Quoi de neuf ?

Bienvenue sur Psychonaut.fr !

Le forum des amateurs de drogues et des explorateurs de l'esprit

La dissociation (part3) - Introspection, Vie/mort/renaissance et matrices périnatales

  • Auteur de la discussion Auteur de la discussion Deleted-1
  • Date de début Date de début
D

Deleted-1

Guest
Suite au travail de Styloplume sur les matrices périnatales, le but de cet article est de présenter une approche psychonautique de l’utilisation des concepts de clivage et de dissociation, mis en liens avec les travaux de Stanislav Grof & Joan Halifax. Il s’agissait à leur époque de suggérer et favoriser par la prise encadrée de stupéfiant (LSD), une démarche introspective et thérapeutique chez des patients atteints de différents troubles psychopathologiques.



Articles précédents :

http://www.psychonaut.com/psychonau...1-featuring-la-petite-voix-freud-et-jamy.html
http://www.psychonaut.com/psychonau...t-exemples-de-la-vie-courante.html#post958961




Stanislav Grof & Joan Halifax : « Tous les patients ayant participé à des séances LSD finissaient immanquablement par transcender le cadre étroit de la psychothérapie pour s’engager spontanément dans des domaines empiriques, décrits depuis des millénaires par les différentes écoles de la tradition mystique, dans les mystères des temples et dans les rites de passages de nombreuses civilisations anciennes, et ce, dans le monde entier. Le phénomène le plus courant, mais aussi le plus important, était ce sentiment de vivre des expériences de mort et de renaissance, suivi de sentiments d’unité cosmique. Cette rencontre profonde avec la mort était très complexe, elle faisait intervenir des dimensions biologiques, émotionnelles, intellectuelles, philosophiques et métaphysiques.
De telles expériences semblent bénéfiques aux patients relevant de la psychiatrie. On enregistra des améliorations spectaculaires de différents troubles psychopathologiques, suite à ce phénomène mort-renaissance et, en particulier, suite aux expériences d’unité avec l’univers. Ceci suggère l’existence d’un mécanisme thérapeutique puissant encore inconnu de la psychiatrie et de la psychologie occidentale. Ce mécanisme paraît de loin supérieur à tous ceux utilisés en psychothérapie conventionnelle».

Rapporter à la société et à divers travaux en psychologie, sociologie et philosophie, il est facilement envisageable de penser que le mode de vie dominant qu’offre depuis des siècles le capitalisme, et plus récemment le néo-libéralisme, a dissocié l’humain de son environnement qu’il tend à contrôler, et l’a clivé de son essence, de son être le plus profond, à savoir sa part instinctive animale en lien avec la nature et le Tout environnant. Prit dans le paradoxe d’une volupté supplémentaire d’exister tout en manquant à vivre, c’est en ne sachant plus être ici et maintenant, que l’humain civilisé, anxieux et individualisé erre dans une volonté d’avoir, dans une quête effrénée de désirs intarissables de possession et de profit. Autrement dit, l’évolution intellectuelle qu’a suivit notre civilisation en entrant dans la modernité d’une ère toujours plus technologique, a détourné l’humain du cosmos d’où il vient et où il retourne fatalement, dans un processus de naissance, de vie et de mort.

Cet état de fait se retrouve dans des expériences transcendantales à courtes échelles, dites de vie/mort/renaissance, expériences que l’on peut vivre sobre au travers de méditation ou de trip lors d’une nuit (impression de vivre une vie en une nuit), en ayant consommé des produits stupéfiants. C’est donc insatisfaits de leur condition parce que perdus dans l’abime de la modernité, que des artistes et autres aventuriers psychonauts, explorent les tréfonds de leurs esprits à la recherche de sensations de déconnexion pour se sortir de la morosité de leur quotidien, mais aussi atteindre une plus grande connaissance de soi pour gagner des sommets dont ils ignorent le chemin et les limites. Il est donc question d’introspection, d’une plongée dans son inconscient à la rencontre d’archétypes familiaux, collectifs, ethniques et biologiques, ainsi que de la quête de son absolu, qui en soi n’existe nul part ailleurs que dans l’imaginaire de quelques uns, mais s’y matérialise pourtant au travers de réflexions métaphysiques. Dans leurs esprits, ces pensées balisent en hors piste des traces, de dangereux chemins saupoudrés de crevasses, et où les angoissantes avalanches d’émotions, de fantasmes et de souvenirs jusque là déniés et refoulés, risquent d’émerger à leur conscience avec les conséquences que ses désillusions sur soi et son environnement impliquent...

Je vous propose donc d’explorer ce cheminement dissociatif, en repérant les pièges qu’offrent la «méditation transcendantale» sous influence de n'importe quelle molécule psychoactive (même si certaines familles de drogue sont plus propices à l'introspection), et en cherchant à comprendre l’intérêt que certains peuvent y trouver pour se dépasser soi-même, et ainsi s’émanciper d’une condition d’être angoissante et paralysante. Précisons toute fois que les effets et ressentis décris à venir peuvent être interpréter dans un temps court ou long, en étant sobre ou sous influence, de manière normale ou pathologique, et qu’ils sont toujours prit dans une dynamique évolutive, jamais fixe.


PHASE 1 : DE L’UNIFICATION A LA DISSOCIATION DANS LE TOUT


Dans une dynamique pro-sociale, c'est-à-dire en étant en relation avec d’autres individus, la montée du produit offre une désinhibition favorisant sympathie et empathie. Autrement elle peut présenter une anxiété inhibitrice en opérant un repli sur soi, mais on exclura cette hypothèse en l’occurrence. La désinhibition est assurée par un clivage vertical et horizontal, dont le déni et le refoulement assure une estime de soi positive, en masquant ce qui fait défaut dans une illusion d’un Moi surinvestit narcissiquement. Cet investissement du Moi en narcissisme, donne un usager avec un ego flamboyant et sur de lui, avide de charme et de conquête, qui dans une dynamique d’extraversion le pousse à aborder autrui et lui présenter une image resplendissante, ou plus mesurée si l’individu sait restreindre sa propension à l’emphase. Il est donc question d’une tendance à l’affirmation de soi, à la démonstration, à la séduction, à la provocation, à la domination, à la manipulation, au paraitre en société.

Dans une dynamique individuelle, c'est-à-dire en étant seul dans une démarche introspective, la montée du produit présente aussi une inhibition ou une désinhibition, alternant entre un sentiment anxieux ou plaisant, ce qui a pour effet d’immerger l’individu dans un effet plus ou moins agréable ou désagréable, et plus ou moins intense selon le set&setting, le produit et le dosage. Dans le cas d’un sentiment de bien être, il s’agit d’un état de dissociation léger, d’un clivage "sain" assurant donc de ne pas ruminer ou s’inquiéter en se posant trop de question, en plus de voir la vie en rose avec un état d’esprit optimiste ou idéaliste, et d’être en harmonie avec ses émotions, ses pensées, et son environnement. Les fluides corporels s’écoulent bien, les muscles se relâchent, les tensions disparaissent et l’esprit vagabonde dans des contrées heureuses, il est alors intéressant de faire un rapprochement avec la première matrice périnatale.

Première matrice périnatale : Unité avec l’univers, et paix cosmique.

Si l’usager est seul, au niveau émotionnel, il ressent un état de paix, de sérénité, de sécurité, de béatitude et d’extase. Cette matrice périnatale se relie au niveau archétypal de paradis terrestre, et s’exprime symboliquement par des rêveries, à partir de souvenir ou de fantasme (régression dans son Moi Idéal). La drogue favorisant la création de liens dans son esprit (aussi intéressants qu'incohérents), l’individu comprend et ressent ici sa place dans l’univers, « la riche certitude des réalités cosmiques et sacrées », lorsqu’il éprouve un sentiment océanique dans une unité cosmique. Il se sent alors en paix avec l’univers, en symbiose avec son environnement et avec soi-même quand ses passions ne le travaillent plus, et il baigne alors dans une joie immanente. De cette osmose l’individu en vient donc à se connecter avec ce qu’on peut appeler le Tout, à savoir le cosmos, cette entité éthérée dans laquelle nous baignons tous, et qu’on peut aussi désigner sous l’appellation de nature naturante, en référence à l’éthique spinoziste. Styloplume a bien résumé cette philosophie avec un exemple parlant : « Cette expérience est caractérisée par un sentiment d'existence profondément modifié : on n'existe pas comme séparé du monde, tout au contraire, on en est une partie, tout comme on est un monde en soi. La meilleure image est celle de la fractale: la partie égale le tout. On est l'un et l'autre à la fois. Cette expérience est souvent ce qui peut arriver de plus marquant lors de l'expérience psychédélique. »

Il est donc question d’un renversement métaphysique et spirituel majeur dans son esprit, lorsque l’on passe d’un affect de transcendance, poussant à prendre l’Homme pour un empire dans un empire (« Je pense donc je suis » au dessus de tout le reste (mode ego +++)), pour en arriver à un affect d’immanence, où l’homme fait partie intégrante de la nature, du cosmos d’où il vient et où il retournera (de la poussière à la poussière), dans le Tout environnant. Il ne s’agit alors plus d’une transcendance verticale dissociative, mais d’une immanence horizontale unificatrice, que l’on atteint par le biais de la dissociation paradoxalement, lorsque l’on comprend en se détachant de son ego qu’il n’y a ni au-delà, ni entité supérieure, juste l’ici et maintenant, chacun y ayant sa place parce que les choses sont ainsi parfaitement équilibrée. Et si vu du cosmos tout parait être sacré et en osmose, ainsi il n’est pas question qu’il en soit autrement, comme l’humain serait tenté de le croire en voulant dominer et exploiter ce qu’il juge comme son monde.


PHASE 2 : ANGOISSE ET CHUTE

Le problème d’Icare est qu’en voulant toujours plus de Lumière, il s’en est brûlé les ailes, et la désillusion d’un retour sur Terre forcé n’en a été que plus grande et douloureusement éprouvante, mais là douleur n'est -elle pas ce qui nous assure que nous sommes bien vivant ?

Il s’agit là d’une perte de sa confiance et d’un repli sur soi, dans un désinvestissement narcissique de son Moi suite à une trop grande extase, à une prise de recul digne d’un « délire », où se sont entremêlées vérités et rêveries, réalité et idéalisation, sans plus faire la part des choses. Néanmoins la dynamique d’introversion est propice à l’introspection, quand il s’agit là d’arrêter de rêver pour laisser place à la souffrance, à la part sombre de sa personne que le clivage avait jusque là masqué, préservant l’usager de lui-même en le faisant rêver d’un idéal d'omnipotence extra-terrestre.

L’angoisse se manifeste lorsque l’usager n’arrive plus à se représenter ses affects par le biais de sa pensée, en les imageant. S’opère alors une déstructuration de son idéalisation, quand son imagination n’est plus à même de le faire rêver en le projetant dans des délires qui le dépasse et le font sortir de sa condition d’être humain, arrimé à un sol terrestre aussi dur que le noyau de ses angoisses est enraciné dans sa psyché. On parle alors de COEX, des systèmes fonctionnant comme des poupées russes, sur la base d’une première empreinte (angoisse) qui en est l’élément central, à très forte charge émotionnelle, et recouverte de multiples couches de moins en moins chargées en émotion, à l’image d’un oignon. Après avoir erré dans quelques couches superficielles en étant « protégé » par son narcissisme qui a investit son Moi, le désinvestissement de celui-ci fait passer plus ou moins progressivement de la joie à la peur. L’usager commence alors à ressentir ses angoisses, qui selon qu’il les accepte ou les a déjà acceptées, influence considérablement son trip. L’intellectualisation et la mise à distance de ses émotions « négatives » grâce à la dissociation peut alors être salvatrice, pour ne pas se faire submerger par la peur, et ainsi continuer de naviguer dans son esprit agité, et sans chavirer à cause d’une violente émotion de fond retournant son esprit contre soi.

Si jusque là le Moi de l'usager avait étendu ses frontières jusqu’à l’infini cosmique, faisant maintenant moins le malin en subissant des vagues de sensations scélérates, on remarque une forte et brusque diminution de ses frontières, avec une perte de repères entre ce qui a attrait au Moi et au Non-Moi, c'est-à-dire entre son être et le Tout environnant. Voyons à quoi correspond la diminution des frontières du Moi, sur les plans mental, corporel et affectif :

Mental

Pertes des repères spatio-temporels (difficulté à se repérer dans l’espace et dans le temps), diminution du sentiment d’identité et du sentiment d’exister (désinvestissement narcissique), mauvaise élocution et réflexion discontinue/incohérente, pensée décousue et instable, idée inappropriée, intuition renforcée ou inexistante : les propos et leurs liens logiques sont désorganisés, hermétiques. On parle de diffluence ou de pensée tangentielle lorsque le discours zigzague entre des sujets sans connexion apparente, par exemple : « Je n’ai pas de nom, j’ai tous les âges, le fluide éternel qui coule dans mes veines ; de l’or ; je vois ce que vous pensez, j’ai un troisième œil qui tourne dans mon cerveau. Je sais que vous voulez m’appauvrir, comme les totems qui hurlent, mais vous ne m’aurez pas car je sais me liquéfier. » La différence entre Moi et Non-Moi devient flou quand l’usager ne distingue plus ce qu’il pense de ce qu’il dit, ce qu’il observe en lui et à l’extérieur de lui, en confondant ses ressentis et ses interprétations de la réalité. Cela donne une confusion bordélique pouvant mener à des jeux de rôles variant suivant les personnalités que l’on arbore, à un flou quand à définir la personne que l’on est (jusqu’à en oublier son propre nom), et à des pertes de mémoire allant d’un manque de mémoire normale pendant le trip, à une amnésie dissociative plus durable post trip (là faut commencer à s’inquiéter pour sa santé).

Corporel

Pertes des repères sensorimoteurs, de son équilibre et de sa proprioception (on ne sent plus grand chose dans une absence de douleur, on fait n’importe quoi et on tombe facilement). La discordance a facilement une composante physique quand les gestes sont bizarres, maniérés et incohérents (genre on se meut tel un robot). Parfois on note des formes catatoniques, alors l’usager est figé comme une statue. La différence entre Moi et Non-Moi se retrouve dans la tendance à s’allonger et surtout fusionner dans une sorte de transe avec les éléments en contact avec sa peau (impression d’être enfoncé dans son matelas, si ce n’est d’être le matelas), il y a aussi une possible phase de ni-hile dans l’anéantissement de sa personne, dans ce cas on peut autrement se sentir flotter au dessus de son corps, comme lors d’une projection astrale de son « âme », ou se sentir disparaitre. Le corps est alors comme mort, dissocié de l’esprit gravitant à des années lumières de soi.

Affectif

Les affects sont ambivalents, très fluctuants et imprévisibles (cyclothymie), et les émotions peuvent éclater de façon totalement nues et inappropriées. La différence entre Moi et Non-Moi est aussi très floue, lorsque l’usager n’est plus à même de reconnaitre ses ressentis et ses émotions, qu’il s’agisse de croire qu’elles appartiennent à quelqu’un d’autre (projection sur autrui ou croyance d’un double en soi), ou bien de ne pas du tout les éprouver en se sentant comme mort ou vide intérieurement.

Il y a donc selon l’orientation que prend l’esprit, soit un phénomène de dissociation favorisant un sentiment d’extase, et un ressenti très intense de ses émotions positives lorsque le clivage effectue via le déni ou le refoulement une mise à distance de ses angoisses (en mode on s’en bas les steaks on fait comme si on s’amusait alors qu’au fond de soi une pulsion de mort est à l’œuvre en creusant en nous notre propre néant - ça se finit parfois en black out), soit à l’opposé, l’usager à l’écoute de ses affects voit ses ressentis comme baddants, puis les sent comme de plus en plus inexistants en laissant place un vide existentiel, à une ataraxie ou à une apathie totale lorsque la dissociation l’amène à un état de dépersonnalisation intense. En troisième cas, l’individu incapable de faire face avec une énième réaction dissociative, est en proie à ses angoisses les plus fortes, lorsque la précédente dissociation lui a permit de passer quelques censures en allant au-delà de l’extase ou de l’apathie. Alors son ego n’est alors plus protégé par ses mécanismes de défense comme le déni ou le refoulement, qui font partie du mécanisme de clivage à une autre échelle. Arrivé à ce troisième stade de défonce ressemblant à l’intensification d’un plateau 2 de DxM, l’individu dont l'esprit est prit dans une tourmente digne d'une puissante tornade mentale, ne peut que subir son mal-être tant l’émotion à prit le dessus sur sa raison, et pénètre la seconde matrice périnatale.

Deuxième matrice périnatale : Voyage en absurderie.

Au niveau émotionnel, elle correspond à l’état de « sans issue », à l’angoisse d'un sentiment d’absurde, au cauchemar, au non-sens, à la solitude, au désespoir, au néant comme seule réalité, au sentiment d’impuissance totale lorsque tout parait vain et futile. Elle se relie au niveau archétypal de la chute des anges et à l’enfer. « Les patients ont l’impression d’être en cage, pris au piège d’un univers carcéral ; ils ressentent d’incroyables tortures psychologiques ou physiques. La vie leur apparaît absolument dépourvue de sens. Le sujet est une victime qui subit une situation inévitable et définitive pour laquelle il n’existe aucune issue que ce soit dans le temps ou l’espace ».

Ici tout est souffrance. L’usager s’imagine être dans des situations où sont mises en danger l’intégrité de son corps ou celles d’autrui, il ressent un manque d’affection, de rejet, évoque une atmosphère familiale oppressante. Ses souffrances physiques et psychologiques sont si intenses qu’il a l’impression que cela n’en finira jamais. S’y retrouve impressions et sentiments de compressions, de frissons et de difficultés respiratoires (symptôme d'angoisse), c’est l’apocalypse now dans ta tête. « Cette matrice est terrible. Tout l'amour cosmique disparaît d'un coup, au profit d'un vide tout aussi cosmique mais beaucoup moins sympa. C'est l'étouffement, la terreur claustrophobique. Typiquement, les murs de la pièce se resserrent et il n'y a aucune porte de sortie. On a l'impression qu'on va passer toute l'éternité à mourir, c'est très désagréable. La plupart des bads trips se passent dans cette matrice. C'est d'autant plus traître que cette matrice est la suite logique de la première. Si tout bascule à un moment où tout allait bien, ne vous creusez pas trop la tête : vous avez expérimenté le passage de la première à la deuxième matrice périnatale. Le seul moyen d'en sortir, c'est terrible, c'est d'accepter son destin, ne pas lutter (ça se fait plus ou moins facilement selon le set&setting) ».

L’intérêt introspectif serait ici de se confronter à ses peurs, mais autant faut-il réussir à les dépasser pour ne pas en rester traumatiser une fois qu’on les a faites resurgir en soi. Pour se faire, il faut les accepter en les éprouvant, et ceci se passe dans la phase suivante si on arrive/ose la pénétrer pour ne plus se subir, ou mettre un couvercle de déni sur sa part d’ombre comme on le faisait jusque là (on ne va pas se mentir, ça se fait malgré soi, malgré sa volonté).


PHASE 3 : DISSOLUTION DE L’EGO - Les expériences hors du corps, les projections astrales.


L’angoisse de mort est à la base de toutes les autres peurs. Pour contrer l’angoisse, le clivage tend vers une dépersonnalisation ou une déréalisation, une sublimation ou une intellectualisation de plus en plus intense et transcendante, dans une intensification de la sensation de néantisation. L’ego peine à garder à flot une raison salvatrice, et l’usager voit son monde s’écrouler dans une perte de ses illusions. L’esprit jamais à court de solution dans les cas d’extrême urgence (enfin on l'espère), joue alors sa dernière carte dissociative, lorsque chez l’usager déjà dissocié s’opère une désintégration de ce qui reste de son Moi, en dissociant celui-ci en un « Moi observant » et un « Moi expérimentant » (on met ici de côté la fragmentation du Moi en multiples personnalités, qui voient leurs facettes s’alterner dans l’accélération que prend le trip). L’usager prend ainsi de la distance par rapport à son trip en adoptant une position d’observateur (dépersonnalisation quasi totale, lorsqu'il se regarde en train de penser).

Mais il est essentiel de ne pas chercher à maitriser complètement le trip, en tentant de reprendre le contrôle du phénomène transitoire entre les matrices. Si un soupçon de dépersonnalisation aide à accepter ses angoisses, il ne faut pas trop en abuser (toujours malgré soi) pour ne pas s’en détacher au point de switcher le moment où l’esprit a identifié l’angoisse, l’a accepté, et pleinement éprouvé, avant de lâcher prise dans un état de mort intérieure où la sensation de soulagement sera espérée par la suite. Sans cette sensation de soulagement immédiate (avec les larmes, les hauts le cœur et la sueur qui l’accompagne pendant le trip), un travail de réflexion et de compréhension sera nécessaire post trip, afin de verbaliser et saisir dans son être ce que l’on a vécu, et ainsi assimiler pleinement l’expérience. D’où l’intérêt de ne pas commencer à vouloir expérimenter ce genre de défonce avec un dosage élevé, puisque le trip ne pardonne pas toujours ce genre de consommation souvent irréfléchie, impulsive et présomptueuse. Si la modération n’est pas la meilleure alliée du processus de vie/mort/renaissance étant donné qu’il faut quand même un bon dosage pour y accéder, s’agissant de prise de drogue, la précaution reste nécessaire.

Troisième matrice périnatale : Passage vers l'extérieur, combat à mort.

Au niveau émotionnel, elle renvoie à toutes les situations où la vie de l’individu est mise en danger de façon violente, à l’agressivité, aux pulsions d’autodestruction, à la douleur physique intense. Dans sa dimension symbolique elle évoque les sacrifices animaux et humains, les cataclysmes et autres déchaînements de la nature. « Ici, le sujet n’est plus impuissant face à une situation désespérée. Il a partie prenante et la conviction que sa souffrance tend vers un objectif défini. L’expérience « sans issue » implique une souffrance pure, celle du conflit mort/re-naissance marque le no man’s land entre agonie et extase avant leur fusion ». « Cette matrice n'est pas plus amusante que celle d'avant. Ce n'est clairement pas une partie de plaisir, ça revient à un combat à mort pour la survie. Le seul moyen de passer est d'accepter de se faire broyer par le trip. Cette matrice est caractérisée par des expériences dantestques de vie et de mort. Des scènes titanesques de mise à mort brutale, de déploiement d'énergie destructrice ! Là encore, la meilleure chose à faire est de lâcher prise, de se laisser « tuer » pour « mourir » (là encore, le set&setting est décisif). C'est entre cette matrice et la suivante qu'on lieu les phénomènes de mort/renaissance, de façon plus ou moins imagée. » On pourrait penser au passage d’un plateau 2 extrêmement confus et angoissant de DxM, à un plateau 3 libérateur par sa lucidité et l’harmonie intérieure éprouvée, comme si on avait trouvé la clé à son problème, ouvrant une porte de sortie à tendance métaphysique, avec une possible tonalité spirituelle et mystique selon ses degrés de croyance et de crédulité (certains voient des extraterrestres leur parler).


PHASE 4 : ACTE DE CRÉATION DE SOI - La quête de son absolu


La boucle est bouclée, on en revient à un sentiment d’extase et d’union avec le cosmos. On accède à soi, à son Soi, en ayant prit conscience d’une part de sa personne qui était restée jusque là cachée, et qui désormais est une nouvelle pierre à l’édification de soi, dans un processus d’individuation qui a déjà commencé. L'usager a intuitivement fait des liens entre différents affects, idées et réflexions, qui devraient lui donner matière à penser quand à l'intensité de l'expérience qu'il a vécu, en plus d'analyser les répercutions de celle-ci sur son psychisme et ses relations. C'est donc en répétant ce genre d'expérience de mort imminente, qu'on est sur de se saturer l'esprit et d'avoir toujours plus de mal à s'en remettre.

Quatrième matrice périnatale : La libération

Au niveau émotionnel, elle renvoie à la libération, à la victoire après un combat titanesque, au lâcher-prise, au bien-être, à la gratitude, à l’amour universel. Au plan symbolique elle évoque le salut, la rédemption, les images archétypales du Christ en gloire, aux déités rayonnantes. « La lutte fait place à un soulagement et à un bien-être envahissants. On qualifie cette phase comme étant la « mort de l’ego » : elle entraîne la destruction instantanée de tous les systèmes de référence antérieurs. Directement après avoir vécu ce phénomène d’annihilation totale, le patient est assailli par des visions de lumières froides et aveuglantes : simultanément, il est envahi par une sensation de décomposition et d’expansion. Il perçoit l’univers sous un jour nouveau et extatique. L’expérience mort/re-naissance est perçue comme identique à la destruction biologique. Elle influence profondément la conception qu’un individu a de la mort. Les sujets émergent de telles séances persuadés d’avoir affronté la crise ultime et acquis une connaissance profonde de la mort ».

Cette matrice est le but final de l'expérience de mort/renaissance. Si on se laisse faire dans les autres matrices (moins facile qu'on ne le croit), on en arrive à la quatrième. L'individu, passé par l'union symbiotique avec la mère, par le vide cosmique, puis par la mort symbolique, est arrivé à (re)naître de part lui-même. Alors là, plus rien ne peut se mettre en travers de lui et de la réalisation de ses idéaux. De cette résurrection, l'usager a l’impression que tout le cosmos salue son être nouvellement mis au monde, c’est le retour de son ego qui de nouveau le fait se prendre pour un être unique, éprouvant un sentiment d’existence plein et satisfaisant, l’usager sait désormais pourquoi il est en vit, pourquoi il vit, et sait ce qu’il veut ou doit faire pour se réaliser, selon ses idéaux et objectifs de vie. " Cette matrice aussi peut occasionner des états mystiques d'union avec le cosmos, exprimables uniquement par des paradoxes : "Je suis tout et je ne suis rien", par exemple. On en revient à la phase 1, en ayant éprouvé ses angoisses, comme si on avait bouclé sur soi-même, en parcourant le cercle symbolique qui caractérise le Soi, sa véritable personne. "


QUELQUES EXEMPLES EN CONCLUSION

La dissociation mentale se caractérise par une séparation entre les éléments psychiques qui communiquent habituellement. Ce manque de congruence psychologique, se traduisant par l'incapacité de percevoir les événements extérieurs et d'agir en conséquence, et/ou l'impossibilité d'agir en concurrence avec ses émotions, et/ou la perte de son identité, et/ou la perte de contact avec la réalité.

Je pense qu'il y a moyen pendant et après la dissociation, de se rendre compte de ces différents manque à être. Pendant en se servant de cet état spécifique d’auto-observation de soi, quand on a encore assez de prise avec la réalité. Après, en ne déniant pas ses ressentis et actes exécutés pendant l’épisode dissociatif, dans un effort de remémoration si l’on en est capable, ou d‘acceptation et de prise en compte de son état, lorsque des tiers nous en font part. Exemple de black out à l’alcool : puisque l'épisode de dissociation mentale n'est pas permanent en ne durant que le temps de la perte de sa mémoire, et de son identité lors de deux ou trois heures d'intense ébriété, la personne qui ne se souvient pas de ce qu'elle a fait, a l'impression d'une double personnalité en elle quand on lui raconte ce qu'elle a fait ou dit (c’est sa part sombre qui a prit le devant, quand l’alcool lui a fait perdre ses facultés et moyens, au point de la faire parler sans filtre, agir sans retenue). L'amnésie des événements est caractéristique de la dissociation mentale, puisque la perte de congruence empêche au cerveau de faire communiquer les différentes structures entre elles. Ainsi la personne victime d'une dissociation mentale n'a aucun ou très peu de souvenir, et est encore moins consciente de ce qui lui arrive pendant et après la phase dissociative. Elle ne peut pas maîtriser ses émotions, ni son comportement, avec les conséquences souvent négatives que ça peut avoir sur ses relations sociales, quand elle ne respecte pas son entourage ou sa propre intégrité.

La dissociation mentale est associée à de nombreux troubles psychologiques et psychiatriques. Dans certains cas, elle peut être transitoire, pendant quelques minutes, quelques heures, ou bien durer plusieurs jours. Au-delà des troubles naturels avérés, la dissociation qu’engendre une consommation unique ou régulière, donc ne devant pas perdurer au long terme de manière pathologique, se retrouve dans des états plus ou moins intenses et passagers de dépersonnalisation, de déréalisation, de questionnement à propos de son identité, de déprime, d’angoisse et d’anxiété, d’addiction aux psychotropes, et de sous ou sur alimentation. Tous ces symptômes n’étant que des indicateurs de possibilité de la maladie, il faut se garder de se condamner comme dissocié parce que la veille on a un peu trop abusé, et que ses stocks de sérotonine sont vides (inutile alors de croire qu'on a développé un HPPD, et de s'en convaincre). On peut rapporter ces états à des exemples plus concrets de la vie courante, tel que une amnésie totale d’une partie de la soirée suite à une trop forte consommation d'alcool ou de drogue, une disjonction où vous vous retrouvez à jeter des objets ou à attaquer quelqu’un, un retour en voiture en « auto-pilote » (vous ne vous souvenez pas du chemin parcouru), des moments ou des situations exceptionnels où vous avez pu vous laisser aller à un point que vous ne pouviez imaginer, des émotions incontrôlables comme des crises de larmes, des excès sexuels pour lesquels vous éprouvez toujours de la honte, une expérience proche de la mort où vous avez eu la sensation de quitter votre corps, le sentiment de vous trouver à côté de vous-même et d’observer ce qui se passe lorsque vous vivez une situation oppressante (ex. : une conférence devant un public, un examen…).

Néanmoins ces raisons évoquées sont autant de conséquences suite à un état de dissociation, qu’elles en sont les raisons, dans le sens où chacune de ses raisons peuvent entretenir ou pousser l’individu à retrouver un état dissocié, dans une répétition possiblement régressive faute d’en avoir saisi le mécanisme. Effectivement il parait tentant de rechercher à se détacher de ses émotions lorsque l’on est déprimé et que l’on s’en sent mal. Idem lorsque l’on est stressé ou que l’on se sent coupable ou honteux pour telle ou telle raison. La complexité de nos vies dans la modernité peut être si déstabilisante, que tout à chacun, à son niveau et à sa manière, rechercherait à se dissocier de lui-même dans une quelconque échappatoire. Et la société ne manque pas d’en proposer, qu’il s’agisse de consommations en tout genre (drogues, nourritures, achats compulsifs et inutiles), de divertissements surabondants (jeux-vidéos, séries télés, films, émissions), ou de grand oubli de soi dans le travail (accumulation des heures supplémentaires, assiduité quasi obsessionnelle, pratique du sport jusqu’à l’épuisement). Face au vide croissant de nos existences sur les plans métaphysiques et spirituels, le corps et ses apparences sont mis en avant, ce qui entraine une diminution de notre intériorité, de notre capacité à dialoguer avec soi-même dans une subjectivité pourtant essentielle à entretenir notre sentiment d’identité. L’individu moyen se perd alors dans la technologie qui le distrait de lui-même, et dans une mécanique clivante, lui permettant de faire abstraction de son environnement (ce qu'il ne voit pas et ne ressent pas n'existe pas), tout en se rassurant de cette condition de non être dans des illusions de grandeur et de puissance, où il se prendrait pour son propre héros, horizon indépassable de son manque à faire face au réel. Malgré les distractions, l’individu ne manque pas de se questionner, de critiquer sa vie et son environnement, mais c'est dans une forme passive de nihilisme, et sans plus de souveraineté abandonnée à quelques puissants, qu'il il se désintéresse de la politique fondatrice de sa dignité, et délaisse ses responsabilités familiales, professionnelles, et humaines, en se vendant et se proposant comme un objet au service du grand capital. De cette perte de valeurs morales, éthiques et identitaires à l’échelle des nations, chacune prise dans une globalisation où les limites se confondent, découle une vanité à paraitre plus que l’on est, un orgueil à vouloir et exiger pour soi ce qu’on a pourtant pas mérité faute de devoir accompli, et ceci permettrait à des idéologies fascistes et régressives de gagner les esprits, clivant toujours plus la société dans la richesse de sa mixité et de ses pluralités.


Vous comprendrez que la drogue n'est pas un jeu, et n'est pas à prendre à la légère. Cet article ne justifie et légitime en rien une prise de produit psychotrope.
 
Retour
Haut