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Egocentrisme 3 - Trait de caractère dans la personnalité

Laura Revenudelaba

Elfe Mécanique
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12/7/22
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Avant de se plonger dans les structurations affectives et cognitives de l’égocentrisme, voyons comment ce trait de caractère s'expriment au travers de comportements égocentrés, du normal au pathologique (l'aspect pathologique sera traité dans un prochain article, ici il sera question de complications relationnelles par manque d'écoute plus que d'empathie).


LE TRAIT DE CARACTÈRE ÉGOCENTRIQUE DANS LA PERSONNALITÉ

État cognitif dans lequel l'individu voit, involontairement, le monde d'un point de vue unique (le sien propre), sans avoir conscience des possibilités d’autres points de vue tout aussi valables. L’égocentrique a tendance à tout ramener à soi, et se focalise principalement sur son propre avis. Considérant son opinion comme la plus importante, il se voit comme la personne à suivre et à admirer.

Il y a dans la structure égocentrique des dimensions égoïstes et narcissiques.

Si une personne avec un trouble de la personnalité narcissique a très souvent des traits de caractère égocentriques, toutes les personnes égocentriques ne souffrent pas de trouble de la personnalité narcissique. De même, si l’égocentrique peut être égoiste, tous les égoistes ne sont pas égocentriques.

L’égoïsme consiste à ne penser qu’à soi sans tenir compte de l’intérêt de l’autre. Au contraire l’égocentrique est inter-dépendant d'autrui du fait d’un manque d’autonomie dans son estime de soi précaire. Si l’égoïste se fichera de déplaire, l’égocentrique cherchera à plaire, parce qu’il a besoin de l’approbation ou l’admiration d’autrui pour se sentir bien (ce dont l’égoïste se moque, parce qu’il s’auto-suffit).  Par exemple, l’égoïste arrive fréquemment en retard à un rendez-vous, et fait du bruit pendant que vous dormez ou travaillez, quand l’égocentrique monopolise une discussion en ne parlant que de lui, ou change de sujet pour donner son avis sans se préoccuper du reste. Si les égoïstes ne veulent pas vous comprendre ou tenir compte de vos sensibilités, les égocentriques s’y essayent le temps que leur attention décentrée le leur permette, puis, incapables de témoigner plus d’importance à autrui, reviennent à eux.


ÉGOCENTRISME ET DIFFICULTÉS RELATIONNELLES

L’égocentrique, roi du monologue autocentré, ou de l’échange à sens unique.

Une dimension narcissique du trait de caractère égocentrique pousse l’individu à tout ramener à lui, à parler de lui. L’égocentrique oriente systématiquement les discussions sur ses souvenirs, relate des histoires qui lui sont arrivées dans un grisant enchainement d'événements, persuadé que ce qu’il exprime intéresse son auditoire, forcé de l’écouter. Si un interlocuteur  tente de recadrer la discussion, d’émettre un avis différent ou de témoigner de ses sensibilités propres en partageant un souvenir ou un sentiment, l’égocentrique restera insensible à ces manifestations extérieures. Assuré de son bon droit à monopoliser la discussion, il continuera de s’exprimer avec passion, voire parlera plus vite ou plus haut afin d’empêcher toute interruption de son impérieuse locution. Et ce même si ses propos sont inadaptés au thème initial de la conversation ou au contexte social. Si un interlocuteur arrive à en placer une, l’égocentrique l’écoutera placidement, avant de reprendre soit là où il en était, soit en abordant un sujet complètement différent et hors propos, soit centré sur sa propre expérience.

Faire des généralités à partir de cas particuliers.

On reconnait un égocentrique à sa façon de témoigner ses ressentis et intuitions de manière subjective, en pensant être objectif, notamment en imposant sa vision personnelle et particulière du monde comme s’il s’agissait d’une généralité universelle. Quitte à s’affirmer au travers de propos peu nuancés, dualistes, sur un mode tranché, du fait d’être convaincu de détenir la vérité. Ce sentiment omnipotent et absolu que d’être dans le vrai est motivé par une grande affectivité, relative à une certaine détresse intérieure amenant à un besoin de maîtrise, avec plus ou moins de rigidité. De l'extérieur, l'égocentrique semble désaffecté, alors qu'au fond de lui bout un amour-propre aux bulles égotiques prêtes à déborder.

S’entêter.

A partir de ces manières de s’exprimer via de (plus ou moins grossières) généralités, persuadé d’avoir raison, l’égocentrique se montre incapable d’entendre un avis contraire, ou d’accepter que l’on puisse aborder le même sujet sous un prisme différent du sien. La forme universelle de son approche prévalant (selon lui), il s’entêtera en nuisant à tout débat de fond, répétant inlassablement son propos sans tenir compte des autres formes d’expression. Quoi de plus risible qu’observer deux égocentriques traiter de la même chose, chacun avec leurs propres mots et leur propres concepts, sans jamais s’accorder, voire finir par se disputer une fois la passion ayant supplantée leur raison.

La guerre des ego par manque d’honnêteté intellectuelle.

Socialement, les tensions générées par des caractères égocentrés peuvent mener tout débat à une joute peu constructive et perdant en objectivité, voire à une guéguerre d’égo si les protagonistes interviennent puérilement. Ces vaines interventions sont motivées par des individus voulant se montrer supérieurs, parce que trop souvent intérieurement se sentent inférieurs. Autrement, des rivalités se créent lorsque plusieurs caractères forts ne s'entendent pas sur la manière dont devrait se dérouler un événement, ou sur la façon de le raconter, au point que si leur volonté aux dogmatiques idéaux n’est pas acceptée, ils quittent avec fracas l’espace relationnel, la gorge étouffée par une rancune dont les dégâts seront proportionnels à la hauteur où perchent leurs orgueils blessés.
Aveuglés par leur volonté de dominer leur monde, convaincus de leur supériorité morale, dont le déni de la géométrie variable cimente leur mauvaise foi, les égocentriques se critiquent en projetant sur l’autre tout ce qu'ils ne veulent pas voir chez eux. Ils accusent les fous qui ont osé les critiquer de tout ce qu’on leur a reproché, sans jamais reconnaître que souvent les torts sont partagés dans une escalade des tensions, à pacifier. Pour cela, il faudrait commencer par balayer devant chez soi sans évacuer ce qui déplaît sur le pallier du voisin.

Chercher la contradiction pour souligner ce qui divise, afin d’affirmer son unicité.

Une autre tendance problématique advient lorsque l’égocentrique est persuadé d’avoir raison lors d’un échange. Sans prise en compte des points de vues extérieurs au sien, si à une de ses propositions vous répondez « oui, mais… », l’égocentrique ne retiendra que le « mais ». Par pur esprit de contradiction, il s’évertuera à se focaliser sur ce qui l’oppose aux autres, plutôt qu’aux ressemblances qui l'en rapprocherait. Entre obsession et volonté d’unicité, pourquoi chercher une harmonie pacifique alors qu’élever le ton alimente une belliqueuse hiérarchisation. Se retrouvant en difficultés, s’il sent que la discussion tourne en sa défaveur, l’égocentrique répétera en boucle ses arguments ou changera de sujet jusqu’à ce que l’autre cède. Il ne s’agit plus de convaincre dans un partage d’idées, mais d’écraser l’autre en l’humiliant, pour s’en sentir supérieur (par peur de se faire humilier, du fait d’un complexe d’infériorité).

L’égocentrisme à la base du patriarcat.

L’égocentrique a une propension à l’argumentation qui lui donne un sentiment d’invincibilité, pouvant l’amener à dominer son entourage, et ça même s'il ne le souhaite pas. Question de prise de rôle au travers d’une socialisation particulière, hiérarchisée. La pression et la peur de mal faire pouvant mener à des actes contraire à ses valeurs, à l'opposé l'égocentrique peut être intéressé et calculateur, agissant alors sans scrupule en manipulant autrui, quitte à trouver n'importe quelles excuses pour se donner raison. Sa souffrance refoulée pousse donc l'égocentrique à mal se comporter tout en croyant bien faire. En proie à des peurs non maitrisées, ni reconnues, il cherche à se rassurer par divers moyens, en fonction des situations qu'il a à affronter. Autrement dit il se repose sentimentalement sur la compassion d’autrui qui, s'il ne s'y plie pas, l'égocentrique fera plier par pression morale et tant d'autres formes de manipulation. Le patriarcat s’établit dans ces formes de hiérarchisations affectives, lorsque les rôles sociaux stéréotypés poussent globalement les femmes à mettre leur ego de côté face à l’impériosité des hommes. Sans remplacer le patriarcat par un matriarcat qui en prendrait les formes critiquées, la notion d’égocentrisme permet de réfléchir à la nature des relations entre femmes et hommes, mais aussi avec les animaux et la nature, dans une harmonie plus horizontale, pacifiée.


TRAVAILLER SON ÉGOCENTRISME

L’égocentrisme n’est pas qu’un vilain défaut dont personne ne veut être accusé, mais bien une succession de stades à dépasser pour s’autonomiser, non pas dans une illusion égotique d’indépendance, mais en comprenant que l’on évolue en permanence dans des relations d’inter-dépendance (avec autrui et l’environnement). De là il s’agit de reconnaître, différencier, ce qui relève de soi de ce qui provient de l’extérieur (d’autrui ou des conditions qui structurent notre environnement proche et lointain, avec la prise en compte de toutes les dimensions impliquées, du matériel au culturel, en passant par les dialectiques morales et autres idéologies qui nous traversent dans un certain conditionnement). Et si ce qui s'applique à soi peut l'être également à autrui, ça n'est pas forcément le cas en terme de vécu subjectif. Si se maîtriser en se connaissant est nécessaire pour gagner en sagesse, sans rentrer dans une approche introspective existentielle, évoquons quelques logiques de pensées égocentriques communes, par lesquelles on passe tous à un moment ou un autre, avant de s’en émanciper.

Dualiser son monde.

De nombreuses mécaniques affectives et cognitives élaborent des visions manichéennes dans l’esprit, qui s’expriment au travers de représentations duales, où il y aurait symboliquement d’un côté le camp du bien et de l’autre le mal. Division morale qui limite toute réflexion sur les relations entre les deux dimensions opposées, mais propose des avis, plus ou moins éclairés et pertinents. Sans révéler les corrélations qui animent les dynamiques entre les choses, difficile de saisir toute la complexité qui structure la réalité, avec nuance et non via des clichés (surtout si on les impose aux autres avec ego). Se confronter à sa structure égocentrique serait de repérer nos propres formes de pensées dualistes lorsqu’on oppose dans nos raisonnements, et nos relations, deux dimensions dans un cloisonnement subjectif rigide et moral (cliché tranché), qui empêche toute lecture dialectique dans une continuité historique, nécessaire à une réflexion ouverte et flexible, plus objective.

Juger sans décentrement du moment présent.

D’un besoin de maîtrise de notre environnement, l’on statue la réalité au travers de représentations momentanées, d’après ce que l’on sait du sujet abordé. Mais ignorer qu’on ne connaît pas grand chose au-delà de ses avis reposant souvent sur une somme de clichés ou de visons approximatives, n’aide pas à recontextualiser les événements traités. Ainsi par facilité l’on peut en venir à des jugements anachroniques en interprétant le passé avec nos lunettes du présent, dont on ne parvient à se décentrer moralement, tant nos idéologies nous aveuglent dans quelques certitudes égotiques, manquant de rigueur intellectuelle. Par égocentrisme, nous cherchons à valider nos croyances, quitte à faire preuve de mauvaise foi dans un manque d’honnêteté intellectuelle. Effectivement, s’abstraire de nos conditionnements moraux relève d’un long travail introspectif, qui nécessite d’inhiber son ego lorsqu’on croit détenir la vérité, dans une aveuglante et illusoire transcendante impression morale d’absolu.


ASSIMILATION DES CONNAISSANCES ET ÉGOCENTRISME

Connaître renforce son ego, dans une impression de vérité.

Au travers de découvertes intellectuelles et de nouvelles expériences vécues, l'individu acquiert un savoir qui va réorganiser ses structures cognitives, dans l'assimilation de connaissances qu’il s’approprie. Ce remaniement neuronal, dans une reconfiguration structurel de ses schèmes cognitifs, va influencer la personnalité de l’individu, qui peut s’accompagner de formes particulières d'égocentrisme, telles que se prendre pour un savant (effet Dunning-Kruger), ou ne plus voir le monde qu’au travers d’un prisme unique, liées à ces nouvelles connaissances, tel un passionné interprétant la réalité sur un mode obsessionnel.

Toute décentration entraîne une nouvelle centration.

En s’appropriant des connaissances, d’un savoir nouveau qu’il fait sien, sans discipline l'égocentrique ne distingue pas les idées qui proviennent de l’extérieur, des pensées qu’il se formule intérieurement à partir de concepts en cours d’assimilation dans ses cognitions. En se décentrant via de nouvelles connaissances qui remettent en causes ses précédents schèmes de pensées, l’individu se centre dans un nouveau positionnement subjectif, mais qu’il ignore par manque de recul sur celui-ci, en plus du fait de se sentir plus objectif. Jusqu’à son prochain décrochage abstractif, où d’une nouvelle compréhension intellectuelle plus élargie et pertinente, il gagnera un peu plus en objectivité, par maturité, tout en se centrant dans un nouveau point de vue.

Ainsi, à chaque modification de nos cognitions, serait constatée une restructuration de son égocentrisme, avec des attitudes potentiellement égotiques le temps que durerait l’assimilation des connaissances nouvellement acquises, et selon le travail introspectif de chacun vis-à-vis de la gestion de son ego. Il en va de la qualité de nos relations, essentielles à toute harmonie sociale.​
 
Un texte à lire d'abord pour soi.
Et à partager. Pour se faire des amis. :-D

Merci Laura.
 
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