L?ammoniac est naturellement présent dans la plante de tabac. On n?apprend rien à personne en disant que toutes les cigarettes contiennent de l?ammoniac?, déclare Naushad Ramoly, directeur de communication de la Britrish American Tobacco (BAT) Mauritius. Petite explication : l?azote dont se nourrit la plante est transformée en acides aminées, puis en composés ammoniaqués. Mais la quantité d?ammoniac dans les feuilles dépend de nombreux facteurs : la variété du tabac, le climat du lieu de culture, les engrais apportés à la plante, le type de séchage, etc. Substance autorisée présente naturellement dans le tabac, pourquoi l?ammoniac pose-t-il alors problème ? Parce qu?il pourrait accroître l?addictivité du tabac, c?est-à-dire rendre le fumeur encore plus accro à la cigarette. D?autant plus inquiétant que certains tests révèlent que les cigarettes ultra-légères ont une teneur en ammoniac plus élevée. Des tests conduits par de nombreux experts d?organisations internationales ont en effet prouvé que l?utilisation d?additifs comme l?ammoniac renforcerait la proportion de nicotine volatile, plus rapidement absorbée par le fumeur : de telles cigarettes, en ont conclu ces experts, ?shooteraient? mieux. Ce qu?ont toujours nié les fabricants. Selon leur version, des composés comme les phosphates d?ammonium sont des agents de texture utilisés dans la fabrication de certains types de tabac reconstitué. D?autres composés ammoniaqués servent d?agents de saveur et de précurseurs aromatiques. Mais tout cela n?est pas effectué dans le but d?accroître ? et n?accroît pas ?, répondent en choeur les cigarettiers, la quantité de nicotine délivrée au fumeur... Les scientifiques spécialistes du tabac concèdent qu?il n?est pas facile de trancher, pour plusieurs raisons. D?abord, si les additifs autorisés ont été analysés sur le plan toxicologique, leurs effets sur le comportement tabagique et leurs interactions dans la fumée du tabac ne l?ont jamais été. Aucun organisme de recherche public n?a étudié dans le détail le produit ?cigarette?, de grande consommation, dont on connaît les dangers depuis de très nombreuses années. Ce sont donc les fabricants qui détiennent toutes les informations et les connaissances sur le sujet. De plus, les additifs autorisés sont listés, mais, concrètement, pour telle ou telle marque de cigarette, personne en dehors du fabricant ne sait lesquels sont utilisés. L?information des consommateurs n?a jamais été le souci des cigarettiers. C?est pour cela qu?aujourd?hui, on en sait plus sur la composition d?un pot de confiture que sur celle d?une cigarette ! Pour la BAT-Maurice, le problème ne se pose pas : ?On n?ajoute rien, absolument rien aux feuilles de tabac?, affirme Naushad Ramoly . Certaines études avancent d?autres éléments sur le rôle néfaste de l?ammoniac. Pour eux, ce n?est pas la nicotine libre qui a le plus d?impact en matière d?addiction; si l?ammoniac permet à la nicotine de pénétrer plus facilement à travers les muqueuses, c?est la nicotine absorbée au niveau des bronches qui atteint le plus vite le cerveau. D?autres experts avancent qu?un fumeur adapte sa manière de fumer, pour ?recevoir? le taux de nicotine qu?il recherche. Que l?ammoniac soit plus ou moins présent dans la cigarette n?y changerait rien. Certains scientifiques soutiennent même que la nicotine ne serait pas le seul facteur mis en cause dans la dépendance. L?Institut national de la consommation (Inc) de France (éditeur du mensuel 60 millions) a effectué des analyses pour mesurer la teneur en ammoniac avant combustion d?une quinzaine de paquets de cigarettes des marques Marlboro, Gauloise, Royale, Peter Stuyvesant et Winston, dans les modules ?normales?, ?légères? et ?ultra-légères?. Blondes ou brunes Les analystes de l?Inc ont utilisé une méthode agréée par le ministère canadien de la Santé, qui quantifie l?ion ammonium dans un gramme de matière sèche de tabac. Les résultats des analyses démontrent qu?il est difficile de connaître la part d?ammoniac naturellement présent et celle d?ammoniac éventuellement ajouté en cours de production. Mais l?on constate toutefois des différences sensibles d?une marque à l?autre. Selon les résultats de l?Inc, les Gauloises ont la teneur en ammoniac la plus élevée, les plus chargées étant les ultra-légères. Explication possible: ce sont des cigarettes produites à partir de tabac brun. Comparant les quatre autres gammes de tabac blond, la Winston est celle qui contient le moins d?ammoniac; la Marlboro en contient le plus. D?autre part, il est constaté que pour une gamme donnée, les plus légères ne sont pas forcément les moins chargées en ammoniac : la Peter Stuyvesant ultra-légère contient plus d?ammoniac que la normale.
Nicotine : les fabricants entretiennent le flou - La présence de l?ammoniac dans les cigarettes n?est pas le seul sujet sur lequel les fabricants de cigarettes se taisent. Contrairement aux pays développés, les paquets de cigarettes vendus localement ne portent aucune mention quant au taux de nicotine et de goudrons qu?ils contiennent. Dans les années 60 les fabricants de cigarettes ont travaillé à l?élaboration d?une norme de fumage dans le cadre de l?Organisation internationale de normalisation (ISO). Toutefois, ce test ne reproduit pas le comportement du fumeur moyen, il ne rend pas compte de ce que le fumeur absorbe quand il inhale la fumée d?une cigarette. Il n?a donc aucune signification quant à sa dangerosité. Pourtant ce test de fumage a pendant longtemps servi de base pour l?élaboration des règles d?étiquetage des paquets de cigarettes. Pour revenir à l?étiquetage, il convient de souligner que dans les pays avancés, le seuil de présence du goudron a été abaissé à environ 10mg par cigarette et à 1 mg pour la nicotine. Or, en l?absence d?une loi qui l?y obligerait, la BAT maintient l?opacité totale quant aux taux du goudron et de la nicotine. L?ICP a déjà démontré, à l?aide du premier nuancier goudron développé par l?Institut national de la Consommation (INC), que le taux de goudron dans les cigarettes locales est de cinq à six fois supérieur à ce qu?on devait attendre. En effet, ce nuancier est basé sur la thèse d?un expert auprès de l?Addiction Research Foundation à Toronto, à l?effet que le filtre plus ou moins coloré était un bon révélateur de la façon dont une cigarette a été fumée. Lynn Kozlowski, puisqu?il s?agit de lui, a permis de développer une échelle calorimétrique qui dépend du diamètre et de la densité de la tache laissée sur le filtre. C?est sur ce postulat que repose le nuancier goudrons de l?INC. L?ICP souhaite qu?avec la ratification de la nouvelle convention sur le tabac, le gouvernement mauricien prenne des mesures plus contraignantes vis-à-vis de l?industrie du tabac. Déjà, nous avons relevé que pour le lancement d?une variété dite light d?une de ses marques, la BAT a passé outre l?interdiction sur la publicité pour les cigarettes. Nous estimons qu?il est grand temps d?appliquer la loi contre l?industrie du tabac. D?autre part, nous souhaitons vivement que le gouvernement impose, comme c?est le cas en France depuis le début de l?année ? et au Canada depuis plus de deux ans ? des règles plus contraignantes concernant l?étiquetage des paquets de cigarettes. L?obligation de publier sur les paquets de cigarettes des images chocs d?organes affectés et la mention de notice plus claire et occupant au moins 40 % de la surface d?un paquet de cigarettes devaient trouver la faveur des législateurs.