Tes approfondissements, rebonds sur ce que je t’ai dit sont intéressants, et ton retour sur ta vision m’amène à vouloir ajouter d’autres choses, puisque tu as ouvert la discussion.
Premièrement, le gros point que tu soulèves sur la mémoire et nos souvenirs suite à mon annotation sur les défauts permet d’élargir considérablement l’ouverture du propos, donc merci de ramener ces questionnements à un point de vue plus général. Si je te suis lorsque tu parles du « vernis doré » qui s’applique sur nos souvenirs, leurs dilution progressive, et du rôle, du poids de l’ego sur ces derniers, je pense qu’on peut ramener tout ceci à une question plus fondamentale encore : à quel point sommes-nous conditionnés par notre mémoire, et par conséquent par notre ego, car justement acteur principal de la manipulation, de l’illusion de la mémoire ?
Avant de continuer, mon but n’est pas de détourner le centre d’intérêt de ton topic sur d’autres discussions divagantes, mais je me permets d’approfondir des idées malgré tout en espérant offrir matière à réflexion, partage et discussion. J’ai eu un échange avec un inconnu sur un autre site, un autre forum, qui m’a apporté des pensées fondamentales particulièrement remuantes, je me les approprie ici pour continuer mais c’est avant tout cette personne qui m’a permis de prendre ce recul, si particulière soit-elle, et de ce que je « connais » de ta personnalité, pensée, je me dis que l’on peut arriver à différente ouvertures. Le principe de cette réflexion et de se demander à quel point nous sommes conditionnés par notre Ego d’une part (mémoire, conscience, pensées) et d’autre part par notre Corps (rapport aux sens = captation de la réalité). Que nous reste-il si on nous sépare de l’Ego, ainsi que du Corps (encore une fois, au sens que j’ai évoqué) ? Nous n’avons, en regardant ceci, pas besoin de ces deux choses pour Etre ; simplement Etre n’a ni besoin d’Ego ni de Corps, toutefois l’Ego a besoin d’Etre avant de pouvoir « exister ». La vérité à laquelle nous autres Humains sommes confrontés, c’est que nous voulons exister, notre Ego veut inexorablement exister, quitte à se construire toute une réalité illusoire, superficielle et egocentrique. Toutefois l’erreur qu’on fait c’est de s’identifier à notre Corps, à notre Ego, car justement pour « exister » nous nous appuyons sur ces deux éléments, mais pour autant ils ne sont pas réellement nous. Tu n’as pas besoin de croire (en une quelconque réalité) pour Etre, simplement Etre. Un premier exemple est celui du lecteur DVD, c’est comme-ci celui-ci s’identifiait au contenu qu’il lit, persuadé d’en être le contenu il en oubli ce qu’il est réellement une fois dépourvu de tout contenu, et donc de toute réalité car restreint à une mémoire relative à son contenu, il n’en demeure pas moins que c’est un lecteur DVD, et pas le film qu’il contient. En poursuivant dans cette lignée, prenons l’exemple du Sommeil qui est plus ou moins significatif de ce phénomène de simplement Etre. Une fois endormis, nous perdons quasiment tout rattachements à notre Ego ainsi qu’à nos sens (je dis quasiment car malgré tout les rêves sont également une énième manifestation de l’Ego, qui sont évidemment reliés à nos souvenirs, à notre connaissance de la « réalité »), et pourtant nous Sommes, on Est dans le sommeil, même délestés de ces deux éléments.
Toutefois, il est pour nous impossible de véritablement capter ce sentiment, cet état de vie des plus singuliers, car justement à l’exact opposé de notre état « Humain ». Je vais essayer de m’expliquer le plus clairement possible avec les divers éléments à ma portée.
Tout d’abord regardons notre réalité, le plus singulièrement c’est un simple composé de l’Espace-Temps, et les seules choses qui nous permettent de capter Espace et Temps sont encore une fois d’une part nos Sens, notre Corps, et de l’autre côté notre Ego, constructeur de mémoire, et donc ouvrier de l’illusion du Temps. Qu’avons-nous concrètement ? Rien, si ce n’est peut-être un présent, un instantané profondément illusoire, notre mémoire, elle, est morte. Quelque part, et plus artistiquement, nous sommes des sortes de morts-vivants. Une fois qu’on comprend ça, on comprend pourquoi on ne peut « saisir » l’état d’Etre sans rien autour, car cela signifierais détruire tout l’Espace-Temps consciencieusement, et c’est impossible tant nous sommes attachés à ces deux principes, plongés dans leurs illusion. Quand je te parle, c’est mon Ego qui te parle, et je suis donc strictement dans l’incapacité de dépasser ces limites dont j’ai pourtant conscience. On voit je pense déjà là une première marque de cette opposition, cette polarité des états, mais on peut également l’évoquer d’une autre manière. Ces limites prouvent notre limitation, et comment peut-on être dans la limitation autrement qu’en ayant accès au savoir, à la connaissance ; en n’ayant connaissance de rien, conscience de rien, on ne peut alors plus tomber dans la limitation. Ces deux états s’opposent encore une fois car l’un se manifeste, l’autre pas. Nous sommes dans la manifestation, nous sommes une apparition, un éclat bref limité, Etre simplement induit donc un état de non-manifestation, car non limité par Espace et Temps.
(Petite aparté, bien qu’appuyant des idées à travers des arguments, des conceptualisations de celles-ci qui peuvent apparaitre comme très assurées de ma part, il n’en est rien. Il est particulièrement délicat d’exprimer ce « principe », et je n’affirme rien dans l’absolu, ne pose pas la « vérité » comme si je la connaissais. Je ne saisis pas 1/10 de toute cette vaste réflexion fondamentale, et c’est justement une discussion qui peut m’amener, nous amener un peu plus loin je suppose, bien que jamais à un résultat complet.)
J’en reviens alors à l’opposition manifestation/non-manifestation, on peut comprendre ce qui nous amène à chercher (nous, Humains) cet état de dissolution d’Ego et Corps pour simplement Etre car nous connaissons les sentiments, la souffrance et le bonheur, la douleur et le plaisir, la peur paralysante. Nous attendons chaque jour que la vie réalise nos désirs, et craignons chaque jour qu’elle réalise nos peurs. En perdant notre raccord à cette réalité, on perd tout ceci ; l’état de non-manifestation, Etre tout simplement, signifie alors atteindre une plénitude dénuée de tout ce que j’ai évoqué. Et en voyant ceci, on peut se rendre compte que toutes nos croyances, toutes nos Espérances convergent vers cette même idée, mais à des niveaux « sous-jacents » de réflexion. La notion qu’on a de Dieu, bien que très divergente, se résume malgré tout à cette notion de plénitude, ce qui enrobe le tout, ce qui maitrise le tout, en chacun de nous et en chaque chose, et non soumis au temps car éternel. Ça se rapproche étroitement de notre notion d’Etre, et pourtant ce n’est pas tout à fait ça, car encore une fois là où nos croyances divergent se sont sur les « explications », la verbalisation de la croyance. Pour capter cette idée de simplement Etre, il faut se délester de l’Ego, et quoi de plus contre-nature pour l’Ego que de s’infliger ceci ? On demeure alors dans l’incompréhension, l’incapacité de verbaliser notre opposé, notre idée du Dieu. Alors ce qui nous fait diverger, c’est encore et toujours notre Ego, et pourtant toutes nos pensées, toutes nos croyances, toutes nos réflexions se rattachent à cette notion sans même en avoir conscience, car incapable de la verbaliser. Il n’en demeure au final pas moins que coincés dans cette réalité, cet état nous reste inaccessible, incompréhensible.
On en arrive alors à une question sur laquelle j’ai beaucoup bloqué face à ce sujet : à quoi bon avoir conscience de la notion d’Etre, qu’est-ce que cela peut nous apporter puisque il n’y a pas de bout à cette idée, qu’elle nous demeure inaccessible ?
Et bien le plus dur à accepter là-dedans, c’est qu’il n’y a justement rien à en tirer.
Chercher à comprendre, à voir un bout à ces idées, leur donner sens, serait étonnamment vain. C’est une lutte qui ne mène nulle part, car lutter avec son Ego contre son Ego, ne fait qu’animer encore une fois le cours de notre vie, là où le piège de l’Ego se referme inexorablement sur nous. Comment une illusion pourrait se débarrasser de l’idée d’être une illusion ?
Avoir connaissance de cet état d’Etre, ne veux donc pas dire chercher à perdre Ego et captation de notre Réalité, autrement dit devenir un légume, loin de là. C’est justement accepter la superficialité de toute notre conception de la réalité, l’illusion persistante dans laquelle nous sommes plongés, et s’y fondre. Notre Ego a besoin d’exister, et pour exister il se raccroche à tout ce qu’il peut, les passions, l’amour, la guerre, la création, le travail ; nous sommes biens quand perdus dans un film, un travail, un voyage, lorsque nous échappons à nous même. Alors quitte à être coincé ici, autant en profiter, autant accepter librement sans résistance notre nature illusoire et futile, autant se laisser porter par nos besoins, nos envies humaines.
Aimons-nous, tuons-nous, détruisons-nous, car il n’y a que ça à faire.
Ainsi, cette même discussion, bien qu’enrichissante, n’est qu’un énième divertissement, une énième manière de passer le temps.
Encore une fois, je n’affirme rien, je n’assure rien, j’exprime simplement une pensée, une notion à mon sens fondamentale. Libre à quiconque de me contredire, rebondir sur tout ceci, approfondir, car je ne détiens rien de la compréhension de tout ceci.
Après cette longue prolongation autour de la mémoire à la base, j’en reviens maintenant plus simplement à notre échange !
Tout d’abord par rapport à ma phrase « nous ne sommes pas des gens bons », j’avoue avoir été un peu trop crue en disant ceci et ça porte à interprétation. Evidemment d’un point de vue Humain je ne pense pas que nous soyons mauvais, d’ailleurs ce serait absurde de dire « nous sommes mauvais » car si nous l’étions tous sur quel comparaisons pourrions-nous appuyer ceci, quelle échelle ? Ce que j’entendais par là c’est que nous n’avons pas de vie « parfaite », plongée dans le bonheur et remplie de bienveillance, comme tu me l’as toi-même dis sur un autre topic, nous sommes tous confrontés aux mêmes peurs, souffrances, problématiques. L’erreur est humaine, et nous faisons tous des choses que nous regrettons, que nous pensons « mauvaise », ou y sommes confrontés. Voilà ce que j’entendais en ce sens, et merci de l’avoir relevé.
Ensuite, par rapport à nos proximités et oppositions, je t’avoue vouloir éviter de m’étaler trop sur ma vie personnelle bien que comprenant pleinement ta demande, simplement par soucis d’intimité. Toutefois, pour te dépeindre un portrait grossier, ton évolution personnelle de réflexion, ta tendance au départ à tout penser, tout réfléchir qui t’a amené au cours de tes trips vers un idéal de contemplation, d’acceptation, j’en suis très proche du même parcours, des mêmes étapes. Dans ton rapport aux drogues, ta vision de celles-ci, et ta façon de consommer. Dans ton évolution comportementale à contrario, où tu as débuté en tâtonnant maladroitement à travers des soirées très alcoolisés, des amitiés assez « futiles » de ce que j’ai compris, pour te rapprocher finalement d’une relation de couple solide et puissante, avec qui tu sembles partager intensément beaucoup de choses. Si j’ai plus de 10 années de différence avec toi, tout ce parcours a été pour moi aussi très proche du tient bien que beaucoup plus condensé dans le temps. De mon côté j’ai commencé avec le cannabis en « racaille », rap, bagarres violentes, petit trafique, avec des personnes pour le moins inintéressantes, pour finalement rencontrer une femme qui m’a amené bien plus loin que quiconque l’aurait pu, la différence de l’avant et l’après a été si importante qu’il est quasiment impossible de faire le lien (d’ailleurs gros choc pour mon entourage). En conclusion, une fille avec qui je partage tout et qui n’est plus que le seul point de raccord de tout mon petit univers égocentré.
J’en discuterais bien avec toi, mais à quoi bon se parler de nos petites vies ?
Enfin, merci d’avoir ouvert la discussion, merci d’échanger, en m’excusant encore une fois si j’ai trop débordé sur ton topic avec mon précédent paragraphe.