour autant en politique qu’en sciences dures).

Mais attention (caute aurait dit Spinoza), au delà de la vérité de son illumination, l’usager est bon pour éprouver un état de mort intérieure, de retour à un état intra-utérin. Ainsi la transe peut à tout moment basculer dans le morbide, en s’appréhendant paradoxalement comme une forme de vide alors que juste avant l’usager se sentait plein de vie. C’est un des pièges au bout de sa quête de vérité, quand à trop chercher à donner du sens l’esprit ne trouve que de l’absurde, croyant ainsi que la vie est absurde alors que ce n’est que son avis sur la vie, sur sa vie, qui parait insensée en pleine phase de dépersonnalisation/déréalisation. Attention à cette confusion ethnocentrée. N’oublions pas qu’il n’y a rien que du néant au delà du point nodal de son existence, l’esprit n'y peut plus rien réfléchir d’autres que son ignorance à propos du réel inaccessible, son vide intérieur quand plus aucune illusion ne porte son âme désincarnée. Il n’y a là bas plus aucun désir ni volonté, juste un sentiment d’absurdité pouvant mener à la folie si un moi fragile n’anticipe pas une décompensation imminente face à une telle révélation nihiliste.


UTILITÉ DE LA RÊVERIE - Rêver pour accepter les vérités de la réalité

La transe n’est donc pas à la portée de tous, jeu dangereux elle traumatise en bouleversant corps et esprits. Seul le psychonaut mal dans sa peau et animée d’une puissante volonté de se changer saura endurer l’ébranlement de sa personne dans l’abus de drogue jusqu’à la transe. A partir de là la rêverie permet de digérer ce que la transe a révélé en soi, en facilitant l’introjection de toute sa libido  projetée hors de soi, et qui nous revient sous forme de connaissances sensorielles et intuitives. Cela prend du temps d’intellectualiser l’expérience en arrivant à poser des mots sur ses éprouvés, ses nouvelles sensations et émotions, ses renouveaux dans ses sentiments réactualisés et nous donnant l’impression de nous être redécouvert dans une reconnexion à soi. Ainsi pour boucler la boucle un long travail réflexif introspectif est nécessaire pour accepter sa nouvelle vision de la réalité, en composant avec ces savoirs acquis. Aussi la rêverie permet de sublimer les affects pénibles rencontrés, les désagréables remontées d’angoisses, avec une plus grande aisance de communication pour ceux qui feront un effort d’expression. Au final il ne s’agit que de prendre de la distance avec ce qui nous anime au dedans comme au dehors, entre sa vie psychique et le monde extérieur, en se préparant à accepter l’adversité et le tragique de l’existence.

Réduire la culpabilité de ses désirs en rêvant sous influence

Le désir qui se manifeste lors de phases de contemplation peut procurer des sensations voluptueuses en émoussant et érotisant les sens, d’où un éventuel sentiment de culpabilité. La rêverie par delà bien et mal, par delà toute morale permettrait ainsi d’atténuer ce que le désir et le plaisir peuvent avoir de culpabilisant. Alors si vous l'osez apprenez à profiter !


« Tout porte à croire qu’il existe un certain point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement » - André Breton​
 
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