TR relativement très long, je préviens ! Une expérience qui a changé ma vie...
C'était mon premier contact avec la drogue « dure »
Cela faisait 5 ans que j'avais commencé à fumer, je me suis ensuite retrouver à l'internat et me suis mis à fumer de plus en plus, puis à boire assez souvent en semaine.
Depuis peu, l'envie de prendre de LSD nous démangeait avec des amis, sans qu'on sache trop pourquoi, période Doors/Jefferson Airplane itou itou.
Festival Garorock 2008, je ne peux y aller. Le dimanche soir, nous prenons tous le train puis bus ensemble pour nous rendre à l'internat. Dans la journée, moi et Jean (noms modifiés hein), nous avions tous les deux reçus un message de Paul qui lui était à Garo et qui en gros nous faisait comprendre qu'il était vraiment sacrément perché. Nous le voyons débarquer : « les gars, c'est.. pwaaah ! Inimaginable ! » Mais ce petit malin nous apprend rapidement qu'il nous a aussi ramené une moitié chacun, alors nous, assez inconscient de ce que ça allait vraiment nous faire, et Paul ne voulant rien nous dévoiler, nous avalons ça dans le bus qui nous mène vers l'internat.
Il est 18h33. En fait, on s'aperçoit vite que non, il n'est pas 18h33 et que c'est l'heure du bus qui est bloquée, mais ce symbole restera jamais gravé en nous : il est 18h33, comme l'heure de la vérité, le temps qui se fige (depuis deux mois environ, chaque jour je regarde l'heure à 18h33)
Pas trop trop d'effets, puis le bus nous dépose devant le lycée, et quand j'en sors et que je pose un pied à terre, le monde se met à basculer d'arrière en avant et je suis juste.. impressionné. Une cigarette, quelques discussions, puis nous montons dans notre chambre.
Et là tout s'enchaine. Je ne suis pas tout à fait sûr de l'ordre des évènements mais je vais essayer de faire au mieux.
Paul nous explique alors que lui en a pris un entier et qu'il est perché depuis ce matin et a toujours plein d'effets. Rapidement, tout autour de nous commence à se transformer, mais sans qu'on puisse définir quoi. Nous allons aux douches, et là il y a des miroirs face à face, nous sommes complétement subjugués, puis, sans savoir pourquoi, nous prenons de l'eau dans un pichet et la faisons couler, parce qu'on trouve ça beau. Et nous sommes morts de rire.
Mais internat rime avec surveillant, et du coup, nous nous retrouvons vite à devoir aller dans nos chambres, tout en essayant de cacher au mieux notre état second.
La chambre est immense, elle s'élargit de tous les côtés, si bien qu'à un moment je me demande même si je serais capable de marcher jusque de l'autre coté tellement il me paraît éloigné.
Nos mouvements sont complétement décomposés, je vois 4, 5, 6 fois les gens, quand je passe mon bras devant moi le mouvement se fige dans les airs, je suis aux anges. Nous tripons très vite tous ensemble, musique, puis on s'amuse à jouer avec cette décomposition, en dansant dans la chambre, en regardant les points du plafond qui courent dans tous les sens, des notes de musique qui se déplacent sur des partitions, nous faisons aussi une cabane avec un drap de lit où il y a des vaches ailées en dessin sur fond bleu, et nous les voyons se déplacer... bientôt, Jean prend un encens, éteint la lumière, et les mouvements de la lumière rouge sont juste.. sublimes. Mais bon, c'est à cet instant que le surveillant rentre, nous promettons de faire moins de bruit, un compagnon de chambre qui n'avait pris lui explique qu'on est saouls de notre week end, mais que ça va aller. Bon, il faut faire plus attention.
Bientôt, l'internat s'endort et devient un terrain de jeu immense :
Pêle-mêle : les arbres dehors luisent d'une lumière orange, j'entends la musique même quand je ne peux pas l'entendre, j'essaie de parler, de définir ce que je vois mais j'en suis incapable, j'essaie d'écrire ce que je ressens mais ne trouve pas les mots, j'ai d'ailleurs beaucoup de mal à écrire autre que sur des coins de feuilles, et mes mots ne forment pas de lignes, mais vont dans tous les sens. Au départ, il y avait des gens « normaux » avec nous mais Jean en plante un avec un stylo (« hé, moi je sens pas la douleur, attends bouge pas jvais voir si c'est normal », bam, violent coup dans le bras), et nous n'arrivons pas à communiquer avec eux, ils ne nous semblent pas du tout accueillants, nous ne pouvons les comprendre et inversement, alors nous les faisons partir.
Puis, c'est la phase mystique qui commence. Je ne suis rien mais en même temps je suis tout, parce que j'existe et que je fais partie intégrante d'un monde qui m'est supérieur mais m'intègre en lui malgré tout. Et chaque chose est relié par des champs de force, que je vois, comme des auras qui circulent et se connectent entre elles, une harmonie qui me sidère.
A cette période de ma vie je n'allais pas spécialement bien, je m'enfonçais dans mon propre malheur et là je réalise que même si je ne suis pas grand chose, je suis, et c'est déjà énorme, et j'interagis avec le monde, qui reçoit aussi de moi.
Jean se met un peu à bader : le fait de voir Paul encore perché une douzaine d'heures après qu'il ait pris sont trip ne le rassure pas du tout, sachant qu'il a un devoir de français le lendemain et a peur d'être encore dans le même état, mais il arrive quand même à gérer son bad au bout d'un moment, même si parfois il a des petites remontées du style « mais vous êtes sur hein que demain ça ira mieux ?? »
Je vois l'Oeil. L'Oeil qu'il y a au dessus du monde. Je le vois, et c'est comme s'il me regardait aussi. Mais en fait non, il regarde le monde, mais je suis le monde.
Je vais à la fenetre, une très forte envie de sauter, pas par tendances suicidaires, juste ce besoin de liberté, d'espace, pendant un temps nous avons tous vécus ce mal être d'être enfermé dans une chambre d'internat et de ne pas pouvoir faire tant de bruit que ça : si je le pouvais, je hurlerais, pour que mon corps soit serein et libéré.
Je m'allume une clope, et la fumée est comme de la laitue, je la mache. Elle rentre en moi et je la sens se diffuser à travers mon corps, rentrer dans mes cellules. Je comprends son fonctionnement. Et fumer me dégoute alors, même si par la suite j'en fumerai d'autres pendant que je suis en train de triper, pour la raison que la fumée me nourrissait, l'impression de manger à chaque bouffée.
Je reçois un coup de fil, incompréhension totale alors je raccroche, et j'ai l'impression que mon portable s'est incrusté dans ma main. Dans le couloir, c'est comme si tout était en travelling compensé.
Nous écoutons le même cd en boucle depuis le début mais il ne nous lasse pas : d'abord « L'odyssée du réel » de la ruda, qui s'applique merveilleusement bien à la sensation que nous fait le Lsd, partir du plus petit pour voir des stades toujours supérieurs, mais qui restent reliés : nous, et le monde. Sinon, des Doors, et une chanson de la Raia, « dans un jardin », sublime.
Au bout de quelques heures les effets se mettent à un peu redescendre, même si les déformations sont toujours présentes, mais cette fois nous avons la force d'écrire, alors nous écrivons. Paul lui est parti dormir, ce qui rassure Jean, et nous restons tous les deux à écrire, écrire, tout ce qui nous passe par la tête. Petites phrases :
« L'être humain est le monde. Partie intégrante d'un immense Tout. La perception ne relève en rien de concret. Pas de concret. I feel the world. Je suis le monde. Ou plutot, je perçois chacun des fluides de ce monde, les sons, les images, out n'est qu'une onde qui se propage dans une flaque d'eau, la vie.
L'asile de fous est un asile d'être humains. (en l'occurrence, nous)
Tout devient apte à pure réflexion fluide.
Je perçois donc je suis.
Les Doors représentent la perfection sensorielle et visuelle la plus belle vécue à ce jour par ces miséreux humains que nous sommes et que le Roi Lézard contemple.
Dans le Tout se reflète l'absence du rien. L'être humain n'est finalement rien. Une simple particule, minuscule électron sur l'atome de l'univers.
La perception ne peut s'envisager comme quelque chose d'établi, c'est multiples fluides sans cesse en mouvement qui se croisent.
Dans l'Absolu, il n'existe que MOI. Je SUIS le Monde.
Impossibilité de compréhension. I feel the end. Je contrôle le monde mais les mœurs du monde me refusent.
Pas d'oppositions. Juste un enchevêtrement de plans de perception. Je suis car je crée...
Au dessus de la perception il y a le monde. Le monde est l'humain. L'humain n'est que perception simultanée en répétition.
L'univers me prend dans son immensité flagrante, l'onde se dévoile.
L'onde persiste. L'univers se détend. La création m'attend.
La ligne se trace, infinie, au loin sur cette feuille.
Outside. Pas de conscience des réalités, ni du danger. Juste différents plans de perception qui s'enchainent tels des fluides.
Se laisser emporter par le tourbillon de la vie et tracer ces mots, les plus beaux : je t'aime.
Sentir l'infini sans avoir peur.
L'Œil. Tout part de là, tout revient là.
Conscient d'être enfermé dans l'infini.
Les portes de la perception s'ouvrent, toujours plus évoluées, toujours plus simples, toujours plus complexes, toujours plus grandes.
Le jeu dans le jeu. Tout se répète ainsi à l'infini, il y a quelque chose au dessus qui nous gouverne, qui joue avec nous. L'Œil, le dévoilement d'un paraître ornemental gouverneur du monde. Le je dans le je.
Diamant brillant de mille loupiotes dorées, tant de facettes de ma vie et du monde. L'univers est tel, immense diamant. Je suis l'univers. Out of Your world.
Je e(s)t les autres.
Une onde de légèreté, de volupté envahit l'instant présent. Tel est le monde, ondes vivantes, fluides continus et variant... L'instant présent n'est rien, il est tout, un énorme tout et le temps, comme la vie, n'est qu'un cercle continu, un fluide d'expression sans début ni fin, sans naissance ni mort.
La puissance de l'art et de la création. C'est la seule chose qui me permette de dire ces mots :
J'EXISTE.
Pour l'art. Par l'art. »
Une expérience trèèèès intense donc, une véritable révélation. Le lendemain, les couleurs sont fortes, je me sens tout mou et bien, « people are strange » & « faces come out of the rain », du mal à distinguer les visages, les formes, et quand je sors fumer ma clope, je tire une bouffée, la regarde et la jette : fumer me dégoute à présent, et ce pendant environ une bonne semaine. L'aprem fut un peu moins drole cependant : lycée de campagne, les rumeurs circulent vite, toute ma classe est au courant de ce que j'ai fait, et là bam, prévention routière avec des gendarmes, et quand l'un d'eux sort « rouler sous cannabis c'est pas possible, alors imaginez ce que ça doit etre avec d'autres drogues », je sens tous les regards qui pointent vers moi, qui suis complétement avachi en mode grosse loque sur ma chaise. No comment. :evil:
Quelques textes d'après coups, dans la semaine qui suit ou peu après :
« J'ai surplombé l'Œil, j'ai accepté son immensité, j'ai compris le monde et ma place en lui. J'ai compris la véritable essence de l'existentialisme, de ma vie. Je suis, organisme actif dans un Tout. Si je n'étais rien, alors personne ne serait rien, car personne ne vaut mieux que quelqu'un, et alors ce Tout n'aurait pu exister, nous sommes partie intégrante de Lui. Je vous aime, semblables.
Acceptation de l'être entier dans son immensité la plus totale. Je suis un homme. Un mammifère. Un être vivant. Un amas de cellules incroyablement imbriquées, parfaites. Toute cette mécanique, c'est moi. Ce chef d'œuvre de la nature, c'est moi. Je suis. Aha !
Les fluides de ce monde sont tels les empreintes digitales, uniques et en harmonie parfaite.
L'encre coule sur mes bras
Veines entières dévoilées
Infini en cet amas
L'encre révélera la vérité.
Prendre son élan. Plonger au plus bas. Comprendre l'Œil. Rebondir vers l'infini.
Il est 18h33. »
« Après la période du combat, après la période de la résignation, me voici entré dans la période de la création.
"Quand l'œil voit noir, l'esprit se trouble." Hugo
Depuis le 6 avril 2008 :
Je fume moins
Je suis attentif au Monde
Je suis attentif aux phénomènes naturels qui composent ce monde
Je comprends la beauté
Je comprends ma vie
J'accepte le bonheur
Je comprends l'existentialisme
Je suis plus distant avec certaines personnes
En revanche, j'en apprécie certaines bien plus qu'avant
Je suis
Je vis
Je n'ai plus d'inspiration réelle, elle était provoquer par la tristesse, mais je vais y remédier
J'aime provoquer, confronter des idées, défendre des opinions que je n'ai point
Je suis par l'art
Je vis pour l'art
Je remercie Paul et ce fameux 6 avril.
Je suis »
voilà voilà, on peut dire que ça a radicalement changé ma vision de voir le monde, les gens, de me voir aussi. Ce changement brutal et mystique n'a pas forcément été du goût de tout le monde, juste après je me suis embrouillé avec mon meilleur ami parce que j'étais perdu dans mes délires, une nouvelle optique de vie. J'ai quand même relativisé ensuite.
Cette première expérience avec la drogue m'a ouvert des portes que je n'aurais jamais soupçonné, et depuis, même en en prenant bien plus, je ne suis jamais tombé sur des buvards aussi bon, aussi visuel et mystique. Peut etre est-ce le fait de la première fois, mais ça m'énerve pas mal quand même (non, ce qui m'énerve surtout, c'est que maintenant j'ai déménagé, et je tombe que sur de la merde, impossible de mettre la main sur un vrai truc, et ça c'est vraiment.. frustrant !)
Mon style d'écriture a également pris un tournant encore plus violent qu'auparavant dans le non-sens et l'écriture instantanée (ce qui a disparu depuis, jsuis beaucoup plus terre à terre à présent).
Il n'empèche que oui, je ne suis plus du tout le même, et que sans vouloir faire d'apologie, (même si ce TR peut quand même y ressembler..) cette expérience est arrivée à point nommé : j'étais au plus mal et ça m'a permi de relativiser sur mon statut, qui m'est apparu finalement bien moins dramatique qu'il ne l'était.
Voilà, j'espère un jour revivre une expérience aussi forte avec simplement du lsd, et j'espère que ce TR vous a plus !
C'était mon premier contact avec la drogue « dure »
Cela faisait 5 ans que j'avais commencé à fumer, je me suis ensuite retrouver à l'internat et me suis mis à fumer de plus en plus, puis à boire assez souvent en semaine.
Depuis peu, l'envie de prendre de LSD nous démangeait avec des amis, sans qu'on sache trop pourquoi, période Doors/Jefferson Airplane itou itou.
Festival Garorock 2008, je ne peux y aller. Le dimanche soir, nous prenons tous le train puis bus ensemble pour nous rendre à l'internat. Dans la journée, moi et Jean (noms modifiés hein), nous avions tous les deux reçus un message de Paul qui lui était à Garo et qui en gros nous faisait comprendre qu'il était vraiment sacrément perché. Nous le voyons débarquer : « les gars, c'est.. pwaaah ! Inimaginable ! » Mais ce petit malin nous apprend rapidement qu'il nous a aussi ramené une moitié chacun, alors nous, assez inconscient de ce que ça allait vraiment nous faire, et Paul ne voulant rien nous dévoiler, nous avalons ça dans le bus qui nous mène vers l'internat.
Il est 18h33. En fait, on s'aperçoit vite que non, il n'est pas 18h33 et que c'est l'heure du bus qui est bloquée, mais ce symbole restera jamais gravé en nous : il est 18h33, comme l'heure de la vérité, le temps qui se fige (depuis deux mois environ, chaque jour je regarde l'heure à 18h33)
Pas trop trop d'effets, puis le bus nous dépose devant le lycée, et quand j'en sors et que je pose un pied à terre, le monde se met à basculer d'arrière en avant et je suis juste.. impressionné. Une cigarette, quelques discussions, puis nous montons dans notre chambre.
Et là tout s'enchaine. Je ne suis pas tout à fait sûr de l'ordre des évènements mais je vais essayer de faire au mieux.
Paul nous explique alors que lui en a pris un entier et qu'il est perché depuis ce matin et a toujours plein d'effets. Rapidement, tout autour de nous commence à se transformer, mais sans qu'on puisse définir quoi. Nous allons aux douches, et là il y a des miroirs face à face, nous sommes complétement subjugués, puis, sans savoir pourquoi, nous prenons de l'eau dans un pichet et la faisons couler, parce qu'on trouve ça beau. Et nous sommes morts de rire.
Mais internat rime avec surveillant, et du coup, nous nous retrouvons vite à devoir aller dans nos chambres, tout en essayant de cacher au mieux notre état second.
La chambre est immense, elle s'élargit de tous les côtés, si bien qu'à un moment je me demande même si je serais capable de marcher jusque de l'autre coté tellement il me paraît éloigné.
Nos mouvements sont complétement décomposés, je vois 4, 5, 6 fois les gens, quand je passe mon bras devant moi le mouvement se fige dans les airs, je suis aux anges. Nous tripons très vite tous ensemble, musique, puis on s'amuse à jouer avec cette décomposition, en dansant dans la chambre, en regardant les points du plafond qui courent dans tous les sens, des notes de musique qui se déplacent sur des partitions, nous faisons aussi une cabane avec un drap de lit où il y a des vaches ailées en dessin sur fond bleu, et nous les voyons se déplacer... bientôt, Jean prend un encens, éteint la lumière, et les mouvements de la lumière rouge sont juste.. sublimes. Mais bon, c'est à cet instant que le surveillant rentre, nous promettons de faire moins de bruit, un compagnon de chambre qui n'avait pris lui explique qu'on est saouls de notre week end, mais que ça va aller. Bon, il faut faire plus attention.
Bientôt, l'internat s'endort et devient un terrain de jeu immense :
Pêle-mêle : les arbres dehors luisent d'une lumière orange, j'entends la musique même quand je ne peux pas l'entendre, j'essaie de parler, de définir ce que je vois mais j'en suis incapable, j'essaie d'écrire ce que je ressens mais ne trouve pas les mots, j'ai d'ailleurs beaucoup de mal à écrire autre que sur des coins de feuilles, et mes mots ne forment pas de lignes, mais vont dans tous les sens. Au départ, il y avait des gens « normaux » avec nous mais Jean en plante un avec un stylo (« hé, moi je sens pas la douleur, attends bouge pas jvais voir si c'est normal », bam, violent coup dans le bras), et nous n'arrivons pas à communiquer avec eux, ils ne nous semblent pas du tout accueillants, nous ne pouvons les comprendre et inversement, alors nous les faisons partir.
Puis, c'est la phase mystique qui commence. Je ne suis rien mais en même temps je suis tout, parce que j'existe et que je fais partie intégrante d'un monde qui m'est supérieur mais m'intègre en lui malgré tout. Et chaque chose est relié par des champs de force, que je vois, comme des auras qui circulent et se connectent entre elles, une harmonie qui me sidère.
A cette période de ma vie je n'allais pas spécialement bien, je m'enfonçais dans mon propre malheur et là je réalise que même si je ne suis pas grand chose, je suis, et c'est déjà énorme, et j'interagis avec le monde, qui reçoit aussi de moi.
Jean se met un peu à bader : le fait de voir Paul encore perché une douzaine d'heures après qu'il ait pris sont trip ne le rassure pas du tout, sachant qu'il a un devoir de français le lendemain et a peur d'être encore dans le même état, mais il arrive quand même à gérer son bad au bout d'un moment, même si parfois il a des petites remontées du style « mais vous êtes sur hein que demain ça ira mieux ?? »
Je vois l'Oeil. L'Oeil qu'il y a au dessus du monde. Je le vois, et c'est comme s'il me regardait aussi. Mais en fait non, il regarde le monde, mais je suis le monde.
Je vais à la fenetre, une très forte envie de sauter, pas par tendances suicidaires, juste ce besoin de liberté, d'espace, pendant un temps nous avons tous vécus ce mal être d'être enfermé dans une chambre d'internat et de ne pas pouvoir faire tant de bruit que ça : si je le pouvais, je hurlerais, pour que mon corps soit serein et libéré.
Je m'allume une clope, et la fumée est comme de la laitue, je la mache. Elle rentre en moi et je la sens se diffuser à travers mon corps, rentrer dans mes cellules. Je comprends son fonctionnement. Et fumer me dégoute alors, même si par la suite j'en fumerai d'autres pendant que je suis en train de triper, pour la raison que la fumée me nourrissait, l'impression de manger à chaque bouffée.
Je reçois un coup de fil, incompréhension totale alors je raccroche, et j'ai l'impression que mon portable s'est incrusté dans ma main. Dans le couloir, c'est comme si tout était en travelling compensé.
Nous écoutons le même cd en boucle depuis le début mais il ne nous lasse pas : d'abord « L'odyssée du réel » de la ruda, qui s'applique merveilleusement bien à la sensation que nous fait le Lsd, partir du plus petit pour voir des stades toujours supérieurs, mais qui restent reliés : nous, et le monde. Sinon, des Doors, et une chanson de la Raia, « dans un jardin », sublime.
Au bout de quelques heures les effets se mettent à un peu redescendre, même si les déformations sont toujours présentes, mais cette fois nous avons la force d'écrire, alors nous écrivons. Paul lui est parti dormir, ce qui rassure Jean, et nous restons tous les deux à écrire, écrire, tout ce qui nous passe par la tête. Petites phrases :
« L'être humain est le monde. Partie intégrante d'un immense Tout. La perception ne relève en rien de concret. Pas de concret. I feel the world. Je suis le monde. Ou plutot, je perçois chacun des fluides de ce monde, les sons, les images, out n'est qu'une onde qui se propage dans une flaque d'eau, la vie.
L'asile de fous est un asile d'être humains. (en l'occurrence, nous)
Tout devient apte à pure réflexion fluide.
Je perçois donc je suis.
Les Doors représentent la perfection sensorielle et visuelle la plus belle vécue à ce jour par ces miséreux humains que nous sommes et que le Roi Lézard contemple.
Dans le Tout se reflète l'absence du rien. L'être humain n'est finalement rien. Une simple particule, minuscule électron sur l'atome de l'univers.
La perception ne peut s'envisager comme quelque chose d'établi, c'est multiples fluides sans cesse en mouvement qui se croisent.
Dans l'Absolu, il n'existe que MOI. Je SUIS le Monde.
Impossibilité de compréhension. I feel the end. Je contrôle le monde mais les mœurs du monde me refusent.
Pas d'oppositions. Juste un enchevêtrement de plans de perception. Je suis car je crée...
Au dessus de la perception il y a le monde. Le monde est l'humain. L'humain n'est que perception simultanée en répétition.
L'univers me prend dans son immensité flagrante, l'onde se dévoile.
L'onde persiste. L'univers se détend. La création m'attend.
La ligne se trace, infinie, au loin sur cette feuille.
Outside. Pas de conscience des réalités, ni du danger. Juste différents plans de perception qui s'enchainent tels des fluides.
Se laisser emporter par le tourbillon de la vie et tracer ces mots, les plus beaux : je t'aime.
Sentir l'infini sans avoir peur.
L'Œil. Tout part de là, tout revient là.
Conscient d'être enfermé dans l'infini.
Les portes de la perception s'ouvrent, toujours plus évoluées, toujours plus simples, toujours plus complexes, toujours plus grandes.
Le jeu dans le jeu. Tout se répète ainsi à l'infini, il y a quelque chose au dessus qui nous gouverne, qui joue avec nous. L'Œil, le dévoilement d'un paraître ornemental gouverneur du monde. Le je dans le je.
Diamant brillant de mille loupiotes dorées, tant de facettes de ma vie et du monde. L'univers est tel, immense diamant. Je suis l'univers. Out of Your world.
Je e(s)t les autres.
Une onde de légèreté, de volupté envahit l'instant présent. Tel est le monde, ondes vivantes, fluides continus et variant... L'instant présent n'est rien, il est tout, un énorme tout et le temps, comme la vie, n'est qu'un cercle continu, un fluide d'expression sans début ni fin, sans naissance ni mort.
La puissance de l'art et de la création. C'est la seule chose qui me permette de dire ces mots :
J'EXISTE.
Pour l'art. Par l'art. »
Une expérience trèèèès intense donc, une véritable révélation. Le lendemain, les couleurs sont fortes, je me sens tout mou et bien, « people are strange » & « faces come out of the rain », du mal à distinguer les visages, les formes, et quand je sors fumer ma clope, je tire une bouffée, la regarde et la jette : fumer me dégoute à présent, et ce pendant environ une bonne semaine. L'aprem fut un peu moins drole cependant : lycée de campagne, les rumeurs circulent vite, toute ma classe est au courant de ce que j'ai fait, et là bam, prévention routière avec des gendarmes, et quand l'un d'eux sort « rouler sous cannabis c'est pas possible, alors imaginez ce que ça doit etre avec d'autres drogues », je sens tous les regards qui pointent vers moi, qui suis complétement avachi en mode grosse loque sur ma chaise. No comment. :evil:
Quelques textes d'après coups, dans la semaine qui suit ou peu après :
« J'ai surplombé l'Œil, j'ai accepté son immensité, j'ai compris le monde et ma place en lui. J'ai compris la véritable essence de l'existentialisme, de ma vie. Je suis, organisme actif dans un Tout. Si je n'étais rien, alors personne ne serait rien, car personne ne vaut mieux que quelqu'un, et alors ce Tout n'aurait pu exister, nous sommes partie intégrante de Lui. Je vous aime, semblables.
Acceptation de l'être entier dans son immensité la plus totale. Je suis un homme. Un mammifère. Un être vivant. Un amas de cellules incroyablement imbriquées, parfaites. Toute cette mécanique, c'est moi. Ce chef d'œuvre de la nature, c'est moi. Je suis. Aha !
Les fluides de ce monde sont tels les empreintes digitales, uniques et en harmonie parfaite.
L'encre coule sur mes bras
Veines entières dévoilées
Infini en cet amas
L'encre révélera la vérité.
Prendre son élan. Plonger au plus bas. Comprendre l'Œil. Rebondir vers l'infini.
Il est 18h33. »
« Après la période du combat, après la période de la résignation, me voici entré dans la période de la création.
"Quand l'œil voit noir, l'esprit se trouble." Hugo
Depuis le 6 avril 2008 :
Je fume moins
Je suis attentif au Monde
Je suis attentif aux phénomènes naturels qui composent ce monde
Je comprends la beauté
Je comprends ma vie
J'accepte le bonheur
Je comprends l'existentialisme
Je suis plus distant avec certaines personnes
En revanche, j'en apprécie certaines bien plus qu'avant
Je suis
Je vis
Je n'ai plus d'inspiration réelle, elle était provoquer par la tristesse, mais je vais y remédier
J'aime provoquer, confronter des idées, défendre des opinions que je n'ai point
Je suis par l'art
Je vis pour l'art
Je remercie Paul et ce fameux 6 avril.
Je suis »
voilà voilà, on peut dire que ça a radicalement changé ma vision de voir le monde, les gens, de me voir aussi. Ce changement brutal et mystique n'a pas forcément été du goût de tout le monde, juste après je me suis embrouillé avec mon meilleur ami parce que j'étais perdu dans mes délires, une nouvelle optique de vie. J'ai quand même relativisé ensuite.
Cette première expérience avec la drogue m'a ouvert des portes que je n'aurais jamais soupçonné, et depuis, même en en prenant bien plus, je ne suis jamais tombé sur des buvards aussi bon, aussi visuel et mystique. Peut etre est-ce le fait de la première fois, mais ça m'énerve pas mal quand même (non, ce qui m'énerve surtout, c'est que maintenant j'ai déménagé, et je tombe que sur de la merde, impossible de mettre la main sur un vrai truc, et ça c'est vraiment.. frustrant !)
Mon style d'écriture a également pris un tournant encore plus violent qu'auparavant dans le non-sens et l'écriture instantanée (ce qui a disparu depuis, jsuis beaucoup plus terre à terre à présent).
Il n'empèche que oui, je ne suis plus du tout le même, et que sans vouloir faire d'apologie, (même si ce TR peut quand même y ressembler..) cette expérience est arrivée à point nommé : j'étais au plus mal et ça m'a permi de relativiser sur mon statut, qui m'est apparu finalement bien moins dramatique qu'il ne l'était.
Voilà, j'espère un jour revivre une expérience aussi forte avec simplement du lsd, et j'espère que ce TR vous a plus !