J'espère ne pas faire un trop gros pavé et être relativement synthétique, mais vu que ce sujet concerne à peu près le tiers de ma vie, j'ai pas mal de choses à dire !
Quelques infos pour mieux cerner mon parcours : j'ai presque 30 ans, je viens du sud-est de la France et j'ai grandi dans une ambiance fortement réactionnaire à tout ce qui se rapproche de près ou de loin des divers mouvements progressistes. Du coup comme Nymphis l'a dit, j'ai fais parti de ces anti-drogues qui le sont sans aucune réflexion, mais j'étais aussi très compatible avec le reste : racisme, homophobie, sexisme, je me suis pas mal battu plus jeune, bref pas tellement le genre de personne avec qui je trainerai aujourd'hui.
Quand j'ai découvert les drogues autres que l'alcool et le tabac, j'étais dans une situation particulière. Je venais d'avoir une blessure qui m'a bloqué chez moi à pas pouvoir foutre grand chose (jambe dans le plâtre pendant genre 2-3 mois avec des complications qui ont suivi, au total 2 ans d'inactivité et de mobilité réduite). Un ancien ami m'a convaincu de tester du 2C-B, je sais plus trop comment ça s'est goupillé réellement, mais je me suis laissé tenté, j'étais un peu plus ouvert d'esprit à ce moment là parce que fatigué, rien d'autre à faire, peut-être même un début d'état dépressif et j'avais commencé à lire des bouquins qui m'obligeaient à remettre pas mal de trucs en question (des livres sur l'anarchie).
Arrive le moment où je consomme le 2C-B, et boom une claque dans la gueule parce que impossible de comprendre comment un tel truc pouvait être interdit et pas l'alcool : je réalise que la politique sur les drogues n'a aucun sens et qu'on m'a menti. Sans doute qu'à ce moment là si j'avais vécu une mauvaise expérience ma croyance aurait été renforcée, donc j'ai été chanceux (et mon pote connaissait déjà pas mal de trucs et a bien géré le trip sitting tout ça).
Du coup mon ouverture d'esprit a été multipliée par beaucoup et suite à ça l'idée de changer un peu ma vie a muri. J'étais dans l'armée à ce moment là (enfin en arrêt quoi, blessure pendant le service), et je me suis dis "bah tiens si je devenais éducateur spécialisé ?" Avant ça je ne pouvais pas envisager de faire des études, mais mes lectures, mes premières expériences psychédéliques, ma vie amoureuse et la sensation que je pouvais devenir une meilleure personne et aider le monde à s'améliorer, m'ont poussé à finalement revenir là-dessus et me lancer en 2019 dans un diplôme d'éduc. A ce moment là j'avais pas d'objectif particulier sur la question des drogues, de la RdR, des addictions.
C'était surtout dans ma vie perso que j'ai énormément évolué sur cette question des drogues, j'ai beaucoup lu, beaucoup discuté, pour approfondir et maitriser tout ce que je pouvais faire avec ces molécules. Je me suis mis à aller en concerts régulièrement, rencontrer des gens, devenir beaucoup plus calme et sociable. Puis de fil en aiguille, durant ma formation d'éduc, je finis en prévention spécialisée où j'ai touché du doigt la RdR, pas mal des jeunes que je suivais étant des consommateurs et des consommatrices parfois avec des problèmes à ce niveau là.
J'ai pu appliqué les conseils, transmettre des connaissances, et surtout je me sentais super à l'aise sur ces sujets et je voyais mes jeunes être à l'aise avec moi et se livrer à moi de manière vraiment incroyable. C'était extrêmement gratifiant mais surtout je me disais que j'avais trouvé le sujet sur lequel j'étais vraiment bon et dans lequel je pouvais m'épanouir tout en aidant le monde à devenir meilleur. Pendant mes études je pensais faire du bénévolat dans un CAARUD mais j'avais vraiment pas le temps, je suis surtout devenu modérateur de r/AddictionsFR sur reddit et je faisais de la RdR en ligne, mes collègues de promo venaient parfois me parler en privé pour des conseils en tous genre et repartais super reconnaissant.
Du coup en fin d'études d'educ, j'ai pris deux décisions : devenir bénévole dans un CAARUD de AIDES, et commencer un Master en parallèle pour me spécialiser sur la question des addictions et de la RdR. J'ai fais un premier stage là où j'étais bénévole et un autre dans un service d'addictologie à l'hôpital. Très vite j'ai pu vraiment faire de la RdR appliquée si on peut le dire comme ça. Pendant ma première année de Master je me suis dis "tiens, et si je créais un outil pour atteindre encore plus de monde et leur rendre les infos accessibles ?" et j'ai fais Drugz.
J'ai aussi créé des trucs à AIDES, je me suis formé à l'aide à l'injection, à l'analyse de drogues, j'ai accompagné beaucoup de gens pour les aider à avoir des réponses à leurs problèmes. J'ai rencontré beaucoup de monde en France et sur internet pour parler de RdR et de drogues, toujours dans le souci de m'améliorer pour pouvoir aider le monde à s'améliorer. J'ai fais une contribution sur Mixtures et j'ai eu un contact avec Sorence qui m'a amené ici, j'ai été amené à collecter un nombre incroyable de drogues pour les envoyer à l'analyse au Bus à Marseille ou bien au CAARUD où je bossais. J'ai vraiment réussi à toucher à tout et à améliorer mes connaissances.
Puis j'ai fini mon Master il y a quelques mois, et aujourd'hui j'ai la chance d'avoir un poste qui me permet de changer les choses sur tout un département, dans une des plus grosses associations nationales d'addictologie/RdR avec des moyens importants pour le faire. Beaucoup de gens me font confiance, beaucoup de gens attendent tout un tas de trucs de moi, et alors que dans un autre contexte ça m'aurait méchamment stressé, là je me suis rendu compte que j'avais jamais été aussi calme et serein.
Je sais pas si je continuerai d'évoluer et de monter en niveau d'impact, mais si je peux continuer d’œuvrer dans ce sens, je pense que je le ferai.
Tout ça, ça vient avec des contre parties. J'ai pas toujours le temps que je voudrai pour les trucs persos de base, je pense tout le temps au boulot et à ce que je pourrai/devrai faire pour x ou y problème à régler, et il y a toujours des choix à faire. Mais malgré ça, je suis heureux et je pense avoir beaucoup de chance parce que je suis payé à faire exactement ce que j'aime, et je suis pas obligé de mettre mes valeurs de côté pour le faire, tout se goupille vraiment très bien.
J'aimerai juste pouvoir faire plus de plaidoyer, mais ça viendra peut-être plus tard !